Un projet de loi sur le traitement de l'habitat indigne qui répond en grande partie aux attentes des maires
Par Franck Lemarc
Ce texte, ont expliqué les ministres qui le portent, « répond au constat partagé par les acteurs de terrain selon lequel les délais d’élaboration et de mise en œuvre des opérations de rénovation des copropriétés dégradées, de traitement de l’habitat indigne et d’aménagement urbain sont trop longs ». Il faut en effet entre 5 et 20 ans, selon les cas, pour traiter ce type d’opération. Et dans les immeubles les plus dégradés, « plus l’intervention est tardive, plus les difficultés accumulées rendent complexe le redressement de la situation ».
Le texte vise donc à donner notamment aux collectivités des outils pour « intervenir plus vite et plus en amont ». Par ailleurs, le projet de loi aborde les opérations d’intérêt national d’aménagement et les grandes opérations d’urbanisme (GOU), en donnant des moyens nouveaux pour « répondre au plus vite aux enjeux de production locale de logements de qualité qui se font prioritairement par le recyclage de grandes friches et sur des emprises déjà situées dans des secteurs urbanisés, pouvant comprendre des immeubles d’habitat ancien vétustes ».
Le texte, issu d’une concertation entre l’État, les professionnels et les élus, s’inspire des préconisations du rapport Lutz-Hanotin (lire Maire info du 24 octobre). En particulier, il reprend l’idée avancée par les maires de Mulhouse et de Saint-Denis de créer un nouveau régime spécifique d’expropriation.
Expropriation simplifiée
Aujourd’hui, l’expropriation n’est possible qu’en cas de péril « à caractère irrémédiable ». Le projet de loi va créer une nouvelle procédure d’expropriation des immeubles insalubres ou dégradés dont la dégradation est remédiable. En bref, lorsqu’un arrêté de traitement de l’insalubrité ou de mise en sécurité est prononcé et si les mesures qu’il préconise n’ont pas été prises sous six mois, l’expropriation deviendrait possible, au profit de l’État, d’un concessionnaire ou d’une collectivité. Cette expropriation serait d’utilité publique, entrainerait naturellement une indemnité et devrait être assortie d’une obligation de relogement si les lieux sont déclarés inhabitables. À noter que « le refus par les occupants (…) du relogement qui leur est offert autorise leur expulsion sans indemnité ».
Cette nouvelle procédure d’expropriation simplifiée en cas d’habitat indigne est une demande de longue date des maires.
Par ailleurs, l’article 7 du projet de loi clarifie le régime du droit de préemption renforcé, en précisant notamment que ce droit « peut être exercé en vie de réaliser des actions nécessaires à une opération programmée d’amélioration de l’habitat, un plan de sauvegarde ou une opération de requalification de copropriété dégradée » .
Autre disposition correspondant à un souhait de l’AMF : l’amélioration de la connaissance sur le parc des copropriétés dégradées. Le texte prévoit l’ajout, dans le registre national d’immatriculation des copropriétés, des données du diagnostic de performance énergétique.
Des manques
Si ce texte est jugé utile par l’AMF, il est néanmoins perfectible. Lors de son examen devant le Conseil national d’évaluation des normes, l’AMF a ainsi relevé qu’il n’y figure pas de mesures coercitives contre les marchands de sommeil, ni de mesures relatives aux permis de louer et permis de diviser. L’AMF souhaite en effet « une clarification du régime de répartition de compétence sur les permis de louer, car la rédaction actuelle de l’article de loi qui encadre leur mise en œuvre empêche aujourd’hui certaines communes de se saisir de cet outil. L’AMF souhaite que la compétence de ces permis puisse être exercée simplement au niveau communal par défaut, et qu’elle puisse être transférée ensuite au niveau intercommunal, de manière souple. »
On ne trouve pas non plus dans ce texte de mesures simplifiant le régime de l’expropriation des biens en état d’abandon manifeste ou relatives aux biens sans maitre. L’AMF rappelle également qu’elle aurait souhaité, afin de prévenir en amont la formation de propriétés dégradées, l’instauration de l’avis conforme du maire sur la vente de logement social et sur la mise en copropriété d’immeubles d’habitation.
Enfin, le principal manque de ce texte est le volet financier : toutes les mesures présentées dans le texte sont à budget constant. Pourtant, le traitement par les collectivités de l’habitat indigne coûte cher. L’AMF demande donc que l’État « prolonge son engagement à accompagner à 100% les coûts pour les collectivités, que ce soit pour les procédures contradictoires ou d’urgence ». Par ailleurs, souligne l’association, « l’avance de fonds pour les propriétaires ou pour les projets portés par les collectivités doit être largement rendue disponible si besoin pour lancer les opérations au plus tôt ».
En tout cas, la présentation de ce projet de loi en Conseil des ministres, hier, et son dépôt aussitôt à l’Assemblée nationale, devraient permettre de tenir les engagements pris par le ministre du Logement en recevant le rapport Lutz-Hanotin : une loi « pour le premier trimestre 2024 ».
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