Le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes appelle à agir pour promouvoir l'égalité chez les élus
Par Franck Lemarc
Hasard du calendrier, ce nouveau rapport du HCEfh a été publié la semaine même où la proposition de loi d’Élodie Jacquier-Laforge, sur le même sujet, a été débattue et adoptée à l’Assemblée nationale (lire Maire info du vendredi 4 février). Cette proposition de loi, si elle est définitivement adoptée, imposerait le scrutin de liste paritaire dans toutes les communes y compris celles de moins de 1000 habitants.
20 % de femmes maires
Cette disposition est précisément l’une de celle qui est défendue par le Haut Conseil, depuis plusieurs années (tout comme l’AMF et l’AMRF). Mais elle ne sera, hélas, pas suffisante.
Dans le rapport publié la semaine dernière, le HCEfh confirme en effet que dans les communes de plus de 1000 habitants, la parité est « quasiment atteinte » depuis que la loi oblige à présenter des listes où hommes et femmes alternent strictement : le scrutin de 2020 a permis l’élection de 48,5 % des conseillères municipales dans ces communes. Mais malgré cette avancée, même dans les communes où le conseil municipal est composé d’autant d’hommes que de femmes, la parité s’arrête aux portes du pouvoir : seulement un maire sur cinq est une femme. « La présence des femmes est inversement proportionnelle au pouvoir local », écrit le HCEfh. Non seulement il y a encore moins de 20 % de femmes maires, mais seulement 36,9 % de femmes premières adjointes. Le constat est d’ailleurs le même dans les autres strates de collectivités, puisque les femmes, par exemple, ne représentent que 20 % des présidents de département et 31 % des présidents de région.
Zones blanches
Il existe encore deux « zones blanches de la parité », note le HCEfh : les communes de moins de 1000 habitants et les intercommunalités. Dans les premières, où le nombre de femmes conseillères municipales dépasse à peine un tiers, le problème pourrait, on l’espère, être réglé d’ici les municipales de 2026. Car s’il y a peu de chance que le texte d’Élodie Jacquier-Laforge soit adopté dans cette mandature, il peut évidemment être repris lors de la prochaine.
Pour les EPCI, le problème est nettement plus complexe. 90 % d’entre eux sont présidés par des hommes, et les hommes occupent 74 % des postes de vice-présidents.
« Le mode de désignation (des élus qui siègent au conseil communautaire) joue contre la parité », explique le Haut Conseil, puisque « deux tiers des communes ont un représentant unique au sein de leur intercommunalité. Les têtes de listes étant majoritairement des hommes, les femmes sont mécaniquement sous-représentées ». Ce qui fait des conseils communautaires « des angles morts de la loi sur la parité ».
Face à cette situation, le Haut Conseil émet plusieurs recommandations. L’une – dont on sait qu’elle rencontre une vive opposition de l’AMF – consisterait à élire les conseillers communautaires au suffrage universel direct. D’autres propositions sont moins clivantes, mais compliquées à mettre en œuvre : le Haut Conseil imagine un dispositif où « les communes devant désigner plusieurs conseillers devraient veiller à ce que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes n’excède pas un, tandis que les communes qui devraient désigner un conseiller unique ou un nombre impair de conseillers devraient faire des propositions paritaires conjointes, où la parité serait respectée sur l’ensemble des délégations agrégées. » Autre proposition, peut-être plus intelligible : interdire que la tête de liste électorale pour le conseil communautaire soit du même sexe que la tête de liste municipale, dans les communes de plus de 1000 habitants où les électeurs votent pour les deux listes en même temps.
Statut de l’élu(e)
Enfin, comme il doit hélas le faire chaque année, le HCEfh se désole du fait que « l’exécutif local reste un lieu de pouvoir sexiste et stéréotypé ». Il recommande, d’une part, le renforcement des dispositifs « facilitant et professionnalisant l’engagement des femmes dans la vie publique », (financement des frais de garde renforcé, meilleure sécurisation « des allers et retours entre vie active et vie élective » ). Il salue au passage, la création par l’AMF d’un groupe de travail consacré à la promotion de la présence des femmes dans les exécutifs locaux, qu’il qualifie de « modèle », et encourage les autres associations d’élus à faire de même et à « coordonner leurs actions ».
Le Haut Conseil estime également que les initiatives des partis politiques en la matière sont « très insuffisantes » et recommande que la conditionnalité des aides publiques – qui s’applique déjà à la parité chez les élus de ces partis – soit étendue « à l’obligation de parité dans les instances de direction et les commissions d’investiture ».
Dans le troisième chapitre du rapport, les auteurs constatent avec amertume que « le mouvement #MeToo en politique n’a pas été suivi d’effets », que « la lutte contre le harcèlement sexuel et politique peine à se mettre en place ». Toute cette troisième partie du rapport, particulièrement instructive, revient sur les mécanismes d’invisibilisation des femmes au sein des assemblées, quand ce n’est pas d’humiliation, encore trop souvent à l’œuvre.
« Insuffler l’ensemble des compétences »
Parmi les ultimes recommandations, le Haut Conseil souligne que « pour être efficaces, les actions en faveur de l’égalité doivent imprimer toutes les compétences du bloc communal ». Il se réfère là encore à l’initiative prise par l’AMF en 2019 de placer « la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause du mandat 2020-2026 ».
Les politiques d’égalité doivent « insuffler l’ensemble des compétences communales », conclut le HCEfh, qui reprend ici les idées préconisées par l’AMF : « L’égalité entre les femmes et les hommes gagnerait à être promue dans l’ensemble des matières dont les communes ont la compétence, et à travers lesquelles elles accompagnent : l’éducation, les sports, la culture et la vie associative sont autant de priorités faisant l’objet de partenariats et d’échanges avec les acteurs privés de leurs territoires respectifs (associations et entreprises). Le soutien financier ou matériel (subventions, prêts de salles, domiciliation…) de ces acteurs est un levier essentiel pour promouvoir et garantir l’égalité. Les politiques territoriales d’action sociale, d’économie et d’emploi, d’aménagement du territoire et du logement nécessitent un cadre de réflexion cohérent pour l’échelon communal afin d’assurer un espace public plus adapté aux femmes et leur émancipation économique et sociale. »
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