Orange conteste le pouvoir de sanction de l'Arcep, qui redoute « des conséquences cataclysmiques »
En saisissant le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) remettant en question le pouvoir de sanction du régulateur des télécoms - l’Arcep - Orange a jeté un pavé dans la mare. Dans Les Échos, Sébastien Soriano, président de l’autorité, s’est dit « extrêmement perturbé ». Dans un communiqué, l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et audiovisuel (Avicca) s’inquiète. Si l’Arcep venait à perdre son pouvoir de sanctionner les opérateurs en cas de non-respect de leurs engagements, qu’adviendrait-il des plans du gouvernement sur le fixe (plan France très haut débit) et le mobile (New Deal Mobile) ? Dans ces conditions, les objectifs de généralisation du haut et très haut débit et de la 4G fixés par le gouvernement pourraient-ils être tenus ?
Orange a refusé notre demande d’interview et Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement qui suit le dossier au gouvernement, n’a pas donné suite. Dans Les Échos, Sébastien Soriano évoque une tentative de déstabilisation et s’alarme : « Les conséquences pourraient être cataclysmiques. La procédure peut faire s'effondrer toute la crédibilité des engagements contraignants pris par les opérateurs pour déployer la fibre et la 4G - auprès du gouvernement, des collectivités, des consommateurs… ». Délégué général à l’Avicca, Ariel Turpin ne se montre pas plus rassurant. « Si le pouvoir de sanction de l’Arcep tombe, c’est l’ensemble de la politique du gouvernement qui est mise à mal. Le danger pour les territoires est très important », s’inquiète-t-il, s’interrogeant dans le même temps sur « le silence assourdissant » dont fait preuve le gouvernement, alors que « l’État est l’un des actionnaires d’Orange ».
Pourquoi une QPC maintenant ?
Cette QPC, révélée par Le Monde et déposée par Orange le 29 août, revient sur une décision concernant les offres professionnelles que lui a adressée le régulateur le 18 décembre 2018. « Le gendarme des télécoms reprochait à Orange de ne pas respecter ses obligations vis-à-vis des autres opérateurs télécoms lorsqu'il leur met à disposition ses réseaux fixes », écrit Les Échos. « Concrètement, Orange reproche à l’Arcep d’être à la fois juge et partie, jugeant que les trois formations de l’Arcep, l’une ayant pour mission d’édicter des normes pour le marché, une autre de contrôler et d’enquêter et la dernière de sanctionner, ne seraient pas aussi étanches entre elles qu’elles devraient l’être selon le respect de la Constitution », a constaté Le Monde.
L’Arcep peut-elle réellement perdre son pouvoir de sanction ? C’est au Conseil d’État ou au Conseil constitutionnel – au cas où le Conseil d’État venait à lui transmettre le dossier – que reviendra cette décision. Toujours est-il qu’un précédent existe. En 2013, Numéricable, aujourd’hui SFR (groupe Altice), avait également saisi le Conseil d'État pour contester une amende de 5 millions d’euros infligée par l’Arcep en décembre 2011. Le Conseil constitutionnel avait, l’année suivante, tranché en faveur de l'opérateur, annihilant ainsi le pouvoir de sanction de l’Arcep. Celui-ci n’a été rétabli par ordonnance qu'en août 2014.
Les opérateurs mis sous pression
Dans un communiqué, Patrick Chaize, président de l’Avicca, redoute un scénario similaire : « Si l'Arcep perdait son pouvoir de sanction, elle ne le retrouverait pas avant 2022 au mieux... Ce qui signifierait aucune sanction durant l'actuelle mandature au moins. » En jeu notamment : l'achèvement de la couverture FttH de la zone Amii, de la complétude des déploiements, de la bonne mise en œuvre du New Deal mobile, du respect du service universel mais aussi le respect des engagements pris par les opérateurs sur les Amel (lire Maire info du 26 octobre 2018).
Orange a adressé cette QPC alors que l’Arcep intensifie, depuis quelques mois, la pression sur les opérateurs. Très récemment encore, le 30 juillet dernier, l’autorité de régulation a « prévenu les quatre opérateurs » (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Iliad-Free) qu’elle « allait leur adresser une mise en demeure anticipée » au sujet du New Deal Mobile, avait révélé Les Échos. Cette année, Orange a été visé par pas moins de trois mises en demeure successives sur ses offres de gros, sur l’entretien du réseau cuivré historique et sur les retards de déploiement de la fibre dans les villes moyennes.
Ludovic Galtier
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