Départements : Élisabeth Borne tente de dissiper les inquiétudes
Par Franck Lemarc
« Le département, c’est le quotidien, c’est l’humain. » C’est par ces mots que la Première ministre a débuté son discours de clôture des Assises nationales des départements de France, vendredi 10 novembre à Strasbourg. Ce congrès s’est tenu dans un climat de grande inquiétude, quelques jours après que le chef de l’État eut confié au député Éric Woerth une mission sur la décentralisation où il lui demande de réfléchir au « nombre de strates » des collectivités locales françaises. Comme toujours, ce type de demande fait craindre le retour de la vieille antienne de la suppression d’un niveau de collectivité – et singulièrement celle des départements. Éric Woerth s’est, cependant, clairement démarqué de toute volonté d’aller dans ce sens.
« Échelon indispensable »
Élisabeth Borne a listé, dans son discours, les multiples missions assurées par les départements et leur caractère indispensable : la protection de l’enfance, le RSA, la gestion des ehpad, les aides pour les personnes handicapées, les routes départementales, les sapeurs-pompiers… Les départements sont « au cœur de la vie des Français et aux avant-postes pour les défis de demain », a affirmé la cheffe du gouvernement, qui a déclaré que le chef de l’État voulait « accentuer la décentralisation » et non pas « la rogner ». « L’État ne doit pas vous brider. Au contraire, il doit vous encourager. Vous permettre de proposer, de vous lancer, et de généraliser ce qui a marché. » Et de clore le débat sur la disparition éventuelle des départements : « Aujourd’hui et demain, le département est un échelon indispensable pour l’action publique locale. »
La Première ministre a fait le bilan des actions menées en commun avec les départements ces douze derniers mois : élaboration du dispositif France travail, qui va venir se substituer à Pôle emploi, expérimentation dans une vingtaine de départements d’un « accompagnement rénové pour les allocataires du RSA », « Pacte des solidarités » pour lutter contre la pauvreté des enfants notamment, Conférence nationale du handicap…
Protection de l’enfance
Élisabeth Borne a également souhaité répondre aux inquiétudes nées ces dernières semaines de rumeurs d’une volonté gouvernementale de recentralisation de l’aide sociale à l’enfance (lire Maire info du 12 octobre). Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’Enfance, avait en effet, dans une interview, dénoncé « un système à bout de souffle » et lancé ce qui avait été alors ressenti comme une menace : « Si les départements considèrent que la situation leur échappe, la question de la recentralisation peut être travaillée. » Des déclarations qui avaient suscité « une profonde indignation » de Départements de France.
La Première ministre, hier, s’est montrée claire : l’aide sociale à l’enfance est « une mission essentielle » des départements, dont elle a salué « l’engagement (de ceux-ci) pour l’animer ». « En aucun cas, je n’imagine que les Ddass faisaient mieux que vous. »
Élisabeth Borne s’est félicitée du succès de la contractualisation de la protection de l’enfance et souhaite « la pérenniser ». Elle a annoncé qu’un comité interministériel à l’enfance sera bientôt réuni, et a proposé « une mobilisation générale pour l’enfance protégée », avec le lancement d’une nouvelle « instance de dialogue » associant ministres et départements. Pour soutenir les départements dans lesquels le soutien aux mineurs non accompagnés est « en tension », elle a annoncé le déblocage de 100 millions d’euros.
Fonds de sauvegarde
La question du grand âge a également été abordée par la Première ministre, qui s’est dite consciente des « inquiétudes » des départements sur leur « capacités à financer » l’autonomie. « L’année 2023 a été marquée par l’élaboration des premières briques concrètes d’un ‘’service public départemental de l’autonomie’’ » détaille le dossier de presse diffusé par le gouvernement. « Ces dernières années ont été marquées par une hausse significative des financements de la CNSA [Caisse nationale de solidarité vers l’autonomie] vers les départements, a poursuivi la Première ministre vendredi, mais vous me le dites : ces financements sont devenus illisibles et ne permettent pas de couvrir vos besoins ». Disant « partager » ce constat, Élisabeth Borne a promis que dès l’année prochaine, la CNSA va dégager « une première enveloppe de plus de 150 millions d’euros », afin de couvrir les dépenses d’aides à l’autonomie des départements « a minima à 40 % ». Cette enveloppe fera l’objet d’un amendement du gouvernement au PLF pour 2024, au Sénat.
Enfin, la Première ministre a – très rapidement – évoqué les difficultés financières des départements liées à la contraction très importante des DMTO (droits de mutation). Pour « aider les départements les plus en difficulté », une quinzaine d’entre eux vont bénéficier d’un « fonds de sauvegarde alimenté à parité par l’État et les départements », à hauteur d’une centaine de millions d’euros.
Ces annonces seront-elles suffisantes pour permettre aux départements de sortir la tête de l’eau, au moment où, comme le dénonçait le président de Départements de France, François Sauvadet, lors des Assises, ils font face à des dépenses qui « explosent » et des recettes qui « s’effondrent » ? « On va droit dans le mur », s’inquiétait le président du département de la Côte-d’Or.
Il reste à voir, à présent, comment les promesses de la Première ministre prendront place dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, dont l’examen se poursuit désormais au Sénat après leur adoption forcée au 49.3, en première lecture, à l’Assemblée nationale.
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