Maire-info
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Édition du jeudi 9 janvier 2025
Logement social

Quartiers populaires : les bailleurs sociaux sanctionnés financièrement s'ils entretiennent mal leurs immeubles ?

« Si le travail n'est pas bien fait, je demanderais aux préfets de revenir » sur l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les bailleurs HLM, a annoncé Juliette Méadel, qui a dit aussi travailler sur de possibles dérogations pour accéder aux ZFE. 

Par A.W.

« Faites le job pour lequel vous avez une aide publique. »  Les bailleurs sociaux ont été prévenus par la nouvelle ministre chargée de la Ville, Juliette Méadel : s’ils n'assurent pas correctement l’entretien de leurs HLM dans les quartiers populaires, ils seront désormais sanctionnés financièrement. 

Les quartiers de politique de la ville (QPV) doivent être « soutenus davantage par les pouvoirs publics parce qu’ils sont en situation de grande pauvreté », a-t-elle justifié.

État des lieux « dans les trois semaines qui viennent » 

Pour cela, l’ancienne porte-parole du Parti socialiste et secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes sous la présidence de François Hollande vient donc de demander aux préfets de « faire un état des lieux dans les trois semaines qui viennent de la situation d'entretien des logements sociaux dans les quartiers de politique de la ville pour voir si les bailleurs sociaux font bien leur travail », a-t-elle annoncé, en début de semaine, dans un entretien à Sud Radio.

« Il faut que les ascenseurs fonctionnent, que les poubelles soient bien relevées, que les boîtes aux lettres soient sécurisées », a exigé Juliette Méadel qui souhaite devenir « la ministre des ascenseurs qui marchent »  alors que plus de 5,4 millions d'habitants vivent aujourd'hui dans les quelque 1 600 quartiers classés politique de la ville.  

Et « si le travail n’est pas bien fait, je demanderais aux préfets de revenir sur l’exonération de taxe foncière », a expliqué la ministre, en référence à l’abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont bénéficient les bailleurs sociaux dans ces quartiers et qui représente une somme de 315 millions d’euros qui « pèse sur le budget des communes et celui de l’État »  (qui compense les premières partiellement). L’AMF rappelle ce matin qu'elle plaide également pour que « les communes puissent mieux suivre les actions mises en œuvre par les bailleurs en contrepartie de l’abattement. Cette demande devrait être discutée lors d’une révision du cadre de référence national prévue cette année ».

« On est dans une période difficile sur le plan budgétaire, […] un euro dépensé doit être un euro utile », a estimé la ministre, rappelant toutefois le « rôle fondamental »  des bailleurs sociaux dont la situation « n’est pas toujours facile sur le plan économique ». 

À ce titre, on peut rappeler que ces derniers réclament, sans succès depuis plusieurs années, la fin de la réduction de loyer de solidarité (RLS), une ponction de 1,3 milliard d’euros chaque année sur leurs recettes qui les pénalise et mise en place par Emmanuel Macron. Sans compter qu’ils ont été privés de l’enveloppe de 1,2 milliard d'euros de crédits d’aide à la rénovation promis, il y a un peu plus d’un an, celle-ci ayant été gelée brutalement l’an passé pour pallier le dérapage budgétaire du pays.

L’abattement de TFPB, bien « plus qu’une mesure fiscale » 

« Attention à ne pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des bailleurs HLM ! », a prévenu sur X le député de l'Indre, François Jolivet (Horizons), rappelant que « ces conventions d’abattement de taxe foncière, avaient à l’origine pour objectif de faire porter par les bailleurs des politiques publiques abandonnées par les collectivités locales et l’Etat… » 

Comme l’expliquait l’Union sociale pour l’habitat (USH), dans un rapport publié en juin dernier, ce dispositif est « plus qu’une mesure fiscale, c’est un levier pour agir en faveur de l’amélioration du cadre de vie dans les quartiers et renforcer la participation des habitants ». 

« C’est aussi un moyen pour renforcer la qualité de service et développer des projets à impact social sans que ces surcoûts ne pèsent trop sur les charges locatives des locataires-habitants », explique l’organisme dont la directrice, Marianne Louis, a sobrement salué dans un message sur X « la volonté de la ministre de la Ville de faire un état des lieux de la situation dans les quartiers. Cela répond à la volonté de l’Union HLM de faire vivre l’égalité réelle partout : services publics, santé, sécurité, transport, école. » 

La ministre a également dénoncé le fait que « les trafiquants s'installent dans certains immeubles […] Ils font des trous dans les murs pour cacher la drogue, installent dans les sous-sols des supermarchés de la drogue ». « C'est ça qui pourrit la vie des habitants, il faut une présence. Et la présence des bailleurs sociaux est indispensable car ils mettent en place des systèmes de surveillance et de propreté ».

Plus globalement, Juliette Méadel a affirmé qu’il « y a urgence »  concernant la politique de la ville au regard de « la situation très difficile dans les quartiers », jugeant que « les quartiers périphériques des villes de province sont aussi abandonnés »  et rejoignant ainsi les préoccupations des associations d’élus du bloc local.

ZFE : vers de « probables dérogations » 

Celle-ci a également annoncé son intention de « travailler sur de probables dérogations »  pour permettre aux habitants des QPV d'accéder aux zones à faibles émissions (ZFE) instaurées dans certaines grandes métropoles en vue d'améliorer la qualité de l'air mais qui pénalise souvent les classes modestes. 

Les habitants venant de banlieues qui veulent aller travailler dans les grandes villes se retrouvent ainsi mis en difficulté s'ils possèdent une voiture ancienne. Les métropoles du Grand Paris, de Lyon, Montpellier et Grenoble limitent ainsi depuis le 1er janvier la circulation des véhicules dotés d'une vignette Crit'Air 3, c'est-à-dire les voitures diesel immatriculées avant 2011 et les voitures à essence immatriculées avant 2006.

Un « objectif louable »  puisqu’il y a chaque année « 40 000 morts à cause des microparticules », a défendu la ministre, qui a reconnu que « pour les artisans qui travaillent, et qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler en centre-ville, cette mesure de ZFE est très difficile ».

« J'en ai parlé hier avec Agnès Pannier-Runacher. Nous sommes d'accord pour travailler à des dérogations »  qui pourraient bénéficier aux « quartiers politique de la ville, par exemple ». « Je ne dis pas que nous allons exclure une partie considérable du territoire français. Mais nous allons regarder au cas par cas […] selon les zones, les régions, comment les transports publics peuvent ou pas offrir une alternative. C'est un travail de dentelle, parce que le territoire français est fracturé », a-t-elle précisé.
 

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