Services publics, formations, inclusion... Le Cese milite pour la création d'un « grand ministère » du numérique
Comment réussir la transformation numérique des services publics sans négliger le choc qu’elle peut représenter pour les 20 % de Français victimes d’illectronisme ? À cet égard, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), représenté sur le sujet par Yves Kottelat, attaché territorial en retraite, et Patrick Molinoz, maire de Venarey-les-Laumes (Côte-d’Or), préconise, dans un avis validé à l’unanimité hier (moins trois abstentions), de faire du numérique « un service public à part entière » avec notamment, pêle-mêle, l’accélération du déploiement du très haut débit en privilégiant le Ftth et le développement d’une « culture de la donnée » et de la sécurité informatique. La désignation d’un élu « correspondant cybersécurité » pourrait ainsi être envisagée dans chaque collectivité, propose la « troisième chambre ».
Érigé en « priorité nationale » , le numérique mériterait, selon le Cese, « un grand ministère » chargé « d’incarner, de porter et de piloter une politique transversale économique, sociale et environnementale du numérique (lire Maire info du 30 juin) » ainsi qu'une Agence du numérique et de l'intelligence artificielle, à laquelle le Conseil national du numérique serait associé. Pour ce qui est du ministère, cela ne semble pas en prendre le chemin : le numérique est, pour l’heure, totalement absent de l’organigramme du gouvernement…
Au même titre que les autres services publics, ce service public du numérique devrait répondre « aux principes de continuité (le service fourni ne doit pas être perturbé par des interruptions gênantes), d’adaptabilité (qui permet d'adapter en continu le service à l'évolution des besoins collectifs et des techniques), d'égalité (qui interdit, à situation identique, toute discrimination sur le service rendu et sur ses charges) et de neutralité ».
L’inclusion numérique comme « priorité »
Il aurait comme « priorité » l’inclusion numérique. Les Français pourraient bénéficier, par exemple, d’un renforcement de la formation (initiale, continue et tout au long de la vie) au numérique. Les carences sont telles que, pour l’heure, jugent les auteurs du rapport, l’offre (proposée par les CCAS, les Pimms, tiers-lieux associatifs) est « hétérogène et insuffisante pour répondre aux besoins ».
Le gouvernement, avec le soutien des collectivités, a bien essayé d’apporter sa pierre avec le lancement du Pass numérique (financement de 10 millions d’euros en 2019, complété par les collectivités volontaires) - 200 000 citoyens devraient être formés - mais la création de ce dispositif, si elle est une « avancée positive », est « insuffisante ».
L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a, en effet, signalé « le risque que le tarif d’un chéquier (50 €) ne permette pas de couvrir des formations longues (supérieures à 5 h) » alors que, selon le rapport du Défenseur des droits, « les personnes les plus éloignées du numérique ont besoin d’environ 28 h de formation pour remplir seules un questionnaire en ligne ».
Former au numérique les professionnels de l’accueil des services publics
Les sénateurs de la mission d’information de lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique ont, eux aussi, regretté, lundi, « le retard pris par le déploiement du Pass numérique, censé permettre la formation en 2020, de 1 million de Français au numérique, notamment pour les démarches administratives en ligne, alors que la structuration de l’offre de médiation numérique (hubs numériques) est loin d’être achevée et que la structuration de sa gouvernance n’est pas stabilisée ».
S’ajoute à cela le manque de formation du personnel des MSAP, qui selon la Cour des comptes, nuit à la qualité des réponses apportées aux besoins des populations. À cet égard, le Cese préconise de former au numérique les professionnels de l’accueil des services publics (en particulier du bloc communal, des MSAP et espaces France Service) ainsi que des acteurs associatifs contribuant à l’accompagnement des personnes éloignées du numérique. Cette « fonction d’accueil rénovée requiert davantage de qualification et une connaissance approfondie de cultures administratives diverses ».
Le Cese appelle, en outre, « à la vigilance quant à l’accessibilité d’une offre de formations numériques sur l’ensemble du territoire » - seules 48 collectivités ont été labellisées - mais aussi quant à la mise en œuvre des critères de labellisation exigés. Il « s’interroge », enfin, sur les financements, « ceux-ci semblant faibles au regard du nombre de personnes éloignées du numérique ».
Le « droit au refus numérique »
Beaucoup de Français, peut-être une moitié des 13 à 15 millions concernés par l’illectronisme, ne souhaitent, en revanche, pas se former aux outils numériques. « Il apparaît que le recul de la présence humaine dans certains services publics ne peut pas être compensée par le numérique. La nature même de certaines actions de service public les rend à ce stade non « numérisables » et la maîtrise des outils numériques, ou leur accessibilité (technique, financière…), restent inégales parmi les usagères/usagers », explique le Cese, pour qui « il importe de maintenir l’offre des services publics sur les modes d’accès traditionnels (accueil physique et téléphonique, notamment) pour garantir leur accessibilité à l’ensemble de la population, avec une qualité de service équivalente à celles existant sur les canaux numériques ».
« Progressivité » et « non-exclusivité » du numérique
Une « progressivité » et « une non-exclusivité » du numérique qui reposeraient sur « l’instauration d’un ''droit de refus'' du numérique, permettant à une personne qui ne souhaite pas recourir au numérique ou à la dématérialisation de ne pas y être obligée, par exemple en matière fiscale ou sociale », « la garantie de maintenir dans la durée, des droits (solutions?) d’accès non numérique (par courrier, par téléphone et/ou par accueil physique) », « la mise en place d’exceptions juridiques aux obligations de paiement dématérialisé sans frais supplémentaires en garantissant, pour toutes les procédures dématérialisées, l’existence d’une autre modalité de paiement que celles liées à un compte bancaire » ou encore « le principe d’envoi sous forme papier des notifications d’attribution, de suppression ou de révision de droits, sauf si l’usagère/usager consent expressément aux échanges dématérialisés ».
Ludovic Galtier
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