Ouverture des données : un rapport pour encourager les collectivités à sauter le pas
Par Lucile Bonnin
En avril dernier, Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, annonçait le lancement d’une mission « Data et territoires » pour améliorer l'usage des données par les collectivités territoriales.
Force est de constater que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. En effet, 7 ans après l’adoption de la loi pour une République numérique « qui a posé le principe de l’ouverture des données par défaut et introduit une obligation d’open data pour toutes les collectivités de plus de 3 500 habitants et 50 agents publics », « 16 % seulement des collectivités concernées par la loi ont effectivement rempli leurs obligations ».
Ainsi, dans le rapport rendu vendredi dernier au ministre, les auteurs pointent une progression « lente » de cette obligation d’open data : « Selon les calculs de l’association OpenDataFrance il faudrait au rythme actuel 20 ans pour que l’ensemble des 5 000 collectivités concernées remplissent leur obligation ».
22 recommandations reparties en 6 axes ont donc été formulées afin de passer à l'étape supérieure « de faire de la donnée territoriale un instrument puissant et partagé pour guider les décisions, améliorer la vie démocratique et relever les défis complexes de notre époque » .
Clarifier les enjeux
Selon les trois auteurs du rapport – Christine Hennion, ancienne députée des Hauts-de-Seine et conseillère municipale de Courbevoie, Magali Altounian, adjointe au maire de Nice et conseillère régionale Région Sud et Bertrand Monthubert, président du Conseil National de l’Information Géolocalisée (CNIG), d’Ekitia et d’OpenIG – ce manque d’implication des collectivités sur le sujet est « aussi la conséquence d’une interrogation plus fondamentale : quel est le sens de cette obligation d’open data ? »
En effet, il semble que certains élus partagent « le sentiment d’une contrainte réglementaire supplémentaire dont les bénéfices pour la collectivité elle-même apparaissent peu clairs. Par contraste, les obligations en matière de protection des données à caractère personnel semblent mieux comprises et acceptées. »
En fait, l’ouverture des données répond d’abord à un enjeu de « transparence » et de « modernisation » de l’action publique avec « une politique de partage de la donnée qui est aujourd’hui nécessaire ».
Frilosité face à ces sujets, manque de moyens dans les collectivités… Le rapport recommande de renforcer l’acculturation, la formation et la connaissance en la matière notamment en assouplissant « les conditions d’accès à la formation en données pour les agents territoriaux et intégrer la maîtrise des données dans les compétences requises par les concours de la fonction publique » ; ou encore en créant « un programme d’échanges entre agents de l’État et des collectivités territoriales sur le modèle d’un Erasmus de courte durée sur les sujets de la donnée publique ».
Pour financer la politique en matière de données territoriales, la mission propose de « créer un programme d’accélération et de réplication des expérimentations réussies » , notamment pour inspirer les territoires les moins en avance sur la question. Enfin, les trois auteurs veulent développer une culture de la confiance en formant 10 % de la population aux enjeux de la donnée et en impliquant « les habitants et les individus dans la gouvernance de la donnée territoriale et des initiatives des collectivités ».
Relations entre État et collectivités
Pour que l’ouverture de la donnée puisse triompher au sein des collectivités, le rapport pointe la nécessité de « mettre en place des instances de gouvernance au niveau national et au niveau territorial (« comités territoriaux de la donnée » ), espaces de collaboration, de coordination et de pilotage entre l’État et les collectivités territoriales ». En effet, actuellement, la relation entre l’État et les collectivités en matière de données « génère une certaine frustration de la part des collectivités » notamment parce qu’elle est « déséquilibrée ».
La mission plaide alors pour la mise en place d’une véritable gouvernance qui associerait l’État et les collectivités, tant au niveau national qu’au niveau local. La mission considère opportun de « réduire le délai de mise à disposition, auprès des collectivités territoriales, des données collectées par l’État dès lors que celles-ci sont nécessaires au pilotage des politiques publiques locales » et de « renforcer les capacités des services déconcentrés de l’État (administration territoriale de l’État) et réaffirmer le rôle et les missions des référents Data au sein des Préfectures, en associant la Dinum à l’animation du réseau de ces référents ».
Mutualiser
Enfin la mutualisation est aussi le maître mot de ce rapport qui recommande le développement d’une aide financière « aux acteurs de la mutualisation, tant au niveau national que local, qui permette aux collectivités territoriales de collecter et exploiter les données à des fins d’intérêt général ».
Il est aussi recommandé de faire primer une « logique de collaboration et de mutualisation » par rapport à une « logique de mise en compétition entre les territoires » qui existe actuellement. Plutôt que de lancer des appels projets, des appels à communs pourront « encourager les réponses provenant de structures de mutualisation ».
Par ailleurs, la mission considère que « l’établissement des feuilles de route du numérique et de la donnée par les ministères d’ici la fin de l’année en cours est l’opportunité de mieux prendre en compte cette dimension territoriale et le besoin d’une meilleure articulation avec les collectivités, mais aussi d’y adjoindre les moyens budgétaires et humains associés » . Selon le communiqué de presse du gouvernement, « le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini annoncera prochainement les suites qu’il entend donner à ces recommandations ».
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