La Défenseure des droits préconise une refonte du droit funéraire « à visée pédagogique pour les communes »
Par Franck Lemarc
L’institution qu’est le Défenseur des droits a traité dans les dix dernières années « 200 dossiers relatifs au droit funéraire ». Claire Hédon le reconnaît sans peine : rapporté aux quelque 600 000 décès qui se produisent chaque année en France, c’est assez peu. Néanmoins, l’institution a constaté « un doublement du nombre de dossiers traités chaque année à compter de 2014 ».
Un droit « imparfaitement connu »
Le rapport brosse un intéressant tableau de la situation et des « évolutions » récentes de « la cellule familiale », qui ne sont pas sans conséquence sur l’organisation des obsèques : augmentation du nombre de familles recomposées, création du pacs, ouverture du mariage aux personnes de même sexe, ouverture de la PMA aux couples de femmes sont autant d’éléments nouveaux qui ont conduit à « des situations inédites » et rendent de plus en plus inadapté un droit funéraire « issu de la conception napoléonienne » de la famille.
En outre, le droit funéraire, qualifié « d’ancien, fragmentaire et complexe », est « imparfaitement connu des administrations » chargées de l’appliquer – à savoir les communes (« les plus grandes collectivités n’étant pas exemptes d’approximations ou d’erreurs » en la matière, remarque Claire Hédon). Le rapport donne des exemples de ces « erreurs », comme le refus de délivrance de concessions funéraires « pour des motifs illégaux ».
Clarification des critères
Une partie du rapport est consacrée au rappel des principales règles de droit, en soulevant à chaque fois un certain nombre de points de réflexion issus des dossiers traités par l’institution. Par exemple, la Défenseure des droits pointe la question de la prise en charge par les communes des frais d’obsèques pour les personnes précaires, en reprochant le flou des formulations du CGCT : celui-ci mentionne en effet « les personnes dépourvues de ressources suffisantes », sans critères objectifs, ce qui conduit à ce que le maire doive « apprécier au cas par cas si le défunt concerné » entre dans cette catégorie. Claire Hédon préconise donc « une clarification » des critères.
Un autre chapitre est consacré à la délivrance des concessions, ce qui est pour la Défenseure des droits l’occasion de rappeler que celle-ci « n’est soumise à aucune condition de domiciliation » dans la commune. Par ailleurs, le fait que « les registres et les plans des cimetières ne (soient) pas toujours bien tenus » peut amener les maires « à accorder par erreur des concessions sur des emplacements déjà concédés ».
Sur ce sujet, la Défenseure des droits recommande par ailleurs que « la catégorisation des concessions », dans la mesure où il existe « des jurisprudences contradictoires », soit fixée dans le droit réglementaire. Ce qui permettrait notamment, pour les concessions de famille, « de préciser les critères permettant de qualifier les actes qui appartiennent à cette catégorie ». Elle propose également l’édition « d’un acte-type de concession individuelle, collective et de famille », qui pourrait être mis à disposition « de l’ensemble des mairies ».
L’essor de la crémation
Autre sujet abordé : la crémation, « phénomène en plein essor » que les communes, estime Claire Hédon, « tardent à s’approprier ».
Le rapport cite plusieurs exemples de saisines reçues par la Défenseure des droits, notamment sur la définition de « la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ». Cette notion, qui apparaît plusieurs fois dans le CGCT, par exemple pour autoriser une crémation en l’absence de volonté écrite du défunt, est « juridiquement floue ». De plus, le CGCT utilise alternativement deux formules : « la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles » et « le plus proche parent du défunt ». Claire Hédon recommande « que les dispositions du code général des collectivités territoriales soient harmonisées afin qu’une seule et même référence soit utilisée pour désigner la ou les personnes chargées de prendre les décisions nécessaires au devenir du corps d’un défunt (conservation du corps, transport, crémation, dispersion des cendres, exhumation) ».
Par ailleurs, la Défenseure des droits se penche sur les « crémations administratives », « que les communes peuvent mettre en œuvre à l’occasion de la reprise de sépultures en terrain commun, de concessions temporaires venues à échéance, ou de concessions perpétuelles reprises pour abandon ». Elle pointe « la grande diversité des pratiques adoptées par les communes » en la matière, et recommande, là encore, une mise à jour du droit, pour clarifier les « obligations mises à la charge des communes, afin que toutes les familles puissent bénéficier des mêmes informations sur l’ensemble du territoire, et ainsi anticiper le devenir des sépultures de leurs proches ».
En conclusion, la Défenseure des droits se dit favorable à « une refonte du droit funéraire à visée pédagogique pour les communes ». Afin, non seulement, de faciliter le travail de celles-ci et de leur éviter des erreurs, mais également d’établir un régime « plus protecteur » pour la personne défunte. Elle rappelle que le Code civil précise (article 16-1-1) que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence. »
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