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Édition du lundi 16 décembre 2024
Outre-mer

Mayotte rasée par le cyclone Chido, peut-être « des milliers » de morts

Mayotte a été ravagée samedi 14 décembre par le cyclone Chido, qui a détruit les principales infrastructures de l'île et rasé les bidonvilles où vivaient des dizaines de milliers de personnes. Selon le préfet, le bilan humain pourrait être effroyable – et le bilan matériel incalculable.

Par Franck Lemarc

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Plus d’habitations, plus d’électricité, plus de téléphone, et surtout plus d’eau ni de nourriture. C’est toute l’île de Mayotte qui a été ravagée par le cyclone Chido et, ce matin, on est encore très loin de pouvoir mesure l’ampleur des dégâts – toute une partie de l’île étant encore inaccessible. 

Un bilan impossible à établir

La catastrophe était annoncée : dès vendredi, les services météorologiques ont établi que le cyclone allait passer non pas à proximité de l’île mais très exactement sur elle. L’alerte violette était déclenchée pour samedi 14 décembre – le niveau le plus élevé des alertes météorologiques, impliquant le « confinement absolu »  de la population. Mais que signifie le « confinement »  dans un territoire où des dizaines de milliers d’habitants vivent dans des baraquements de tôles et de bâches ? Il a été souvent dit, depuis samedi, que ce cyclone est le plus violent qui ait frappé l’archipel depuis 1934, mais il faut rappeler qu’en 1934, Mayotte comptait moins de 20 000 habitants, contre 320 000, officiellement, aujourd’hui – dont un tiers vit dans des bidonvilles.

Lorsque l’on voit les images des structures en dur effondrées – comme la tour de contrôle de l’aéroport de Mayotte – on peut imaginer ce qu’il est advenu des baraquements des bidonvilles, comme celui de Kawéni, en banlieue de Mamoudzou, dont il ne reste plus rien, « comme si une gigantesque explosion avait eu lieu » , raconte un habitant. Des milliers d’habitants de ces bidonvilles n’ont pas rejoint les centres d’hébergement, certains parce qu’ils n’avaient tout simplement pas eu l’information de la violence du cyclone, d’autres parce qu’ils sont clandestins et redoutaient tout contact avec les autorités. Combien de ces habitants ont été ensevelis sous les décombres, mutilés par des tôles emportées par des vents de plus de 200 km/h, pris par des coulées de boue ? Il est impossible de le dire à ce jour, et il sera peut-être impossible de le dire demain. Dans la mesure où personne ne sait exactement combien d’habitants peuplaient ces bidonvilles, le bilan sera très difficile à établir, a expliqué hier le préfet François-Xavier Bieuville, qui a dit craindre des centaines, voire des milliers de morts. D’autant plus que la tradition musulmane – religion majoritaire à Mayotte – impose d’enterrer les morts avant le coucher du soleil si le décès a eu lieu pendant la journée, ou le lendemain matin s’il a eu lieu le soir. Un nombre inconnu de victimes a, selon plusieurs témoignages, déjà été enterré. 

« Un carnage » 

Les mots utilisés par les témoins dans les médias sont tous les mêmes : « apocalypse », « chaos », « bombe atomique », « fin du monde » . Là où les infrastructures n’ont pas été détruites, ce sont les inondations qui frappent, comme dans l’hôpital de Mamoudzou et sa maternité réputée « la plus grande France » , où toute la journée de samedi, les parturientes ont été transportées en brancard d’une salle à l’autre, d’un étage à l’autre, dans la panique, pour fuir les inondations. Selon la députée mahoraise Estelle Youssouffa, « les trois quarts des maisons en dur n’ont plus de toit » .

Plusieurs écoles, qui servaient de centre d’hébergement le temps du cyclone, ont été dévastées : selon Mayotte Hebdo, sur X ce matin, « les écoles de Cavani sud, qui font partie des hébergements d’urgence, ont été dévastées. (…) Il n’y a pas d’eau, les collations sont rationnées et les enfants sont blessés. (…) Les tôles ont été arrachées par les habitants du bidonville en ruine pour reconstruire dans l’urgence. » 

Les bâtiments les plus modernes n’ont pas été épargnés, comme les locaux de la chaine de télévision Mayotte la 1ère, ravagés. Plusieurs mairies, dont celle de Mamoudzou, sont gravement endommagées. Selon un témoin interrogé par l’AFP, « c’est un carnage : le tribunal, la préfecture, beaucoup de services et de commerces sont à terre. »   Le commissariat de Mamoudzou a été détruit. Les barges reliant la grande île aux îles de Pamandzi et Dzaoudzi sont échouées, isolant totalement ces dernières. 

Selon la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, le seul hôpital de Mayotte est « très endommagé », notamment « en chirurgie, aux urgences, en maternité », et les autres centres médicaux de l’île sont « inopérants ». 

La réaction de l’État 

Hier soir, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, – qui se rend aujourd’hui à Mayotte avec son collègue aux Outre-Mer François-Noël Buffet – a activé l’article 27 de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, qui donne des pouvoirs exceptionnels au préfet « lorsque surviennent des événements de nature à entraîner un danger grave et imminent pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics ».

Ces dispositions donnent le pouvoir au préfet pour « diriger l’action de l’ensemble des services et des établissements publics de l’État »  sur le territoire concerné.

Hier après-midi, les premiers moyens ont été déployés : un avion Dash 8 de la Sécurité civile embarquant 17 personnels médicaux et trois tonnes de matériel médical a décollé de La Réunion, puis deux avions embarquant du personnel et du matériel EDF. Un bâtiment de la marine nationale, le Champlain, a été dirigé vers l’archipel. Depuis l’Hexagone, un A440M de l’armée a décollé hier vers La Réunion, qui va servir de base arrière pour les opérations de secours, avec à son bord une trentaine de militaires de la sécurité civile et 20 tonnes de matériel, dont des machines de potabilisation de l’eau. Dans les jours prochains, 140 militaires supplémentaires devraient être acheminés et jusqu’à « 700 personnels de la Sécurité civile » , annonce le gouvernement. 

Une centaine de soignants de la réserve sanitaire sont également acheminés sur place avec du matériel et des médicaments, a annoncé ce matin Geneviève Darrieussecq, et un hôpital de campagne va être déployé

L’urgence absolue – outre le rétablissement des réseaux et la réouverture des routes – est de fournir de l’eau et de la nourriture à la population, dans une île où, même en temps « normal » , l’eau manque cruellement et où, faut-il le rappeler, le choléra a refait son apparition ces derniers mois. 

La députée Estelle Youssouffa a par ailleurs appelé ce matin à la déclaration de l’état d’urgence, en vue notamment d’éviter les pillages. La députée Liot a eu des mots terribles hier, en milieu de journée, pour décrire la situation de l’île : « Les pillages ont commencé. La population est en état de choc très profond. La population cherche ses disparus. Les bidonvilles sont maintenant des charniers, des milliers de personnes ont certainement été ensevelies sous les coulées de boue et les tôles. Mayotte était déjà un désert médical avant le cyclone, avec un hôpital pour un demi-million d’habitants avec 4 médecins aux urgences. Aujourd’hui il ne reste plus rien. J’ai demandé ce matin au préfet d’envoyer les bateaux de la gendarmerie explorer les zones du nord et du sud. On m’a répondu : ‘’Les bateaux de la gendarmerie ont coulé.’’ » 

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