Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à l'élection présidentielle de 2027
Par Franck Lemarc

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné aujourd'hui Marine Le Pen à cinq ans d'inégibilité avec exécution provisoire, ce qui lui interdit, de facto, de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Le suspens sur cette décision a duré jusqu'au bout, notamment du fait d'une décision rendue vendredi par le Conseil constitutionnel, sur une autre affaire.
Vendredi, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la peine appliquée à un maire de Mayotte, condamné en juin dernier à deux ans de prison dont un ferme, 50 000 euros d’amende, deux années d’interdiction d’exercer une fonction publique et quatre années d’inéligibilité. Ces deux dernières peines, prononcées par le tribunal correctionnel de Mamoudzou, étaient assorties de ce que l’on appelle « une exécution provisoire » : cela signifie que la peine prend effet immédiatement, même si la personne condamnée a fait appel de la décision du tribunal. Sans exécution provisoire, un appel est suspensif, c’est-à-dire que la peine n’est pas appliquée jusqu’au jugement en appel, qui va confirmer ou infirmer la condamnation.
Dans le cas dont il est question ici, dès la peine prononcée, le préfet de Mayotte a pris un arrêté pour démettre le maire de ses fonctions, en application de l’article L236 du Code électoral, qui dispose que « tout conseiller municipal qui, pour une cause survenue postérieurement à son élection, se trouve dans un des cas d'inéligibilité prévus [par la loi], est immédiatement déclaré démissionnaire par le préfet ».
Rupture du principe d’égalité ?
L’élu a déposé un recours devant le Conseil d’État, qui a porté l’affaire devant le Conseil constitutionnel, pour décider si ces dispositions sont conformes, ou non, à la Constitution. Il estime d’abord que celles-ci « portent une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité », dans la mesure où dans ce cas, l’élu « est privé de son mandat avant même qu'il ait été statué définitivement sur le recours contre sa condamnation ».
Autre argument : la loi est différente pour les élus locaux et les élus nationaux. Pour ces derniers en effet (députés et sénateurs notamment), la déchéance du mandat ne peut intervenir qu’au moment de la condamnation définitive, c’est-à-dire une fois toutes les procédures d’appel épuisées. Même avec une peine assortie d’exécution provisoire, un député ne peut être déchu de son mandat en cours s’il a fait appel de la décision du tribunal. Pour le maire mahorais, cette différence constitue « une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi ».
« Jurisprudence constante »
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision rendue vendredi 28 mars, a rejeté ces griefs et estimé que ces dispositions sont conformes à la Constitution.
Sur le « droit d’éligibilité » garanti par la Constitution, les Sages ont rappelé que la loi est claire : les personnes privées de droit électoral ne peuvent être conseillers municipaux (article L230 du Code électoral). Dès lors qu’un tribunal prive un élu local de ses droits électoraux, il ne peut donc plus être conseiller municipal et le préfet doit le démettre. « Une jurisprudence constante du Conseil d’État », écrivent les Sages, confirme que cette décision doit être prise par le préfet non seulement en cas de condamnation définitive mais « aussi lorsque la condamnation est assortie de l'exécution provisoire ». Ces dispositions « contribuent à renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants », soulignent les Sages. Par ailleurs, le juge pénal est libre de prononcer, cas par cas, une peine d’inéligibilité « et d’en moduler la durée », et également de prononcer, ou pas, une exécution provisoire, à la suite d’un débat contradictoire lors duquel l’accusé « peut présenter ses moyens de défense ». Le Conseil constitutionnel ne voit donc aucune atteinte à la Constitution dans ce processus.
