Le détachement des fonctionnaires territoriaux « sans leur consentement » est désormais possible, mais très encadré
Le décret d’application de l’article 76 de la loi pour la transformation de la fonction publique est paru samedi au Journal officiel. Désormais, en cas d’externalisation d’une activité auparavant exercée directement par la collectivité, les agents qui y étaient affectés pourront se voir détachés d’office, en CDI, chez le prestataire.
Lorsqu’une collectivité décide d’externaliser une activité jusque-là opérée en régie, que se passe-t-il pour les agents concernés ? Le cas se pose fréquemment : transport, entretien de la voirie, cuisine centrale, piscines… de nombreuses collectivités choisissent aujourd’hui de déléguer ces activités à des prestataires privés ou à des Spic (services publics industriels et commerciaux). Dans ce cas, jusqu’à présent, les agents territoriaux affectés à ces tâches pouvaient être détachés et « transférés » vers le prestataire. Mais ils avaient également le droit de refuser ce détachement.
L’article 76 de la loi du 6 août 2019 – vivement critiqué par tous les syndicats de fonctionnaires – change la donne, puisqu’il rend le détachement obligatoire si l’autorité territoriale le décide, donc « sans le consentement du fonctionnaire », comme l’a clairement dit le gouvernement. Le secrétaire d’État chargé de la fonction publique, Olivier Dussopt, avait argué, lors des débats, des difficultés qui peuvent se poser si des agents, lors d’une externalisation, refusent tous d’être détachés vers le prestataire privé… et se retrouvent, de fait, sans possibilité de travailler dans leur spécialisation puisque leur emploi au sein de la collectivité a disparu.
Garanties
Lors de la présentation du projet de décret devant le Conseil national d’évaluation des normes, le 6 février dernier, les représentants du ministère ont insisté sur le fait que cette disposition a pour but de « faciliter les opérations d’externalisation, (…) en permettant aux fonctionnaires dont les missions ont été déléguées de poursuivre leurs activités sous un autre statut au sein d’une nouvelle entité de droit privé ou de droit public. » Le terme « en permettant » est, en l’occurrence, un peu ambigu, puisque le transfert sera bien obligatoire.
Un certain nombre de garanties ont été prévues dans la loi et dans le décret pour protéger les agents ainsi transférés : la rémunération de l’agent ne pourra pas être inférieure à celle qu’il touchait en tant que fonctionnaire, il devra être informé au moins trois mois avant le début du détachement.
L’autorité territoriale a l’obligation de vérifier que l’activité qu’exercera l’agent au sein de l’organisme d’accueil est « compatible » avec celle qu’il a exercée dans sa collectivité pendant les trois dernières années.
Début, renouvellement et fin du détachement
Le contrat de travail à durée indéterminée est transmis à l’agent « au moins huit jours » avant la date du détachement. Il n’y a pas de période d’essai, celle-ci étant automatiquement « réputée accomplie » dès le début du détachement.
La loi précise que si la collectivité renouvelle son contrat avec le prestataire ou le délégataire, le détachement de l’agent est renouvelé d’office ; de même, si la collectivité change de prestataire, « le fonctionnaire est détaché d’office auprès du nouvel organisme d’accueil ». Le décret paru samedi précise que dans ces deux cas, l’agent doit être informé « au plus tard trois mois » avant.
Enfin, le décret précise les conditions dans lesquelles le détachement prend fin. Première possibilité : l’agent demande à revenir dans la fonction publique, « dans un emploi vacant au sein d’une administration ». Dans ce cas, il faudra prévoir un délai de prévenance de l’organisme d’accueil d’un mois au moins. Deuxième cas : le détachement prend fin si l’agent bénéficie (à sa demande) d’un nouveau détachement, s’il est placé en disponibilité ou en congé parental.
Troisième cas : l’agent peut être, à sa demande, radié des cadres – c’est-à-dire quitter la fonction publique, par exemple parce qu’il a décidé de se faire embaucher définitivement au sein de l’organisme d’accueil. Dans ce cas, sa collectivité d’origine doit lui verser une indemnité égale à « un douzième de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'année civile précédant celle du dépôt de la demande de radiation des cadres multiplié par le nombre d'années échues de service effectif dans l'administration », dans la limite de 24 années.
Si l’organisme d’accueil licencie l’agent, celui-ci ne perçoit pas d’indemnité de licenciement, mais il est automatiquement réintégré à son cadre d’emploi d’origine, « le cas échéant en surnombre ».
Enfin, que se passe-t-il à la fin du contrat liant la collectivité avec le prestataire ? Il y a trois possibilités, détaille le décret : soit l’agent est réintégré dans son cadre d’origine ; soit il est placé « dans une autre position conforme à son statut » ; soit enfin il est radié des cadres sur décision de la collectivité. Il perçoit, dans ce cas, l’indemnité prévue plus haut.
Lors de l’examen du projet de décret au Cnen, les représentants des élus s’étaient majoritairement abstenus, estimant que ce dispositif, très « rigide », serait difficile à appliquer dans la fonction publique territoriale.
F.L.
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