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Édition du mardi 4 juin 2024
Transports

Méga-camions : les députés s'opposent à l'autorisation de mastodontes de 60 tonnes sur les routes françaises

Les députés estiment que la proposition de directive européenne qui autoriserait ces « mégatrucks » est « un non-sens écologique » qui risque d'impacter le fret ferroviaire. Sans compter que les infrastructures routières françaises ne sont pas adaptées.

Par A.W.

L’Assemblée nationale a adopté, la semaine dernière, une proposition de résolution européenne demandant au gouvernement de se « prononcer contre l’arrivée des "méga-camions" »  sur les routes françaises.

Des trucks de 25 mètres 

À l’origine de cette initiative, le député Renaissance des Bouches-du-Rhône, Jean-Marc Zulesi, qui s’oppose à la proposition de directive, adoptée début mars par le Parlement européen, qui ouvrirait la voie à la circulation des « mégatrucks »  sur les routes européennes. Ces mastodontes de deux, voire trois remorques, qui peuvent mesurer jusqu'à 25 mètres et peser jusqu'à 60 tonnes, sillonnent d’ailleurs déjà le réseau routier de certains États de l’Union, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas.

Mais pas en France, dont les normes actuelles interdisent à la circulation les poids-lourds de plus 18,75 mètres et 44 tonnes. L'intérêt serait donc d'harmoniser les règles de circulation entre les États membres.

En proposant aussi de renforcer le développement des camions dits « zéro émission »  (très marginal pour l’heure) dont le poids maximal serait porté de 40 à 44 tonnes, l’objectif du texte européen est également de réduire le nombre de trajets (étant donné que chaque camion transportera plus de marchandises) et ainsi limiter les émissions de gaz à effet de serre. 

« Non-sens écologique » 

Pas vraiment l’avis de Jean-Marc Zulesi et des autres députés signataires qui voient dans cette décision « un message très négatif envoyé au fret ferroviaire européen ». L’arrivée des méga-camions en France serait même « un non-sens écologique », selon l’élu des Bouches-du-Rhône, le transport étant « l'activité qui contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre de la France ».

D’autant que le législateur européen se heurte, selon lui, au « principe de réalité »  concernant les véhicules « très faibles émissions »  puisque l’électrification des poids lourds reste encore « largement insuffisante »  (selon les scénarios les plus volontaristes, « seulement 30 % des poids lourds seraient électrifiés à l’horizon 2035 » ) tandis que leur « rétrofit »  est jugé « trop balbutiant et non rentable ».

En outre, ces mastodontes « nécessiteraient une modification des infrastructures routières françaises qui ne sont pas adaptées à ces géants des routes », explique également le député de la majorité dans un communiqué. 

À ses yeux, la France doit envoyer « un message fort à l’UE pour s’opposer à leur arrivée sur nos routes et protéger le ferroviaire d’une concurrence disproportionnée », ce dernier étant une « solution efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et désengorger les routes ».

Une résolution qui ne tombe pas par hasard puisque les différents pays de l'Union européenne doivent encore donner leur position, ce mois-ci, sur le sujet, avant qu’il ne revienne au Parlement européen.

Fragilisation des infrastructures

Via une question au gouvernement posée dans la foulée du vote européen, le sénateur centriste du Nord, Olivier Henno, avait lui aussi soulevé « la problématique de l'adaptation et de l'entretien des infrastructures, ainsi que de leur coût pour les collectivités territoriales ».

De la même manière, le site vie-publique, géré par la Direction de l’information légale et administrative (Dila), qui est rattachée à Matignon, rappelle que « la plupart des eurodéputés français »  craignent que cela n’engendre « des problèmes plus importants tels que la fragilisation des ponts ou l’engorgement des routes ».

Des inquiétudes confortées par une étude (en anglais), publiée début janvier et menée pour le compte de la Communauté européenne du rail (CER), qui estime qu'il existe « un risque considérable »  que cela provoque « une détérioration disproportionnée des infrastructures », ses auteurs soulignant que « 10 camions avec un poids brut de 44 tonnes sont plus dommageables que 15 camions de 40 tonnes ».

Ces nouvelles normes pourraient également entraîner une réduction de 21 % en moyenne du fret ferroviaire et de « 16 % pour le transport combiné ». Par ailleurs, « jusqu'à 13,3 millions de déplacements de camions supplémentaires, 6,6 millions de tonnes d’émissions de CO2 et un triplement des coûts externes »  sont attendus. 

Le gouvernement opposé

S’inquiétant également des « nuisances »  pour les riverains et des enjeux de « sécurité routière »  suscités par la proposition de directive européenne – qualifiée là aussi de « non-sens écologique »  – , le sénateur du Nord avait demandé au gouvernement de préciser sa doctrine en la matière.

Réponse du ministre délégué des Transports, Patrice Vergriete : « Aucun des arguments [mis en avant par les promoteurs du texte] ne me convainc ni ne convainc le gouvernement ».

« Dire oui à ces mégacamions, ce serait ruiner tous les efforts que nous réalisons en faveur du fret ferroviaire, alors même que nous avons fixé l'objectif de doubler sa part modale […], cela signifierait aussi renoncer à nos objectifs de la stratégie nationale fluviale. En d'autres termes, cela ne répond en rien à nos attentes, qu'il s'agisse de sécurité routière, de transition écologique ou de cadre de vie », avait ainsi assuré le ministre, avant d’indiquer qu’il allait « continuer le travail de conviction auprès de tous nos interlocuteurs et revenir pour trouver un compromis acceptable à la hauteur de nos ambitions ».

Après le vote du Parlement européen, Patrice Vergriete avait d’ailleurs « redit », sur X, « son refus d'une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des "mégatrucks". Aujourd’hui la priorité est le report modal, en particulier vers le ferroviaire ».

Consulter la résolution.
 

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