Différence de traitement justifiée
Quant au grief concernant une éventuelle « rupture d’égalité devant la loi » entre le traitement fait aux élus locaux et celui faits aux élus nationaux, il n’a pas non plus convaincu les Sages. Ils ont rappelé, comme c’est souvent le cas, que le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose pas à ce que le législateur « règle de façon différente des situations différentes ». Élus locaux et nationaux sont bien dans des situations différentes – à tel point d’ailleurs que les juridictions appelées à traiter les affaires ne sont pas les mêmes : pour les élus locaux, les affaires sont jugées par le Conseil d’État, alors que pour les députés et sénateurs, c’est le Conseil constitutionnel qui est juge. « Les membres du Parlement, rappellent les Sages, « participent à l'exercice de la souveraineté nationale, ( …) votent la loi et contrôlent l'action du gouvernement ». Ce qui leur donne « des prérogatives particulières » et les place « dans une situation différente de celles des conseillers municipaux ». La différence de traitement est donc justifiée et ne méconnaît par les principes constitutionnels.
Les dispositions qui ont conduit le préfet de Mayotte à démettre d’office le maire concerné sont donc, concluent les Sages, conformes à la Constitution.
Marine Le Pen privée d'élection présidentielle en 2027
Cette affaire a naturellement pris un relief particulier au regard du jugement qui a été rendu aujourd’hui par le tribunal correctionnel de Paris dans l’affaire des assistants parlementaires de l’ex-FN. On se rappelle qu’en novembre dernier, le parquet avait requis une lourde peine pour la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen : cinq ans de prison dont deux fermes, 300 000 euros, et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Cette peine a été confirmée par le tribunal, un peu après midi.
L’enjeu était politiquement considérable : Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à la prochaine élection présidentielle, même si elle fait appel de cette décision.
En revanche, comme on l’a vu, elle conservera son mandat de députée du Pas-de-Calais, puisque qu’elle ne peut être déchue de ce mandat par le Conseil constitutionnel tant que sa condamnation n’est pas définitive.
On pouvait se demander si la décision rendue, vendredi, par le Conseil constitutionnel aurait une influence sur ce jugement. En effet, un point spécifique souligné par le Conseil constitutionnel pouvait être pris en compte par le juge du tribunal correctionnel. Il s’agit du point 17 de la décision des Sages du 28 mars, relative à l’exécution provisoire d’une peine : « Il revient au juge d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l'exercice d'un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur. »
La fin de la phrase est importante : le juge doit tenir compte de l’atteinte qu’une telle décision peut porter à la « liberté des électeurs ». Lorsqu’une peine d’inéligibilité frappe une candidate qui est placée entre 34 et 37 % des sondages pour l’élection présidentielle de 2027, largement devant tous les autres candidats dans toutes les configurations, y a-t-il « atteinte à la liberté de l’électeur » ? C’est la délicate question à laquelle devait répondre le juge.
Ce dernier avait, en réalité, trois options : ou bien renoncer à l’exécution provisoire, auquel cas Marine Le Pen aurait fait un appel, ce qui aurait suspendu le jugement et lui aurait permis de se présenter à l’élection présidentielle. Ou bien il pouvait appliquer telle quelle la réquisition du parquet, privant la patronne du RN de toute chance de concourir en 2027. Ou bien, enfin, il pouvait prendre une décision intermédiaire : prononcer une peine d’inéligibilité plus courte – non pas de cinq ans mais de 18 mois, par exemple. Une telle décision aurait certes empêché Marine Le Pen de se présenter à une élection législative, si l’Assemblée était à nouveau dissoute dans les mois à venir, mais pas de se présenter à la présidentielle de 2027.
La réponse est tombée vers 12 h 30 : le juge a suivi les réquisitions du parquet, et l'a condamnée à quatre ans de prison dont deux ferme, 100 000 euros d'amende et, surtout, cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire.
Il est à noter, en revanche, que le tribunal n'a pas appliqué l'exécution provisoire pour le maire de Perpignan, Louis Alliot, condamné dans la même affaire, et qui pourra donc rester aux commandes de sa commune.
Il reste à voir, maintenant, quelles seront les conséquences politiques de cette décision dans l'opinion publique en général – et dans l'électorat de Marine Le Pen, en particulier.
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