Crise du logement : les députés simplifient la transformation de bureaux en habitations
Par A.W.
Dérogation au plan local d'urbanisme, création d’un permis de construire « réversible » et soutien financier aux collectivités. Les députés ont adopté, jeudi, en séance, à l'unanimité, une proposition de loi MoDem dont les principales mesures visent à simplifier et à « faciliter la transformation des bureaux en logements ».
Déposé par le député de l’Ain Romain Daubié, ce texte devait inciter les parlementaires à saisir cette « opportunité » qu’est l’augmentation de la vacance des bureaux apparue depuis la crise sanitaire pour les transformer en logements. Rien qu’en Île-de-France, par exemple, il y aurait « 4,5 millions de mètres carrés » de bureaux vides, le développement du télétravail et des bureaux flexibles ayant fait diminuer de « 5,4 % » le taux d’occupation des bureaux.
« Petite pierre » à l’édifice
Ce texte permettrait ainsi de « redynamiser nos centres-villes et nos centres-bourgs, en transformant des espaces vacants en logements abordables », a défendu le député MoDem, jugeant que la transformation de bureaux vacants en logements est « une nécessité écologique » et contribue à « la lutte contre l’étalement urbain ».
Si le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a estimé que ce texte « contribuera à renforcer l’arsenal dont nous disposons » et faisait « œuvre utile » en « accroissant l'offre dans un marché bloqué », nombre de députés ont considéré l’initiative comme un « outil de niche » et une simple « petite pierre » face à l’ampleur de la crise que traverse le secteur.
Une proposition de loi qui repose sur plusieurs « principes simples », tels que « la liberté locale » et « la prise en compte de l’ensemble des territoires, au-delà des seules métropoles ». « La transformation de bureaux en logements ne peut pas se faire sans les élus locaux car ce sont eux qui connaissent le mieux leurs territoires », a assuré Romain Daubié, soulignant que les mesures inscrites dans son texte devront « pouvoir s’appliquer partout, sans qu’aucun territoire ne soit laissé de côté ». Car, « contrairement à ce qu’on pourrait penser, la vacance des bureaux ne touche pas que l’Île-de-France ».
Dérogation au PLU
Afin de réduire les délais, la proposition de loi prévoit, d’abord, une dérogation au plan local d'urbanisme lorsque celui-ci ne permet pas de transformer un bureau en habitation, « en tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation ». « Nous gagnerons jusqu’à douze mois sur la durée des projets », a évalué le ministre du Logement.
« Les règlements des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) comportent, parfois des zonages empêchant la transformation de bureaux en logements. Ces restrictions sont souvent justifiées [mais] il arrive que les zonages ne soient plus adaptés aux évolutions de l’environnement urbain et qu’ils bloquent des projets engagés par le maire pour transformer certains quartiers », a défendu le député MoDem.
Si la compétence pour délivrer les permis de construire a été déléguée à l’EPCI, le conseil municipal de la commune concernée par la demande de dérogation pourra, toutefois, s’y opposer grâce une « délibération contraire motivée du conseil municipal prise dans un délai de deux mois à compter de la transmission de la demande ».
Une mesure adoptée par amendement afin de « garantir que la commune qui n’exercerait plus de compétence urbanisme, ni en matière de PLU, ni en matière de permis de construire, ne puisse se voir imposer cette dérogation alors même qu’elle supportera l’essentiel des charges de services publics (écoles, crèches, voirie, etc.) induites par la création de nouveaux logements ».
La députée écologiste des Hauts-de-Seine, Sabrina Sebaihi, a, de son côté, déploré le rejet d’amendements proposant de « flécher en priorité les logements vers les plus précaires, vers ceux qui attendent un logement depuis longtemps ou vers les étudiants ». « Il faut reconnaître la faillite des dispositifs existants [et] trouver des leviers permettant aux demandeurs d’accéder à un logement décent », a-t-elle expliqué.
Opérations assujetties à la taxe d’aménagement
Bien qu’ayant soulevé de nombreuses « interrogations », une mesure de soutien financier aux collectivités a également été validée par les députés.
Le texte doit ainsi permettre aux maires d'assujettir ces opérations de transformation de bureaux à la taxe d'aménagement afin de « prévenir tout préjudice induit sur les frais d’investissement dans des équipements collectifs, même lorsque ces opérations n’entraînent pas d’augmentation de la surface ».
Les dispositions concernées ne soumettent, cependant, « pas automatiquement les opérations de transformation de bureaux en logements à la taxe d’aménagement, elles offrent seulement la possibilité aux collectivités de l’appliquer », a tenu à préciser Romain Daubié.
Redoutant un renchérissement du coût du logement, la droite s'y est opposée tandis que le gouvernement a exprimé ses « réserves » en arguant qu’à ce stade, cette mesure ne « répondrait pas entièrement aux multiples enjeux de financement des élus et des opérateurs ». En réponse, le député MoDem a assuré que, au delà du prix à payer, les promoteurs immobiliers seraient « bien conscients du fait que le manque de recettes pour les communes constitue le premier point de blocage ». « Avant de s’inquiéter du coût d’une opération, encore faut-il qu’elle puisse se faire ! », a-t-il martelé.
Permis de construire « réversible »
Le texte prévoit également de créer un « véritable » permis de construire « réversible » qui serait « délivré à un instant unique et permettrait aux surfaces d’un bâtiment d’évoluer entre plusieurs destinations ». « Encore une fois, il s’agit d’un outil laissé à la main des élus locaux qui pourront choisir de l’utiliser ou non », a rappelé Romain Daubié qui s’est inspiré de ce qui a été fait en Seine-Saint-Denis pour le village olympique.
Selon Guillaume Kasbarian, ce permis « permettra au porteur de projet de modifier la destination du bâtiment sans qu’il lui ait été nécessaire d’en prévenir la commune au moment du dépôt du permis de construire, et ce autant de fois qu’il le souhaitera ». De quoi « rassurer tous ceux qui souhaitent continuer à investir ».
Enfin, la proposition de loi se consacre aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) en leur octroyant « deux avantages actuellement réservés aux bailleurs sociaux » afin que davantage de bureaux puissent devenir des logements étudiants.
La proposition de loi est désormais attendue au Sénat.
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