Comment le Conseil national du numérique veut faire de l'identité numérique « un service public universel »
Dans un rapport sur « l’identité numérique » (lire Maire info du 12 mars), remis lundi 15 juin au secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O, le Conseil national du numérique (CNN) préconise, cinq ans après la création de France Connect et un an avant l’apparition de la carte nationale d’identité électronique (lire Maire info du 5 décembre 2019), 35 pistes « pour assurer l’égalité de tous devant ce service public (…) qui se doit d’être universel ». Ce qui est loin d’être aisé tant « les citoyens n’ont pas la même culture numérique » et la fracture numérique et les inégalités territoriales en termes de couverture et d’accès au numérique se sont creusées. Autant d’éléments de contexte à « prendre en compte » dans la dématérialisation des démarches administratives, dont le parachèvement est prévu pour 2022.
Qu’entend-on par identité numérique ? Elle correspond, selon la définition du CNN, à un « identifiant (nom d’utilisateur) choisi pour ou par le détenteur et permettant - souvent associé à un mot de passe - d’accéder à des services (publics, privés ou professionnel, locaux, nationaux ou internationaux) ». 16,5 millions d’usagers sont, par exemple, familiers du dispositif d’identité numérique France Connect. Créé en 2015, il permet de « s’identifier et de s’authentifier, auprès de partenaires, fournisseurs de téléservices et de services en ligne, au moyen de dispositifs mis en œuvre par des fournisseurs d’identité partenaires ». Plus de 700 services en ligne y sont référencés (Assurance maladie, La Poste, impôts…).
Aux mairies « l’enrôlement »
Pour favoriser « l’acceptabilité » des usagers, « la première interaction entre un individu et son identité numérique », que le CNN appelle « l’enrôlement », est, par conséquent, « une étape cruciale ». D’autant plus « lorsqu’une relation a besoin d’un certain niveau de confiance, de certitude concernant les caractéristiques des interlocuteurs, pour perdurer ». En tant que « lieux de confiance pour maintenir la relation entre identité et citoyenneté », le CNN juge que les mairies, qui prennent déjà en charge « l’enregistrement de caractéristiques d’une identité civile », les collectivités territoriales et les sous-préfectures pourraient être « les lieux emblématiques de cet enrôlement ». Il importe, selon le rapport, « que les citoyens, même les plus éloignés du numérique, puissent s’enrôler de manière simple, sereine et que cet enrôlement consacre ou renforce un lien de confiance entre le citoyen et les administrations ».
Pour plus de proximité encore, le CNN recommande de « recenser les points de médiation numérique (guichets) dans une cartographie accessible tout au long du parcours utilisateur dans les démarches administratives afin que les usagers puissent s’y référer en cas de difficulté lors de leurs démarches en ligne » et d’encadrer et protéger le développement d’outils comme Aidants Connect (lire Maire info du 21 novembre 2019), notamment pour protéger juridiquement les « aidants » lorsqu’ils doivent effectuer des démarches pour le compte d’usagers. Les formations à destination d’usagers en difficulté avec le numérique mais aussi des élus locaux sont, d'autre part, encouragées. « En premier lieu, il conviendrait d’apporter plus de clarté et de transparence à propos des différents projets de l’État. En effet, qu’il s’agisse d’Alicem, de la CNIe ou de France Connect, le manque de communication facilement assimilable par le plus grand nombre nuit encore trop souvent au projet global ».
Aux régions la coordination des dispositifs d’inclusion
Sur la question des usages dématérialisés justement, l’Etat devrait s’appuyer sur les collectivités, selon le rapport. « Penser les usages dématérialisés au niveau national ne permet pas de tenir compte des spécificités des différentes régions et des collectivités ni de mobiliser leur expertise et expérience dans le déploiement des politiques d’inclusion sur le territoire, observe le CNN. En effet, depuis plusieurs années les collectivités territoriales se sont modernisées pour répondre quotidiennement aux besoins des usagers. Elles ont fait évoluer leur processus de travail et d’interaction avec les usagers en dématérialisant les procédures autant qu’elles ont fait émerger des nouveaux usages s’appuyant sur des identités numériques comme par exemple des refontes des services de mobilités. Elles ont en ce sens développé un savoir-faire spécifique sur les besoins des usagers en terme d’identité numérique et les possibilités pour répondre à de multiples situations, sur des territoires variés, composés d’individus ayant des sensibilités différentes face aux outils numériques ».
Les régions tiendraient la corde pour coordonner les dispositifs de politique d’inclusion numérique à l’échelle locale. « Cet échelon nous paraît particulièrement important à investir, du fait de ses compétences en matière de solidarité territoriale par la mobilisation des Centres communaux d’actions sociales (CCAS), des intercommunalités et communes », justifie le CNN.
« Une gouvernance partagée »
Plus largement, le CNN préconise que les collectivités soient impliquées dans le « processus de gouvernance de l’identité numérique ». Il recommande ainsi « d’établir une feuille de route, associée à un budget propre, sur le déploiement par les mairies de l’identité numérique, co-construite avec les territoires pour le déploiement de l’identité numérique sous le pilotage de la mission interministérielle, en lien étroit avec les ministères de l’intérieur et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ».
Pour faire émerger une identité numérique « à la française », conclut le CNN, « il faut être attentif à ce que celle-ci soit conçue comme le principal levier d’une citoyenneté numérique. Cette citoyenneté risque d’être interrogée et redéfinie dans les années à venir par des nouveaux usages accompagnés de nouvelles solutions techniques. Les arbitrages et les prises de positions du gouvernement, ainsi que la révision du règlement eIDAS dans les mois à venir vont surement bousculer quelque peu ce rapport ».
Ludovic Galtier
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