Chido : trois semaines après le cyclone, Mayotte toujours en détresse
Par Lucile Bonnin
Le calme finira-t-il par revenir après la tempête ? Le rétablissement des services pour les besoins vitaux des Mahorais tarde. Plus de trois semaines après la catastrophe, beaucoup reste encore à faire pour venir en aide aux habitants qui vivent dans des conditions difficilement imaginables. À l’occasion de plusieurs visites officielles – comme celle du président de la République, du Premier ministre François Bayrou, ou encore du ministre d'État des Outre-mer, Manuel Valls – les Mahorais ont laissé éclater leur colère et leur désespoir face à une aide qui tarde à venir.
Accès à l’eau, distributions alimentaires, électricité, écoles, santé, logement : les besoins des habitants restent à ce jour encore urgents.
Des blocages et des interrogations
L'accès à l'eau à Mayotte a toujours été une problématique de premier plan pour les habitants et le passage du cyclone n’a fait qu’empirer la situation. Comme le pointe la Croix-rouge française dans un communiqué, « les sources d’eau sont très rares à Mayotte, les rivières dites “urbaines” sont jonchées de détritus, et depuis le cyclone, faute de mieux, l’eau y est puisée pour tous les usages, ce qui augmente fortement les risques d’épidémies, comme le choléra et la typhoïde. » Dans une interview accordée au Journal du dimanche, Manuel Valls indique que les déchets ménagers accumulés depuis le cyclone seront éliminés « d’ici la mi-janvier ». François-Xavier Bieuville, le préfet de Mayotte, estime de son côté qu’il faudra « entre trois et quatre semaines pour ramasser la totalité des déchets ».
En parallèle, selon les chiffres de la préfecture de Mayotte, un million de litres d’eau ont été distribués sur l’île. Sur place, on constate que cette quantité est insuffisante et que, contrairement à ce que dit le gouvernement, l’eau courante n’est pas de retour dans toutes les communes. Racha Mousdikoudine, présidente de l'association Mayotte à soif indique sur Franceinfo que des Mahorais « boivent de l'eau de rivière infectée » et que « les gens font la queue pendant plusieurs heures sous 40 degrés pour rentrer bredouilles chez eux », sans avoir pu obtenir de bouteille d’eau.
La distribution de denrées alimentaires n’est pas encore non plus à la hauteur. Selon la préfecture de Mayotte, 146 tonnes de nourriture ont été livrées et « toutes les communes du département bénéficient de livraisons de vivres à destination de l’ensemble de la population ». Dans certains villages isolés, la nourriture se fait de plus en plus rare. À Mtsahara par exemple, les premières distributions ont eu lieu fin décembre et tout le monde n’a pas pu en bénéficier tellement les stocks étaient insuffisants. Du côté de la préfecture de Mayotte, on annonce une montée en puissance de l’aide alimentaire, avec des « acheminements de vivres [qui] continuent pour soutenir la population durement touchée par le cyclone Chido ».
Des renforts supplémentaires ont également été engagés pour rétablir l’électricité et les réseaux de télécommunication. Aujourd’hui, 71,3 % des foyers ont de nouveau accès à l’électricité et l’objectif est de la rétablir dans tous les foyers « d’ici la fin janvier 2025 ». Concernant les réseaux de télécommunications, 83,8 % des abonnés sont de nouveau couverts par le réseau mobile (Orange, SFR et Only).
Enfin, selon Le Monde, 2 000 personnes sont toujours logées dans les écoles alors même que la rentrée des classes doit avoir lieu le 20 janvier pour les élèves. Cette solution d’hébergement d’urgence concerne surtout les migrants venus des Comores. Au total, selon Manuel Valls, « une vingtaine d’établissements du primaire et du secondaire sont occupés ». Il ajoute : « Il est impératif de les évacuer vite. » Qu’adviendra-t-il alors de ces milliers de personnes qui vivaient pour la plupart dans des bidonvilles aujourd’hui détruits ? Pour le gouvernement, il n’est pas envisageable de reconstruire ces bidonvilles. Ainsi, « des solutions de logement temporaires » seront proposées » et les demandeurs d’asile devront à termes « être éloignés du territoire ».
Rappelons finalement qu’un décret paru le 19 décembre au Journal officiel instaure le blocage des prix des produits de grande consommation à Mayotte, pour éviter la spéculation. Concrètement, les produits de grande consommation (eau, alimentation, produits d’hygiènes, outils) ne pourront pas dépasser leurs prix d’avant la catastrophe. Cependant, plusieurs témoignages indiquent que les prix flambent malgré tout. Dans un article de Ouest-France, une bénévole d’une association mahoraise implantée à Saint-Nazaire rapporte que « le prix du pack de Cristalline a doublé depuis le passage de Chido, passant de 9 à 18 euros ».
Le projet de loi d’urgence pour Mayotte présenté mercredi
Le projet de loi d’urgence pour le département se fait attendre lui aussi. Le Premier ministre avait annoncé la présentation d'une loi d'urgence pour Mayotte dès le 3 janvier en Conseil des ministres. Finalement, il sera présenté cette semaine, le 8 janvier, avant d’être examiné par le Parlement dès le 13 janvier prochain.
Un plan « Mayotte debout » a été présenté par le Premier ministre François Bayrou lors de son déplacement à Mayotte et plusieurs mesures de ce plan seront inscrites dans le projet de loi d’urgence. Manuel Valls a indiqué hier au JDD que ce projet de loi devrait « permettre d’accélérer la reconstruction de Mayotte en simplifiant les règles dans le domaine de l’urbanisme et de la commande publique. Certains délais seront révisés par trois. » Le ministre a également évoqué « l’augmentation de la prise en charge de l’activité partielle », « la création d’un établissement public qui aura en charge le développement et l’aménagement du territoire, le financement de l’économie, la construction d’équipements publics et la gestion du foncier, en lien étroit avec les élus ». Il a aussi rappelé qu’une zone franche économique va être créée.
La question migratoire en filigrane
Une tribune a été publiée hier dans les colonnes du Figaro, dans laquelle Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ministre des Outre-mer et Sébastien Lecornu, ministre des Armées, expliquent qu’ « il est nécessaire de joindre à la mobilisation des pouvoirs publics une lutte efficace contre l’immigration clandestine et une augmentation significative des moyens d’action ». Pour les membres du gouvernement, « sans fermeté migratoire, nous reconstruirons Mayotte sur du sable ».
Concrètement, ils proposent d’ « allonger la durée de résidence régulière des parents [requise pour] l’accès des enfants à la nationalité française, lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité ou étendre l’aide au retour volontaire des ressortissants africains dans leur pays d’origine ».
Un second projet de loi de programmation devrait être présenté au printemps. Comme l’indique Manuel Valls, « développement économique et social, modernisation du territoire, jeunesse, attractivité, immigration et sécurité (…) seront les axes essentiels » de ce futur texte.
Alors que les débats s’enflamment autour du sujet de l’immigration, on ne sait toujours pas à cette heure combien de victimes sont à déplorer sur l’île. D’après le dernier bilan humain provisoire, 39 morts ont été recensés et un peu plus de 4 000 blessés ont été identifiés. La « mission d'identification des victimes » est toujours en cours.
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