Loi SRU : la réforme devrait concerner les communes déficitaires
Par A.W.
Faciliter la mobilité des locataires HLM, intégrer les logements intermédiaires dans la loi SRU, donner aux maires la décision sur les attributions de logements neufs… A l’occasion de la présentation du bilan 2020-2022 de l’application de la loi SRU, le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a dévoilé plusieurs mesures qui devraient intégrer son projet de loi visant à « répondre au besoin de logement abordable des Français », dans un entretien au journal Les Echos.
Un texte qui devrait être présenté en Conseil des ministres début mai, avant d’être examiné au Sénat en juin.
Loi SRU : intégrer le logement intermédiaire
Premier point, la réforme de la loi SRU, promise par le Premier ministre lors de son discours de politique générale en début d’année, devrait bien intégrer les logements intermédiaires (LLI) afin que les communes déficitaires en logements sociaux rattrapent leur retard.
Si l’ancien député d'Eure-et-Loir s'est engagé à maintenir « les objectifs cibles de 20 à 25 % de logements sociaux » dans les 2 100 communes concernées, il a expliqué vouloir, « pour les communes déficitaires, ouvrir la possibilité d'utiliser les LLI pour atteindre leurs objectifs ». Même si cela reste encore peu clair, celles-ci pourraient donc bientôt intégrer les logements intermédiaires « dans leur flux de construction de la loi SRU ».
« Il y aura probablement […] des conditions qui seront fixées », a-t-il affirmé, hier, lors d'un point presse à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), ajoutant que l'objectif du gouvernement était d'« encourager les maires bâtisseurs », « pas de donner un blanc-seing à ceux qui ne veulent pas construire », alors que cette réforme suscite beaucoup d’inquiétudes de la part des bailleurs et des élus qui craignent qu'elle se fasse au détriment des logements sociaux et des populations les plus fragiles.
Pour rappel, 75 000 de ces logements destinés aux « classes moyennes » doivent être créés d’ici 2027, dans le cadre du pacte qui a été signé fin mars avec plusieurs acteurs publics, privés et institutionnels tels que la Caisse des dépôts, Action Logement ou encore l'Union sociale pour l'habitat.
Les bailleurs sociaux pourraient, pour leur part, voir le taux de logements intermédiaires autorisés dans leurs programmes passer de 10 % à 20 %.
Maires bâtisseurs : pas d’aide financière pour l’heure
Comme promis par l’exécutif, ce futur texte aura comme objectif de « rendre du pouvoir aux maires » dans l'attribution des logements sociaux, a rappelé Guillaume Kasbarian.
« Les maires présideront désormais systématiquement la commission d'attribution pour les logements neufs. Cela les mettra en position de maîtrise et leur permettra de faire un lien entre l'acte de construire et l'attribution de logements sociaux », a-t-il développé, rejetant l’idée d’un hypothétique « clientélisme » avancée par certains.
Le ministre du Logement a ainsi répété faire « confiance aux élus locaux qui essaient de répondre aux besoins de leurs habitants », garantissant que les attributions continueront à se faire « dans le respect des publics cibles - c'est-à-dire des personnes défavorisées, des femmes victimes de violences, des travailleurs… »
Le ministre souhaite également « transférer la décision » de vendre des logements sociaux aux maires, et non plus comme aujourd'hui conditionner la vente à une autorisation préfectorale. Dans ce cadre, il prévoit de faciliter l'accès à la propriété en permettant aux locataires d'un logement intermédiaire de l’acquérir après cinq ans, et non plus 18 ans comme c’est le cas actuellement.
Il a, par ailleurs, une nouvelle fois, confirmé les « mesures de simplification » annoncées récemment afin d’accélérer la construction, telles que la réduction des délais de recours ou la possibilité accordée aux maires de « définir des zones de densification douce des zones pavillonnaires, où les règles seraient simplifiées à leur main ».
« Aucune mesure d'aide financière aux maires bâtisseurs ne figurera en revanche dans ce texte », indiquent Les Echos qui relatent que « le ministre n'y ferme pas la porte, mais il renvoie les discussions à l'examen du projet de loi de finances pour 2025 ».
