Maire-info
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Édition du mardi 29 novembre 2022
Logement

Très contestée, une proposition de loi « anti-squats » accordera-t-elle de nouveaux pouvoirs aux maires ?

Portée par les députés de la majorité présidentielle, une proposition de loi en cours d'examen à l'Assemblée alourdirait notamment les peines de prison pour les squatteurs. Des amendements accordant de nouveaux pouvoirs aux maires seront examinés en séance.

Par A.W.

Sanctions alourdies, squattage assimilé au vol, réduction des délais de procédure… Dans un hémicycle chauffé à blanc, les députés ont débuté, hier soir, l'examen d'une proposition de loi des groupes Renaissance et Horizons qualifiée « d’anti-squats », dont le but est de « protéger les logements contre l’occupation illicite ».

Vent debout, les députés de la Nupes et les associations de défense des mal-logés dénoncent un texte « anti-pauvres ».

Petits propriétaires « victimes » 

Axant son argumentaire sur « les petits propriétaires qui ne roulent pas sur l'or »  et qui « se retrouvent du jour au lendemain victimes de squats »  ou « de procédures kafkaïennes en raison d’impayés qui durent depuis des années », le député Renaissance d'Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian, à l’origine de ce texte, a rappelé qu’un « tiers d’entre eux sont des retraités »  et que « les revenus qu’ils tirent de leur bien en location sont absolument indispensables pour leur garantir une retraite sereine ». 

Or, dans le cas d’occupation illicite de leur bien, les propriétaires bailleurs - dont « 64 % ne détiennent qu’un seul logement en location »  - se retrouvent à « devoir lutter pendant des mois et des années pour [le] récupérer, en essuyant souvent au passage des pertes financières considérables ». Une « situation insupportable »  et une « injustice criante », selon celui qui a été à l’initiative en 2020 des dispositions contre les squats via la loi Asap et qui a assuré ne « pas avoir auditionné de squatters, car les squatters sont des délinquants ».

Tripler les sanctions

Il propose ainsi d'accélérer les procédures d'expulsion et de tripler les sanctions encourues par les squatteurs afin de « les aligner sur la peine qu’encourent les propriétaires qui procèdent à une expulsion sans le concours de la force publique ». Les auteurs de violation de domicile encourraient jusqu'à 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende, contre un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende actuellement.

Largement enrichie lors de son examen en commission, cette proposition de loi prévoit aussi d'alourdir les sanctions pour ceux qui se font passer pour un propriétaire dans le but de louer un bien. Elle précise que le délit d'introduction dans le domicile concerne également les résidences secondaires, et étend la procédure d'expulsion express, sans recours à un juge, aux logements vacants, vides de meubles. 

L’occupation sans droit ni titre et « de mauvaise foi »  d’un logement d’habitation s’apparenterait, en outre, dorénavant à « un vol », selon la version adoptée par la commission sous l'impulsion des LR.

Afin de rassurer les propriétaires face aux impayés, les députés de la majorité prévoient de raccourcir également plusieurs délais dans la procédure contentieuse, notamment ceux accordés aux occupants dont « l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales ». Cette durée comprise entre trois mois et trois ans actuellement pourrait désormais être comprise entre deux mois et un an.

De la même manière, le texte réduirait la durée de la procédure judiciaire et prévoit que certains délais pouvant être accordés par un juge ne soient plus automatique mais à condition que le locataire en fasse lui-même « la demande ». « Une atteinte manifeste à l'office du juge de l'expulsion »  pour la gauche, qui craint un manque de recours des locataires.  

Le dispositif expérimental, qui permet à un propriétaire de confier un local vacant à une association pendant une durée donnée pour y accueillir et héberger ceux qui en ont besoin, serait par ailleurs prolongé.

« Criminalisation »  des mal-logés 

Si la majorité présidentielle reste relative à l’Assemblée, elle pourrait compter sur les voix des députés LR et RN pour faire adopter ce texte auquel s’opposent la gauche et les associations de défense des mal-logés.

L'Insoumis François Piquemal (Haute-Garonne) a ainsi défendu en vain une motion de rejet préalable en s'indignant d'une « attaque sans précédent à l'encontre des droits et de la protection des locataires », par la « criminalisation de tous les mal-logés ».

De leur côté, une trentaine d’associations a prévenu du risque de multiplication des expulsions pour loyers impayés et qualifié ce texte de « cruel » : « Veut-on vraiment voir 30 ou 40 000 ménages expulsés chaque année ? Veut-on vraiment contraindre les personnes sans-abri, victimes d’un accident de la vie ou précarisées par la crise du logement à choisir entre la rue et la prison ? Cette proposition de loi honteuse se trompe de cible […] C’est la crise du logement qu’il faut combattre, et non ses victimes. » 

Assurant ne « pas se prononcer sur la nouvelle PPL », l’ancienne ministre du Logement lors du précédent quinquennat, Emmanuelle Wargon, a toutefois implicitement pris position : « Il n’y a qu’environ 200 squats par an. Avec la dernière réforme [la loi ASAP de 2020], on a trouvé un équilibre et on sait les traiter. Et on avait su contenir les expulsions locatives. »  Tout comme, sa prédecesseure Emmanuelle Cosse, dorénavant présidente de l'USH, et qui juge le texte « inutile »  et sujet « à confusion ». 

Ce « n'est pas contre les petits locataires en galère passagère »  qu’a été présentée cette proposition de loi mais « pour combattre des arnaqueurs patentés », a rappelé le député de l’Essonne Paul Midy (Renaissance). Et si le gouvernement y a apporté son soutien, il l’a « condition[né] »  à un certain « équilibre ». 

Un texte qui « va dans le bon sens », selon le président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers, Christophe Demerson.

Vers plus de pouvoir aux maires ?

Plusieurs amendements déposés par les députés RN et Horizons pourraient, par ailleurs, étendre les pouvoirs du maire et seront scrutés avec attention lors de leur discussion en séance.

Les premiers proposent ainsi que les maires aient droit, pendant une procédure d'exclusion, « d'avoir recours à la force publique au même titre que le préfet »  et que « l’expulsion d’urgence puisse être diligentée, sans aucune condition de durée de l’occupation illégale », par le maire notamment. Autant de mesures qui demanderaient à être expertisées par les maires - les associations d'élus n'ont pas été consultées. Il n'est pas certain, loin de là, que les élus soient largement demandeurs de ce type de mesures. 

Le député Horizons Philippe Pradal (Alpes Maritimes) propose, quant à lui, de « permettre au maire de la commune où est constatée l'existence d'un squat de saisir lui-même le préfet après avoir porté plainte »  mais aussi « d’élargir la faculté de constater l’occupation illicite d’un logement au maire » 

« Les élus restent encore trop impuissants » , selon lui, alors que face à des troubles à l'ordre public, « les élus et forces de l'ordre locaux sont souvent les premiers alertés, les occupants légaux et les riverains se tournent naturellement vers le maire et la police municipale pour signaler et faire cesser les nuisances. » 

Consulter la proposition de loi.
 

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