Maire-info
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Édition du lundi 17 février 2025
Mayotte

Mayotte : une « solidarité nationale » plus que modeste

Une circulaire mise en ligne le 13 février par le gouvernement détaille les aides d'urgence aux particuliers, particulièrement modestes, qui sont mis en œuvre à Mayotte après les dévastations causées par le cyclone Chido. Les aides aux collectivités seront détaillées dans un deuxième temps. 

Par Franck Lemarc

Deux mois après le passage de Chido à Mayotte, le gouvernement donne dans une circulaire le détail de l’usage des trois fonds d’urgence mobilisés pour venir en aide aux particuliers et aux agriculteurs : le fonds de secours pour les outre-mer (Fsom), le régime d’aide exceptionnelle en faveur des exploitations agricoles de Mayotte et le fonds d’aide au relogement d’urgence (Faru). 

Expression de « la solidarité nationale envers les sinistrés » , ces fonds sont destinés à aider en particulier les habitants « les plus modestes » . Mais cette solidarité nationale, c’est le moins que l’on puisse dire, est fort modeste. 

Indemnisation réservée aux personnes en situation régulière

Premier fonds mobilisé : le Fsom, alimenté par le programme budgétaire 123 (Conditions de vie outre-mer). Ce fonds permet d’indemniser aussi bien les particuliers que les entreprises et les collectivités territoriales pour les dégâts causés par des catastrophes naturelles, mais le gouvernement précise que la circulaire publiée le 13 février ne concerne pas les collectivités : leur aide sera alimentée par « d’autres outils budgétaires »  qui seront déterminés « par ailleurs ». 

La publication de cette circulaire donne le point de départ du déblocage de ces crédits, qui iront aux particuliers, et aux « petites entreprises à caractère artisanal ou familial » . Mais l’instruction des dossiers sera longue et les bénéficiaires ne sont pas près de recevoir les aides : la circulaire décrit en effet une instruction pouvant durer jusqu’à 6 mois, avec un certain nombre d’allers et retours entre Mayotte et la métropole, puisque les dossiers seront traités centralement par un « comité interministériel du fonds de secours »  (CIFS), qui décidera en dernière analyse « de l’attribution définitive de l’aide financière par dossier présenté ». 

Une fois l’avis du CIFS connu, le préfet de Mayotte arrêtera la liste des bénéficiaires, et les aides seront versées « par virement bancaire » . Ce qui, naturellement, pose question dans une île où de très nombreux habitants très démunis ne possèdent pas de compte en banque. La circulaire précise tout de même qu’à « titre exceptionnel », les versements pourront être effectués en espèces. Pour percevoir l’aide, il faut fournir une pièce d’identité, une photocopie de la carte Vitale ainsi qu’un titre de propriété pour les aides concernant les biens immobiliers. Les victimes sans papiers seront exclues de cette aide, comme on peut le lire en page 7 de la circulaire : les personnes éligibles sont « les particuliers résidant à Mayotte de manière régulière ». 

Immobilier : une aumône

Afin de cibler ces aides sur les personnes les plus modestes, un plafond de ressources a été fixé à 1 430 euros mensuels, soit un tout petit plus que le smic. Ces fonds visent prioritairement à aider les personnes qui ne sont pas assurées. 

Deux types de bien sont concernés : les biens mobiliers « de première nécessité »  (ameublement, électroménager) ; et les biens immobiliers non assurés, hors des annexes (clôtures, garages, ateliers…). Il est, là encore, clairement indiqué que l’aide ne pourra être versée pour « les biens immobiliers construits sans autorisation »  ou construits en zone non constructible. Les « habitations temporaires, précaires ou assimilées » , type « mobile-home » , ne sont pas non plus concernées. 

Quant au montant  des aides, il est tellement modeste qu’il s’apparente à une aumône. Pour les biens mobiliers, il s’élève à 700 euros pour les personnes ayant perdu « plus de trois biens de première nécessité » . Et surtout, pour les biens immobiliers, il est plafonné à 1 000 euros si le bien a été endommagé et 1 800 euros si le bien a été détruit. Rappelons que le Premier ministre, François Bayrou, avait lui-même estimé peu après le cyclone que la réfection d’un toit se chiffrait entre « 60 000 et 80 000 euros » . Même si ces chiffres apparaissaient anormalement élevés, on reste tout de même très loin du compte avec 1 000 euros d’aide. 

Rappelons également que le gouvernement a promis que des prêts à taux zéro seraient institués pour les particuliers, jusqu’à 50 000 euros, pour réparer les biens immobiliers. Les maires de l’île avaient alors fait part de leurs doutes sur cette solution – beaucoup d’habitants de l’île étant trop pauvres pour pouvoir espérer un prêt – et demandé qu’un fonds d’urgence soit plutôt débloqué. C’est le cas, mais les montants débloqués, en particulier sur l’immobilier, vont le rendre peu opérant. 

Aides aux entreprises et aux agriculteurs

L’État ne se montrera pas beaucoup plus généreux avec les TPE et les artisans. D’abord, les conditions d’attribution sont drastiques : seuls pourront être indemnisés les entreprises (de moins de 20 salariés) non assurées, à jour de leurs déclarations fiscales, n’ayant pas de dette fiscale supérieure à 5 000 euros. Les stocks et matières premières détruits par le cyclone ne seront pas indemnisés par ce fonds, pas plus que les pertes de production de poissons pour les pêcheurs ni leurs navires.

Les demandeurs devront fournir une estimation de la valeur des biens à indemniser, sur laquelle les services instructeurs appliqueront un taux d’abattement de 5 à 80 % en fonction de l’obsolescence des biens. L’aide versée sera de 30 % de ce qui reste. 

Pour les agriculteurs, seront indemnisés les pertes sur les plantes, les pépinières, les ouvrages tels que fossés, ponts et clôtures, mais pas sur les équipements ou les bâtiments agricoles. Là encore, un taux de 30 à 35 % d’aide sera versé après abattement calculé par les services instructeurs. 

Il est à noter qu’une seconde aide pourra être accordée aux agriculteurs, cette fois sur le « régime d’aide exceptionnel en faveur des exploitations agricoles de Mayotte », qui est une aide européenne. La circulaire fixe le barème de ces aides : 4 500 euros à l’hectare pour l’arboriculture, 7 euros par tête de volaille, 1,40 euro par litre de lait, etc. 

Aide au relogement d’urgence

Enfin, la circulaire fixe les conditions de versement du Faru (Fonds d’aide au relogement d’urgence), destiné à « apporter une aide financière aux communes, aux établissements publics locaux, et aux groupements d'intérêt public compétents qui réalisent des dépenses de relogement d'urgence de personnes occupant des locaux qui présentent un danger pour leur santé ou leur sécurité, notamment en cas de catastrophe naturelle ». 

Sont éligibles les dépenses notamment des communes qui ont relogé des personnes évacuées d’un logement « dangereux pour leur santé ou leur sécurité », en particulier dans les communes reconnues en état de catastrophe naturelle, ce qui est le cas de toute les communes de Mayotte après Chido. Dans ce cas, le taux de subvention des dépenses de relogement est de 100 %. Le relogement d’urgence est pris en charge pour 6 mois maximum, renouvelables une fois par le préfet. 

Un dossier assez complet sur le fonctionnement du Faru est disponible sur le site de l’Agence nationale pour l’information sur le logement

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