« Trêve olympique » des expulsions et garantie universelle des loyers : deux nouveaux textes proposés en pleine crise du logement
Par A.W.
La question du logement et de la crise qui frappe le secteur continue d’agiter le Parlement. Après une série d’initiatives mises à l’ordre du jour courant janvier (meilleur encadrement des meublés de tourisme, simplification de la rénovation de l’habitat dégradé, transformation de bureaux en logements), deux nouveaux textes viennent d'être déposés par les oppositions des deux chambres : l’un visant à rétablir la garantie universelle des loyers et l’autre proposant de prolonger la trêve hivernale sur les expulsions sur l’ensemble de l’année 2024.
Un « moratoire » des expulsions pour 2024
Le sénateur communiste de Paris Ian Brossat a ainsi déposé, la semaine dernière, une proposition de loi afin d’imposer « une trêve olympique » des expulsions locatives durant la période qui entoure les Jeux, qui se tiendront du 24 juillet au 8 septembre 2024.
En cause, le fait que « de plus en plus de propriétaires procèdent en ce moment ou pour les mois qui viennent, à des congés pour reprise qui visent en réalité à se débarrasser de leurs locataires » afin de mettre leur logement « sur Airbnb » et d'« encaisser des sommes absolument faramineuses », a dénoncé l’ancien adjoint chargé du Logement à la ville de Paris, où le phénomène prend de l’ampleur et où il est désormais possible pour les locataires de se faire accompagner par « un juriste spécialisé ».
Selon l'Agence départementale d'information sur le logement (Adil), le nombre de congés pour reprise a ainsi bondi de 23 % en un an.
Ce « moratoire » des expulsions permettrait donc de prolonger la trêve hivernale jusqu’au 1er novembre pour les « occupants de bonne foi », au lieu que celle-ci ne prenne fin au 31 mars, comme c’est le cas chaque année. Ce qui reviendrait à faire de l'année 2024 « une année blanche en matière d'expulsions locatives ». Durant cette période, il serait ainsi interdit de recourir « à la force publique dans une procédure d'expulsion locative lorsque la ou les personnes visées ne disposent pas d'une solution de relogement adaptée à leurs besoins et moyens ».
À noter que ce moratoire s’appliquerait également aux « étudiants locataires, occupants de bonne foi, des résidences qui relèvent du Code de la justice administrative lorsque les intéressés cessent de satisfaire aux conditions en raison desquelles le logement a été mis à leur disposition ».
Outre le fait de vouloir « limiter les congés abusifs, lutter contre les locations touristiques illégales et multiplier les contrôles », cette proposition de loi revêt « une importance cruciale pour répondre à l'urgence de la crise du sans-abrisme », indiquent les sénateurs signataires du texte.
S’il n’est, pour l’heure, toujours pas inscrit à l’agenda du Sénat, Ian Brossat a assuré, sur BFM, qu’il fera « toutes les démarches nécessaires pour que cette proposition de loi soit adoptée en temps et en heure ». « J’ai bon espoir que tout le monde nous entende car les JO, ce ne peut pas être des expulsions locatives partout », a indiqué l’élu.
Rétablir la garantie universelle des loyers
Afin de favoriser l’accès au logement, les députés socialistes ont, de leur côté, déposé une proposition de loi qui vise à créer une garantie universelle contre les impayés de loyers et de charges.
Examiné en commission la semaine passée, ce texte propose ainsi le rétablissement de la garantie universelle des loyers, initialement créée dans la loi Alur. « En garantissant sous certaines conditions les propriétaires contre les effets économiques, finalement les plus impactant, des retards et impayés de loyers, ce dispositif permet de lever le principal frein à la mise en location et d’atténuer les attentes des bailleurs sur la solvabilité de leurs locataires », jugent les députés signataires.
Le texte prévoit la création d’une agence publique pour la gérer dont le conseil d’administration serait composé de « six représentants de l’État, de deux représentants du groupe Action logement, de deux représentants des collectivités territoriales et de deux personnalités qualifiées nommées en raison de leur compétence en matière de logement ».
Financée par l’État et une partie de la Participation de l'employeur à l'effort de construction (PEEC), la garantie serait applicable à compter de 2025. Son « coût maximal théorique » serait « de l’ordre de 1,4 milliard d’euros », selon les élus socialistes.
Si les élus de la majorité s’y sont opposés en commission, les députés doivent désormais discuter du texte, dans l’hémicycle, la semaine prochaine.
Transformation des bureaux et niche fiscale « Airbnb »
De leur côté, les députés MoDem reviendront en séance, début mars, avec une proposition de loi visant, cette fois, à « faciliter la transformation des bureaux en logements ». Initialement prévu le 31 janvier, l’examen du texte a été reporté au 6 mars, après son passage en commission.
Ceux-ci invitent les parlementaires à saisir l’« opportunité » qu’est l’augmentation de la vacance des bureaux apparue depuis la crise sanitaire pour les transformer en logements. Le développement du télétravail et des bureaux flexibles a, en effet, fait diminuer de « 5,4 % » le taux d’occupation des bureaux. Ce qui ouvre, selon eux, de « nouvelles possibilités pour la fourniture d’habitations supplémentaires ».
Autre texte particulièrement attendu et dont l'examen a débuté : la proposition de loi transpartisane visant à « remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue ». Après avoir subi plusieurs écueils durant un an, elle a été finalement adoptée, il y a quelques jours, par les députés.
Si le texte prévoit d’étendre les pouvoirs des maires en leur permettant d'abaisser à 90 jours par an la durée maximale d'une location saisonnière ou de créer des zones réservées aux résidences principales, c’est bien la suppression de la niche fiscale bénéficiant aux meublés de tourisme qui a recueilli toutes les attentions.
Alors que cette révision fiscale est déjà inscrite dans la loi de finances pour 2024 (via une disposition votée par les sénateurs que l'exécutif avait validée « par erreur », lors de l'utilisation du « 49.3 » ) et que le gouvernement a autorisé les contribuables à ne pas en tenir compte, l’examen de ce texte par les sénateurs - qui pourraient en reconfirmer la disposition phare – sera particulièrement suivi.
On peut également rappeler l’examen en cours du projet de loi sur l'habitat dégradé. Très largement adopté par les députés, il doit permettre d'accélérer les procédures pour traiter les copropriétés dégradées et de donner de nouveaux outils aux maires. Les sénateurs viennent de l’amender en commission.
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