Encadrement des loyers : les députés souhaitent que les collectivités appliquent des sanctions
Par A.W.
Les collectivités volontaires pourraient bientôt sanctionner, elles-mêmes, les bailleurs qui ne respectent pas le mécanisme d’encadrement des loyers. C’est ce qu’ont décidé, la semaine passée, les députés dans le cadre de l’examen du projet de loi « 3DS ». Si le texte est adopté définitivement en l’état, ce pouvoir de sanction ne sera donc plus exclusivement à la main de l’État (à travers les préfets) mais aussi à celles des communes ou des EPCI.
Des sanctions « pas suffisamment appliquées »
La ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, s’est dite « favorable » à ce transfert du pouvoir de sanction, proposé notamment par les députés de la majorité, et a jugé « cohérent » de donner la possibilité aux collectivités qui le souhaitent « de faire respecter [elles]-mêmes les règles ».
Le député communiste Stéphane Peu (Seine-Saint-Denis), à l’initiative d’un amendement similaire qu’il a retiré en cours de discussion, a également estimé nécessaire que les collectivités ayant demandé la mise en place de ce dispositif sur leur territoire puissent « aller au bout de [la] démarche ». À ses yeux, « les sanctions doivent être prises au plus près du terrain ».
Une mesure d’une « urgence capitale », a assuré la députée socialiste Lamia El Aaraje (Paris) qui a rappelé que les contrôles et sanctions – actuellement à la main de l’État - ne sont « pas suffisamment appliqués ». En effet, sur 98 dossiers, seules dix amendes administratives ont été prononcées par le préfet à Paris depuis 2019, « la grande majorité [ayant] été classée du fait de la conciliation » entre propriétaires et locataires via la commission départementale, a toutefois précisé Mickaël Nogal (LaREM, Haute-Garonne). Reste qu’« aucune ne dépasse le montant de 1 500 euros, alors même que la loi permet de sanctionner jusqu’à 5 000 euros », a pointé l’élue parisienne.
Celle-ci a également regretté que « les amendements proposés ne prévoient pas de compensation financière » alors que « c’est la collectivité qui mettra les amendes et qui déploiera des moyens pour qu’elles soient payées, mais c’est l’État qui en récoltera le montant ».
Les loyers abusifs toujours recensés
Constatant « des excès manifestes dans les annonces et des baux signés avec des loyers qui ne sont évidemment pas conformes à ce qui est prévu », Lamia El Aaraje a cité plusieurs études récentes, comme celle de la Fondation Abbé-Pierre (soutenue par la Ville de Paris), qui « montrent qu’entre le 1er août 2020 et le 1er août 2021, 35 % des logements mis sur le marché dépassent le plafond des loyers qui a été légalement fixé. Le dépassement moyen s’élève à presque 200 euros hors charges. Il s’agit donc de sommes conséquentes ». « Sur 8 753 annonce mises en ligne, 37 % des loyers proposés à Paris sont abusifs, 43 % en Seine-Saint-Denis », a-t-elle ajouté citant une enquête du quotidien Le Monde.
« Ces études établissent aussi que 75 % des studios sont hors-la-loi, ce qui signifie que les travailleurs les plus précaires et les jeunes, les étudiants, sont les principales victimes de ces abus », a-t-elle souligné.
Les données autour des loyers abusifs restent, cependant, très variables puisque d’autres études s’éloignent de ces chiffres. Pour Clameur, un observatoire des loyers en France, ce sont 20 % des baux signés qui ne sont pas conformes à l'encadrement des loyers à Paris tandis que l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap) évaluait à 26 % le nombre de baux qui se sont conclus par un loyer au-dessus du plafond en 2020. De son côté, Meilleurs Agents affirmait, dans une étude parue en juin dernier, que la moitié des annonces de location ne respectaient pas l’encadrement des loyers à Paris.
Deux ans de plus pour déposer sa candidature
En commission, les députés avaient également décidé de prolonger de deux ans le délai initialement fixé (novembre 2020) par la loi Elan pour candidater à l’expérimentation. Les collectivités pourraient ainsi déposer leur candidature jusqu’en novembre 2022, pour celles qui le souhaiteraient, comme c’est le cas de « certains EPCI, notamment au Pays basque », a fait savoir le député des Pyrénées-Atlantiques Vincent Bru (MoDem).
« Ce nouveau délai se justifie par la volonté de remédier aux obstacles qu’ont pu rencontrer certains EPCI et certaines collectivités pour se conformer à cette procédure en temps utiles, dans le contexte créée par la crise sanitaire due à l’épidémie de covid-19 et compte tenu du renouvellement différé des conseils municipaux », a justifié Mickaël Nogal, dans l’exposé des motifs de l’amendement concerné. Celui-ci précise qu’il s’agit également de « donner aux pouvoirs publics les moyens de réaliser une large évaluation du dispositif à l’échelle du territoire national ».
Par ailleurs, l’Assemblée a adopté un amendement de La France insoumise imposant aux agents immobiliers mais aussi aux bailleurs particuliers de « bien respecter l’affichage de l’encadrement des loyers » dès l’annonce de la mise en location.
Recours rejetés par le Conseil d'État
À noter, enfin, que le Conseil d'État a rejeté, au début du mois, les requêtes d'associations de propriétaires demandant la suspension du décret sur l'expérimentation de l'encadrement des loyers à Bordeaux, Lyon, Montpellier et dans plusieurs communes du Grand Paris, selon La Tribune.
Pour rappel, plusieurs communes et intercommunalités ont déjà adopté ce dispositif expérimental rétabli par la loi Elan de 2018 dans les zones en situation tendue : Paris et Lille, en juillet 2019 et mars 2020 (après avoir vu leurs dispositifs initiaux annulés en 2018), mais aussi Lyon et Villeurbanne ainsi que les communautés d’agglomération Plaine-Commune et Est-Ensemble (Seine-Saint-Denis), cette année. L’an prochain, ce sera au tour de Bordeaux et Montpellier.
Consulter le projet de loi 3DS.
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