Les députés actent le report d'un an des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie
Par Franck Lemarc
Le temps commençait à presser : officiellement, les élections au Congrès et aux assemblées de province de Nouvelle-Calédonie sont toujours censées se tenir le 15 décembre prochain. Mais vu la situation qui a cours sur le « Caillou » depuis l’explosion du 13 mai dernier, il semble parfaitement impossible de tenir les élections à la date prévue – d’autant que la question de la composition du corps électoral n’est toujours pas réglée. Aucun candidat n’est en campagne, et aucun signe de préparation matérielle des élections n’est visible, sur un territoire où la circulation routière normale n’a toujours pas été entièrement rétablie et qui est toujours sous couvre-feu. Il faut donc, encore une fois reporter, et toutes les forces politiques de Nouvelle-Calédonie y sont favorables. C’est la raison pour laquelle le gouvernement s’est saisi d’une proposition de loi des sénateurs socialistes et a engagé la procédure accélérée.
« Écrire la suite de l’accord de Nouméa »
Ce texte a été adopté par le Sénat le 23 octobre, à l’unanimité, et il a été discuté hier à l’Assemblée nationale. Il vise à reporter les élections en Nouvelle-Calédonie à une date non fixée, mais ne pouvant aller au-delà du 30 novembre 2025.
Comme l’a expliqué le rapporteur de la commission des lois, Arthur Delaporte, ce report rendu incontournable par la situation même, n’est « qu’une étape et non une fin en soi ». Il faut maintenant « écrire la suite de l’accord de Nouméa, qu’il s’agisse de la relation avec la France, de l’organisation interne du territoire, du corps électoral ou encore des futures modalités d’exercice du droit à l’autodétermination et donc de la poursuite du processus de décolonisation ». Le député a salué la décision de Michel Barnier de retirer le projet de réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres en mai dernier. Il reste maintenant à « se remettre autour de la table pour discuter ». C’est d’ailleurs pour encourager la reprise du dialogue que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, vont se rendre en Nouvelle-Calédonie du 9 au 14 novembre.
Amers reproches
Les députés de tous les bancs ont voté ce texte, qui a donc été adopté. Mais dans leurs déclarations, lors de la discussion générale, beaucoup n’ont pas été tendres avec le gouvernement précédent, accusé par exemple par la députée écologiste Sabrina Sebaihi d’avoir « brisé trente-six années de réconciliation et d’accord mutuel ouvertes par les accords de Matignon puis de Nouméa ». La députée a exhorté le gouvernement, en geste de bonne volonté, à rapatrier les responsables kanaks actuellement emprisonnés en métropole.
Le groupe Liot a enfoncé le même clou : « Nous avions alerté sur les risques qu’entraînerait le fait de lier le dégel constitutionnel du corps électoral et le report des élections. Nous avions rappelé la nécessité d’attendre un accord global avant d’agir. » Néanmoins, même les députés les plus hostiles au gouvernement ont reconnu la nécessité de reporter les élections pour laisser aux Néo-Calédoniens le temps de trouver un accord.
Après avoir discuté de deux amendements issus de la France insoumise, l’un demandant que les élections ne soient reportées que de six mois, et l’autre exigeant le retour des prisonniers kanaks en Nouvelle-Calédonie, le texte a été adopté. Comme il l’a été sans modification par rapport à la version du Sénat, la navette s’arrête là et le texte va pouvoir être promulgué par le chef de l’État.
Le recensement reporté aussi en Nouvelle-Calédonie
La veille, pendant la séance de questions au gouvernement, le ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, avait donné quelques précisions aux députés sur les mesures d’urgence envisagées par le gouvernement. Il a indiqué que « trois amendements » vont être déposés par le gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2025.
Le premier vise à créer « une enveloppe de 80 millions d’euros pour financer la reconstruction des bâtiments publics ». Deuxièmement, le gouvernement va proposer de rehausser de 50 % « le montant de la garantie de l’État aux prêts susceptibles d’être consentis par l’Agence française de développement, qui passera de 500 à 770 millions ». Cette disposition devrait permettre « de financer le régime unifié d’assurance maladie et de maternité », ainsi que, entre autres, « de couvrir une partie des pertes de recettes fiscales des collectivités calédoniennes ».
Enfin, le gouvernement a décidé de reporter le recensement « à la fin de l’année 2025 » en Nouvelle-Calédonie. D’une part, pour les mêmes raisons que pour les élections, les conditions matérielles ne sont pas réunies pour pouvoir l’organiser dans des conditions normales. D’autre part, parce que cela va permettre de « stabiliser les dotations aux communes pour les années à venir ».
Au total, a rappelé le ministre, c’est environ 1,5 milliard d’euros qui aura été débloqué entre 2024 et 2025 pour soutenir la Nouvelle-Calédonie.
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