Lutte contre l'habitat indigne : des procédures simplifiées à partir de 2021
Mise en place d’une unique police administrative spéciale de lutte contre l’habitat indigne, possibilité d’intervenir en journée avec recouvrement des frais engagés ou encore facilitation du transfert des pouvoirs du maire au président d’EPCI. C’est ce que prévoit, entre autres, une ordonnance parue aujourd’hui au Journal officiel dans laquelle le gouvernement harmonise et simplifie les polices des immeubles, locaux et installations à compter du 1er janvier 2021.
Une unique police administrative spéciale
Devant la multitude et la complexité des régimes des différentes polices mais aussi du nombre important d’autorités compétentes, le gouvernement a ainsi décidé de rassembler au sein d’une seule et unique nouvelle police tous les faits qui concernent les procédures de lutte contre l’habitat indigne. Au total, ce sont donc « sept procédures actuellement présentes dans le Code de la santé publique et trois procédures du Code de la construction et de l’habitation » qui vont être fusionnées et intégrer cette nouvelle police, selon le rapport qui accompagne l’ordonnance.
L’ordonnance uniformise, au passage, le déroulement procédural en précisant que ce sera aux préfets de déclencher les procédures engagées concernant les « dangers pour la santé des personnes » et aux maires et présidents d’EPCI pour ce qui est de celles visant « la sécurité des personnes ».
Le gouvernement prévoit également « l’obligation pour toute personne de signaler à l’autorité compétente des faits dont elle aurait connaissance et susceptibles de constituer des faits générateurs de la nouvelle police » et l’encadrement du droit de visite « en prévoyant une plage horaire et le recours au juge des libertés et de la détention notamment en cas d’obstruction ou d’impossibilité d’accéder aux lieux ».
Allègements procéduraux en cas d’urgence
Trois allègements procéduraux ont également été décidés. A compter du 1er janvier prochain, il ne sera ainsi plus nécessaire de réaliser une procédure contradictoire ni de saisir le tribunal administratif pour intervenir en journée. Dans ce cas, le maire pourra, en outre, lancer le recouvrement des frais engagés par la commune. Actuellement, « il est contraint d’utiliser sa police générale sans possibilité de lancer le recouvrement des frais engagés par la commune et sans application du régime du droit des occupants », expliquent les auteurs du rapport.
EPCI : transferts des pouvoirs et délégations facilités
Ce texte touche, par ailleurs, aux dispositions relatives aux compétences des collectivités. Il limite, d’abord, la possibilité pour les présidents d’EPCI de refuser d’exercer les pouvoirs de police de lutte contre l’habitat indigne transférées par les maires des communes membres qu’à condition qu’au « moins la moitié des maires s’est opposée auxdits transferts ou si les maires s’étant opposés au transfert représentent au moins 50 % de la population de l’EPCI ». Actuellement, cette possibilité est encore accordée si au moins un maire s’est opposé à ce transfert.
L’ordonnance va permettre, ensuite, aux maires de transférer « au fil de l’eau » ces pouvoirs de police alors qu’actuellement ce transfert intervient uniquement au moment de l’élection du président de l’intercommunalité. Conséquence logique : « Un maire qui se serait opposé [initialement] au transfert pourra revenir sur sa décision, notamment pour s’appuyer sur l’EPCI qui aura entre-temps développer un service et des compétences en matière de lutte contre l’habitat indigne », expliquent les auteurs du rapport. En outre, précisent-ils, « l’EPCI n’est autorisé à refuser le bénéfice du transfert des pouvoirs de police d’un maire uniquement s’il n’exerce pas par ailleurs ces pouvoirs qui lui aurait été transférés par un ou plusieurs autres maires ».
Le gouvernement assouplit, enfin, avec cette ordonnance, le cadre des délégations des pouvoirs des préfets aux présidents d’EPCI. Dorénavant, il suffira qu’ « au minimum un seul maire ait transféré ses pouvoirs de police de lutte contre l’habitat indigne » pour que ces délégations soient possibles. Jusqu’à présent, trois conditions sont encore nécessaires : l’EPCI doit être délégataire des aides à la pierre, disposer d’un service dédié à la lutte contre l’habitat indigne et bénéficier de l’ensemble des transferts des pouvoirs de police de lutte contre l’habitat indigne de tous les maires des communes membres de l’EPCI.
« Système complexe » et financement en question
Si le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) a émis, le 23 juillet dernier, un avis favorable (dont le compte-rendu n’est pas encore publié) sur ce texte, l’AMF s’est montrée plus nuancée. Si l’ordonnance « répond parfaitement à l’objectif d’harmonisation des polices et de sécurisation de l’exercice du pouvoir de police en cas d’urgence », tel que souhaité par l’association dans le cadre de ses travaux, celle-ci estime, toutefois, qu’elle « n’organise pas les conditions d’une mutualisation des services en matière d’habitat indigne relevant du bloc communal « à la carte », en fonction des caractéristiques de chaque territoire ». A ses yeux, ce texte « crée encore un système transitoire complexe » de transfert des polices spéciales de l’habitat indigne au président de l’intercommunalité.
En outre, l’association pointe la question du financement de ces nouvelles dispositions. Elle regrette ainsi que « la fiche d’impact ne [fasse] état d’aucune évaluation financière des évolutions attendues ». Pourtant, selon l'AMF, celles-ci « entraîneront de fait la création de services intercommunaux dédiés à l’exercice de cette police et qu’elles constituent en partie un transfert de compétence de l’État vers les collectivités » dans le cadre de la délégation facilitée de la police de l’insalubrité au président de l’intercommunalité.
A.W.
Consulter l’ordonnance.
Consulter le rapport.
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