Logement social « à vie »
Souhaitant mettre fin au logement social « à vie », Guillaume Kasbarian a, en outre, décidé de proposer de sortir du parc HLM les locataires qui ont « largement dépassé les plafonds de revenus », évaluant à « plus de 8 % » des locataires de HLM qui ne seraient plus éligibles à un logement social s'ils en faisaient la demande actuellement.
« Quand on a 5,2 millions de logements sociaux en France et 1,8 million de ménages qui candidatent légitimement pour y entrer, est-il normal qu'ils soient empêchés de le faire alors qu'il y a des gens au sein du parc social dont la situation a largement changé depuis qu'ils se sont vus attribuer leur logement ? », s’est interrogé le ministre, estimant avoir « le devoir […] d'accélérer les files d'attente ».
« Il faut réinterroger la pertinence à continuer à occuper un logement social de ceux qui ont largement dépassé les plafonds de revenus, ont pu hériter, ont parfois une résidence secondaire en leur possession, et dont le patrimoine - et c'est le sens de la vie - a évolué », a-t-il ajouté.
Dans ce contexte, il compte demander aux bailleurs sociaux « une évaluation régulière et obligatoire » de « la situation personnelle, financière et patrimoniale » des locataires du parc social afin « d'interroger le renouvellement du bail » et du « niveau des loyers ».
Réaction immédiate de la présidente de l’union sociale pour l’habitat (USH), Emmanuelle Cosse, sur X : « Je découvre avec consternation que le ministère du Logement répand lui-même l’idée qu’il y aurait un "logement social à vie". Je l’invite à lire [le] Code de la construction et de l'habitation [qui] impose une enquête annuelle sur les revenus ».
Bilan triennal : 341 communes carencées
Présenté hier, le bilan triennal 2020-2022 de l’application de la loi SRU a révélé que les 1 022 communes qui n’ont pas atteint le seuil de 20 % ou 25 % de logements sociaux ont produit près de 186 000 logements sociaux, soit 67 % de l’objectif global de rattrapage (contre 116 % entre 2017 et 2019).
Parmi elles, ce sont 711 communes qui n'ont pas atteint leurs objectifs de production. Soit près de 70 %. Dans le détail, 73 communes ont rempli leurs objectifs quantitatifs mais pas qualitatifs, 357 ont rempli leurs objectifs qualitatifs mais pas quantitatifs et 281 n’ont respecté ni l’un ni l’autre.
A l’issue des échanges entre les élus locaux et les préfets, 341 communes ont été carencées, soit une hausse de 22 % par rapport à la période précédente, a détaillé le ministère.
Des chiffres à rapprocher de ceux publiés par la Fondation Abbé-Pierre, en décembre, et qu'elle avait jugés « très décevants ».
Reste que ces faibles taux sont, en partie, à relativiser car ils s’expliquent notamment par le fait que « les objectifs étaient significativement plus élevés que ceux des périodes triennales précédentes », indique le ministère qui rappelle que « les objectifs de la période 2020-2022 ont été maintenus à des niveaux importants, les communes devant résorber 50 % de leur déficit de logements sociaux sur trois ans, contre 33 % lors de la période 2017-2019 ».
Quant à l'AMF, elle fait remarquer ce matin, d'une part, « qu'il ne semble pas anormal que les objectifs soient plus difficiles à atteindre dans un contexte de baisse générale et historique de la construction du logement social. » Des responsables de l'association relèvent également que « cette situation est également due à l'impact des changements réglementaires en matière de protection des espaces et à l'anticipation de de la hausse des prix du foncier. Prendre en compte ces deux éléments sera essentiel à la réussite du prochain plan triennal ».
Parmi les régions les moins respectueuses de la loi SRU, on retrouve la Provence-Alpes-Côte-d'Azur avec 157 de ses 165 communes concernées en-deçà de leurs objectifs, et 95 sanctionnées par un arrêté de carence. L'Auvergne-Rhône-Alpes suit avec 94 de ses 126 communes sous les objectifs, et 55 carencées. Du côté de l'Île-de-France, 123 des 229 communes concernées n'ont pas atteint leurs objectifs.
Rappelons que dans plusieurs départements, notamment les Bouches-du-Rhône, le Rhône et le Val-de-Marne, plusieurs élus ont vivement et publiquement contesté ces décisions et les motifs pour lesquels ils sont réputés, par les préfets, ne pas avoir atteint les objectifs.
Consulter le bilan triennal 2020-2022.
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