La loi « anti squat » définitivement adoptée, les maires pourront désormais « constater l'occupation illicite »Â
Par A.W.
Par un dernier vote du Sénat, les parlementaires ont définitivement adopté, cette nuit, la très critiquée proposition de loi visant notamment à alourdir les peines de prison contre les squatteurs et à accélérer les procédures contre les locataires en cas d’impayés. Ce qui alarme la gauche et les associations de défense des mal-logés - qui dénoncent un texte « anti-pauvres ».
« Protéger les honnêtes gens »
Porté par les députés des groupes Renaissance et Horizons, ce texte a ainsi été validé par les sénateurs, en deuxième lecture, par 248 voix contre 91, sans modifications par rapport à la version votée par l’Assemblée nationale début avril (avec le soutien des groupes MoDem, LR, RN et une grande partie du groupe Liot).
Un « texte équilibré » et « mesuré », a estimé en séance le ministre du Logement, Olivier Klein, qui « assure la juste conciliation entre le droit à la propriété et le droit au logement » et permet de « lutter contre les abus, contre ceux qui profitent du système et arnaquent les petites gens ».
L’ancien président de l’Anru et ancien maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a souligné que, désormais, « le squatteur sera plus durement sanctionné alors que le locataire restera, quant à lui, protégé et accompagné quand sa situation le justifie ». Affirmant avoir « entendu les alertes » et « les retours des associations », il s’est « réjoui » que le texte « ne conduira évidemment pas les locataires en impayés de loyer en prison » et « ne réduira pas l’accompagnement social ».
Une proposition de loi qui « protège[ra] les honnêtes gens » grâce à des « avancées majeures en matière pénale, administrative et civile », a de son côté défendu le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, tandis que la sénatrice de la majorité LR, Dominique Estrosi Sassonne (Alpes-Maritimes), a souhaité que le squat soit « réprimé sans faiblesse ».
Durcissement des sanctions et pouvoir des maires étendu
Concrètement, le texte triple les sanctions encourues par les squatteurs en les portant jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (contre un an de prison et 15 000 euros d’amende actuellement) alors que la notion de domicile a été étendue aux logements inoccupés contenant des meubles (qu’une personne y habite ou non et qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale).
Pour sanctionner le squat de locaux autres qu'un domicile (un autre local d’habitation ou un local à « usage économique, agricole ou professionnel » ), un nouveau délit a été introduit passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende, tandis qu’une peine de 3 750 euros d’amende est instaurée pour les personnes qui « incitent au squat par la publicité et la propagande ».
S’agissant des locataires « de mauvaise foi » en situation d’impayés de loyer et qui restent dans leur logement après un jugement d’expulsion définitif, ils risqueront 7 500 euros d’amende, à l’exception de ceux pouvant être concernés par la trêve hivernale, bénéficiant d'une décision de sursis à expulsion ou d'un logement social.
Autre « avancée » défendue par le Garde des sceaux, la généralisation de la « clause de résiliation de plein droit » pour impayés de loyer qui sera insérée « automatiquement » dans le contrat de bail et qui permettra à un propriétaire d'obtenir la résiliation du bail sans avoir à engager une action en justice et de pouvoir ainsi obtenir plus rapidement une expulsion. En parallèle, « un consensus s’est dégagé pour imposer un rythme plus rapide à la procédure d’expulsion » en la faisant « passer de trois à un an », s'est félicité Eric Dupond Moretti.
En outre, afin de « fluidifier l’expulsion administrative des squatteurs », la future loi donnera désormais aux maires - et aux commissaires de justice - la possibilité de « constater l’occupation illicite ».
Largement enrichie durant son parcours parlementaire, cette proposition de loi exonère également le propriétaire d'un logement squatté de son obligation d'entretien (sauf s'il s'agit d'un marchand de sommeil) « pour éviter qu’ils payent les dommages causés par l’absence d’entretien d’un bien, alors même que celui-ci est squatté et qu’ils ne peuvent y mener de travaux ».
Le dispositif expérimental, qui permet à un propriétaire de confier un local vacant à une association pendant une durée donnée pour y accueillir et héberger ceux qui en ont besoin, sera par ailleurs prolongé.
Risque de « doubler le nombre de personnes sans domicile »
Vent debout contre cette loi, le groupe CRCE à majorité communiste a bien tenté de faire voter une motion de rejet du texte, sans succès.
Relatant le suicide par immolation d’une femme au début du mois, devant la mairie de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), en raison d’une « menace d’expulsion » (ce que nie toutefois son bailleur Hauts-de-Seine Habitat), le sénateur communiste du Val-de-Marne Pascal Savoldelli a qualifié ce texte de « véritable criminalisation de la pauvreté ».
A ses yeux, il « rajoute de la dette à la dette en sanctionnant des impayés par des amendes […] après avoir envisagé des peines de prison à celles et ceux qui vivent dans la misère locative ». Dénonçant la volonté des députés de la majorité de vouloir défendre les petits propriétaires, « de plus en plus minoritaires », il a rappelé que « 3,5 % des ménages possèdent 50 % du parc privé » et fustigé « le délai anormalement long pour être reconnu prioritaire au titre du Dalo [qui] ne fait qu’augmenter et atteint désormais dix ans – une décennie ! – à Paris et au moins trois ans en Île-de-France ».
« Appliquer ce texte à la lettre pourrait doubler le nombre de personnes sans domicile », a mis en garde le sénateur écologiste Guy Benarroche (Bouches-du-Rhône), en citant des propos du Secours catholique, et en pointant déjà « le plus haut niveau d’expulsions locatives jamais enregistré » l’an passé avec « l’expulsion de 17 500 ménages avec le recours de la force publique ». Celui-ci a également estimé que « le droit permet dès aujourd’hui de résoudre » les principales affaires d’occupation illicite, « sans besoin de modification législative ».
Après les multiples indignations et mises en garde des associations sur la scène nationale contre cette proposition de loi, les critiques avaient porté jusque dans les rangs d’une commission des Nations unies en avril dernier.
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