Outre-mer : la Cour des comptes souhaite revoir le statut de Wallis-et-Futuna
Par A.W.
« La préparation du prochain contrat de convergence et de transformation (CCT) […] doit être l’occasion d’avancées sur les questions statutaires, foncières ou fiscales, contrepartie de l’engagement de l’État pour le territoire, et condition d’une bonne utilisation des fonds publics mobilisés ». Dans un rapport publié, hier, la Cour des comptes recommande de réformer le territoire des îles de Wallis et Futuna afin d’y pérenniser et développer les services publics, faire face au vieillissement préoccupant de sa population et réduire les inégalités.
Un statut d’exception « non justifié »
Avec ces « nombreuses particularités », notamment « le maintien d'une autorité et de règles coutumières demeurées très prégnantes », le statut de ce territoire du Pacifique reste fondé sur une assise constitutionnelle « fragile », estime la Cour qui rappelle que les quatre entités administratives (le territoire et ses trois circonscriptions) qui le composent demeurent « soumises à la tutelle et au contrôle a priori du représentant de l'État, les lois de décentralisation n’y étant pas applicables ».
Sur ces îles, le préfet tient, en effet, lieu d’exécutif des différents échelons locaux et l’assemblée territoriale, composée de 20 membres élus pour cinq ans, reste « la seule instance locale élue au suffrage universel », avec le député et le sénateur. Dans ce contexte, « les compétences sont étroitement enchevêtrées du fait de l’absence de collectivité territoriale, et de la dualité de rôle du préfet ».
En outre, les résidents du territoire ne sont assujettis à aucun impôt ni cotisation sociale nationale, les dépenses de santé étant intégralement prises en charge par l'État. En parallèle, il n’existe pas d’assurance chômage ni de couverture du risque d’accident du travail.
Une situation d’exception « non justifiée », selon les auteurs du rapport, qui rappellent que, « depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, Wallis-et-Futuna relève de l’article 74 de la Constitution, ce qui aurait dû induire l’adoption d’une loi organique définissant le statut de collectivité d’outre-mer (Com) spécifique ». Seulement, « toute réforme statutaire doit être approuvée par les chefferies coutumières, lesquelles restent très attachées au texte de 1961 et au statut foncier qui y est associé », tous deux adoptés après une consultation référendaire qui a mis un terme au protectorat en cours depuis 1888.
Bien que plusieurs propositions d'évolution statutaire aient été faites en 2019 et 2020 concernant le transfert de l’exécutif, la Cour rappelle qu’« aucun arbitrage n’a été retenu par les élus de l’assemblée » à ce jour.
Gestion foncière non sécurisée
La Cour pointe plusieurs handicaps qui frappent ce territoire micro-insulaire, parmi lesquels la faiblesse de son économie marchande, des inégalités financières importantes et le vieillissement rapide de sa population (estimée en 2022 à 11 000 habitants) confrontée à une faible natalité et à l’émigration de sa jeunesse. Une situation démographique jugée « préoccupante » puisqu’elle « engendre des besoins importants en termes d’aides sociales, de réhabilitation de l’habitat, ou de structures d’accueil sociales et sanitaires » et fragilise « l’équilibre précaire du régime local de retraite, dont les réserves seront épuisées à l’orée de la prochaine décennie ».
Outre le fait que le territoire reste fortement dépendant du financement de l’État (celui-ci contribue pour plus de 200 millions d’euros par an à son fonctionnement et à l'investissement, auxquels s'ajoutent environ 25 millions d’euros de recettes fiscales locales), la gestion coutumière de sa ressource foncière et la recherche permanente de compromis entraînent une « absence de stabilité des droits fonciers réels » et constituent ainsi « un obstacle majeur à la réalisation d'équipements publics, comme au développement de l’initiative entrepreneuriale ». Ce qui affecte également la gestion budgétaire.
À Wallis-et-Futuna, la propriété foncière est restée « collective et coutumière, selon trois niveaux », résume de manière simplifiée la Cour : « Le royaume, la tribu et la famille ». « Seuls des droits d’usage sont susceptibles d’être consentis, ou pas, au profit d’acteurs externes, qu’ils soient privés ou publics, pour des durées et dans des conditions non sécurisées », explique-t-elle. La conduite de projets implique donc « l’obtention d’accords, rarement écrits, avec les différents niveaux concernés de chefferie coutumière, et dont la validité est susceptible de remises en cause ».
Rechercher de « nouvelles ressources fiscales territoriales »
« Les besoins du territoire sont cependant importants, pour la pérennisation et le développement des services publics, comme pour faire face aux défis du vieillissement de la population ou de la réduction des inégalités », expliquent les magistrats financiers.
Ceux-ci réclament ainsi « la modernisation du statut du territoire » avec la mise en place d’un « statut foncier respectueux à la fois des traditions et des nécessités d’un développement économique maîtrisé ». Des évolutions qui « doivent être intégrées à la discussion du prochain contrat de convergence et de transformation, avec pour objectif d’en améliorer l’exécution budgétaire ».
Ils estiment également nécessaire de « faire appel à une contribution accrue des acteurs locaux au financement des services publics et de la solidarité ». Pour répondre ainsi aux nombreux défis socio-économiques qu’affrontent le territoire, « de nouvelles ressources fiscales territoriales doivent être recherchées », selon les magistrats financiers qui incitent à la création, « dans les meilleurs délais », d’une « fiscalité applicable au territoire ».
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