Bilan sévère du quinquennat dressé par la Fondation Abbé-Pierre
Par Emmanuelle Stroesser
« Il y a un an, nous parlions de bombe à retardement sociale. Le pire semble avoir été évité mais la menace reste entière pour de nombreuses situations et ménages ». Le constat du délégué de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, porte aussi une nouvelle alerte. Les mesures prisent pendant la crise sanitaire ont « sans doute évité le basculement dans la pauvreté » d’un certain nombre de personnes, mais le niveau « reste élevé, à 14,6 %, en hausse de 0,5% pendant le quinquennat ». Cela rejaillit bien sûr sur le logement.
40 000 places en plus
Le secteur de l’hébergement d’urgence s’en tire presque bien, avec 40 000 places ouvertes, et surtout « non refermées » comme le demandaient les associations au printemps 2021. « Cela montre que l’objectif "zéro personne contrainte de vivre à la rue" est atteignable », égratigne Christophe Robert. Mais, cela ne suffit pas, car une partie des hébergements souffrent encore d’être « inadaptés », « sans toujours un accompagnement social approprié » et surtout « peu de perspectives de sortie vers un logement ». Autrement dit, retour (presque) à la case départ.
Enfin, « malgré de nouvelles places, le secteur est de nouveau saturé », prévient le délégué. Et donc encore sans solutions pour des personnes à la rue, dans des squats ou campements. Tandis que des milliers d’autres « vivent toujours sous la menace d’une proche expulsion », dès le 1er avril si la fin de la trêve hivernale n’est pas de nouveau repoussée.
À mi-chemin des objectifs
La Fondation met en avant un bilan – critique – du quinquennat concernant le logement. Le « choc de l’offre pour détendre le marché locatif et faire baisser les prix n’est pas venu ! ». La baisse des logements mis en chantier fait que « la pénurie perdure, et les prix immobiliers continuent d’augmenter ». La poursuite de l’expérimentation de l’encadrement des loyers permis par la loi Elan est un bon point, mais sa mise en œuvre ne satisfait pas. « À Paris, plus de 35 % des annonces dépassent les plafonds mais seules 10 amendes pour non-respect de la loi ont été prononcées », illustre la Fondation.
Du côté du logement social, la facture reste difficile à digérer, entre « la suppression des aides à la pierre, la ponction des organismes HLM avec la réduction du loyer de solidarité, etc. ». En conséquence, la production de nouveaux logements reste « laborieuse ». En témoigne l’objectif - non atteint - des 40 000 PLAI (31 000 sortis de terre). La production de logements étudiants est également à la peine, avec seulement « la moitié » des 60 000 prévus produits à la fin du quinquennat. La fondation critique également le faible empressement des préfets à user de la possibilité de sanctionner une partie des 550 communes hors des clous de la loi SRU.
La bonne surprise du logement d’abord
Le jugement est moins sévère sur le dispositif « logement d’abord », qui, comme le rappelle Christophe Robert, « prévoit de passer directement de la rue vers un logement de droit commun avec accompagnement si nécessaire mais sans cette mise à l’épreuve » d’un parcours par escalier (logement d’insertion, etc.). « On avait été contents qu’Emmanuel Macron reprenne cette idée, et porte l’objectif d’augmenter les pensions de famille, les objectifs de logements, l’attribution de logements sociaux pour des personnes de la rue ou de l’hébergement ».
Bon point aux collectivités engagées
Près de cinquante (grandes) collectivités se sont engagées. C’est un autre « bon point » décerné par la Fondation. Car les avancées y semblent prometteuses, « à quelques exceptions près ». L’expérience n’atteint visiblement toutefois pas encore les résultats du modèle finlandais. « On voit des expérimentations intéressantes, mais c’est justement la limite, on reste sur l’expérimentation ». Avec ses hauts, ses bas, et ses interruptions. Il n’y a donc pas encore « de petite Finlande en France où on aurait vaincu le sans-abrisme ». La Fondation appelle pour cela à « continuer la dynamique, éviter les points aveugles, relancer le logement très social ». Cela fait partie des recommandations adressées aux candidats à la présidentielle.
Lutter contre l’habitat insalubre
En direction des collectivités, et notamment des plus petites, la Fondation fait cette autre proposition : la création d’une Agence nationale des travaux d’office, « sorte de bras armé » à leur service pour les aider à engager les travaux dans les habitats insalubres. Pour la Fondation, c’est à l’État de venir en appui des communes qui n’en ont pas les moyens techniques et financiers.
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