Métaux issus de la crémation : le Conseil constitutionnel valide les dispositions de la loi 3DS
Par Franck Lemarc
Que deviennent les résidus de métaux – prothèses ou broches par exemple – issus d’une crémation ? La clarification de cette question a été apportée dans la loi dite 3DS du 21 février 2022, à l’initiative du sénateur Jean-Pierre Sueur qui l’avait introduite en commission afin de répondre « aux demandes récurrentes des maires, des usagers et des opérateurs funéraires ».
Après un certain nombre de modifications pendant la navette parlementaire, cette disposition est devenue l’article 237 de la loi. Cet article dispose clairement que « les métaux issus de la crémation ne sont pas assimilés aux cendres du défunt », et qu’ils doivent faire l’objet « d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession, à titre gratuit ou onéreux, en vue (d’un) traitement approprié ».
En cas de vente de ces métaux, la loi pose tout aussi clairement que le gestionnaire du crématorium doit en inscrire le produit en recette de fonctionnement, et que ces recettes ne peuvent avoir que deux usages : « financer la prise en charge des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes », ou « faire l'objet d'un don à une association d'intérêt général ou à une fondation reconnue d'utilité publique ». La loi indique enfin que ces dispositions doivent figurer sur « tout document de nature contractuelle » prévoyant la crémation du défunt et qu’elles doivent être affichées publiquement dans les crématoriums.
Enfin, un décret du 5 août 2022 est venu préciser ces dispositions. Il indique que lorsque ces résidus de métaux sont vendus, si le gestionnaire du crématorium choisit d’affecter les recettes à la prise en charge des obsèques des personnes sans ressources, il doit les verser à « une ou plusieurs communes », dont la liste devra être affichée dans le crématorium. Dans le cas où les recettes sont versées à une association ou une fondation, celles-ci doivent figurer sur une liste préalablement établie par une délibération du conseil municipal ou communautaire compétent pour la création ou la gestion du crématorium.
Réponses… et interrogations
Ces dispositions ont été contestées devant le Conseil d’État par une société, Europe métal concept, dont l’activité est… la revalorisation des métaux précieux issus de la crémation. La saisine de cette société n’avait naturellement rien à voir avec la crainte d’une éventuelle perte de recettes : l’entreprise a plaidé, devant le Conseil d’État, que ces dispositions « portaient atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine » et « au droit de propriété » de la famille des défunts. Selon elle, ces métaux sont « indissociables du corps du défunt », et le nier serait une atteinte à la dignité de la personne humaine ; et même s’il était légitime de dissocier ces métaux des cendres, « ces dispositions méconnaîtraient le droit de propriété dans la mesure où elles permettraient leur récupération et leur cession par le gestionnaire du crématorium sans que les ayants droit ne puissent faire valoir leurs droits sur ces métaux ni être informés de leur valeur ».
Le Conseil d’État a renvoyé la question au Conseil constitutionnel, sous forme d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité).
Les Sages ont rendu leur décision le 18 janvier, et ont jugé que ces dispositions étaient conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a en effet jugé que les métaux issus de la crémation sont bien « distincts des cendres du défunt ». Le fait pour les gestionnaires du crématorium de récupérer et céder ces métaux ne peut donc être assimilé à une méconnaissance du principe de dignité de la personne humaine.
Par ailleurs, les Sages ont rappelé que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen permet des atteintes au droit de propriété pour un motif d’intérêt général. La « récupération de ces métaux en vue d’en assurer le traitement approprié » est bien, selon les Sages, « un objectif d’intérêt général ».
Le Conseil constitutionnel utilise ensuite un argument un peu surprenant, qui pourrait ouvrir la voie à de sérieux contentieux. Il écrit en effet que les dispositions de la loi, si elles interdisent aux ayants droit de « se voir remettre les métaux issus de la crémation ou le produit de leur cession », n’ont en revanche « ni pour objet ni pour effet de les priver des droits qu’ils peuvent faire valoir en temps utile sur ces biens en fonction de la loi successorale ».
Les Sages en concluent que ces dispositions ne méconnaissent pas le droit de propriété, et que l’article 237 de la loi 3DS est conforme à la Constitution.
Néanmoins, l’argument sur la possibilité des héritiers de « faire valoir leurs droits » au titre de la succession, interroge. Cela signifie-t-il que des héritiers pourraient se retourner contre un crematorium, voire une commune, pour lui réclamer de récupérer les recettes de la cession de ces métaux ? À moins que par « en temps utile », les Sages veuillent dire « avant la crémation » ? La formulation est peu claire et demanderait des clarifications juridiques.
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