Crise du logement : la construction de HLM pourrait chuter à 66 000 logements par an à partir de 2030
Par A.W.
Comment rénover son parc de logements les plus énergivores et maintenir sa production de logements neufs, tout en subissant l'inflation et la remontée des taux ? C’est l’équation à laquelle doit faire face le monde HLM et qui semble difficile à résoudre sans aides supplémentaires ou assouplissement des réglementations.
Dans une étude prospective qu’elle vient de publier, la Banque des territoires prévoit ainsi, à « politiques publiques constantes », une chute progressive de la construction de logements sociaux, déjà passée sous la barre des 100 000 logements par an depuis 2020, qui devrait atteindre son plus bas à partir de 2030.
Le poids de l’inflation et de la remontée des taux
Se projetant jusqu’en 2061, les auteurs de l’étude se fondent, pour parvenir à leurs résultats, sur l'hypothèse d'une inflation et d'un taux du Livret A de 2 % en moyenne à partir de 2027, ainsi que sur un « comportement des bailleurs inchangé » et sur l’« état actuel des politiques publiques adressées au secteur ».
La Banque des territoires rappelle, d’abord, que le contexte économique a « fortement évolué » depuis un an et que, de ce fait, le logement social se retrouve aujourd’hui confronté « à une conjonction de facteurs de risque et de contraintes financières ».
A court terme, elle pointe « le contexte inflationniste et la remontée des taux d’intérêt », mais aussi, à plus long terme, « une évolution plus structurelle de l’environnement économique » qui « pourraient influer sur [la] politique d’investissement » des bailleurs sociaux.
Plus précisément, « le choc inflationniste engagé en 2022 pèse à la fois sur l’investissement des bailleurs et sur leur exploitation » car, « en plus de la forte augmentation des coûts de construction et de rénovation, les organismes font face à un effet de ciseau, leurs recettes ne pouvant pas forcément progresser aussi rapidement que leurs dépenses ». En parallèle, « la hausse des taux d’intérêt, dont celui du livret A, augmente notamment la charge de la dette des bailleurs et dégrade leurs résultats comptables à court terme ».
Priorité à la rénovation thermique
« Avec ces perspectives financières nettement moins favorables, les organismes devront réduire leurs investissements, impliquant des arbitrages entre constructions neuves et réhabilitations, afin de conserver un niveau d’endettement soutenable », expliquent les auteurs de l’étude.
En clair, les bailleurs sociaux ne pourront pas financer à la fois les rénovations énergétiques des bâtiments et la construction de nouveaux logements. Des choix vont devoir s’opérer. Et ceux-ci se feront au détriment des constructions neuves, selon la Banque des territoires, étant donné que les bailleurs sociaux vont devoir s’adapter à l'interdiction progressive de louer les logements les plus énergivores. Ils devraient ainsi « donner la priorité à la rénovation » thermique de leur parc.
Les bailleurs sociaux vont ainsi « faire face à d’importants investissements de rénovations thermiques du parc social pour répondre aux enjeux » de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), avec « un rythme atteignant jusqu’à 125 000 réhabilitations par an en 2026 et 2027 ». « Une fois cette phase d’accélération passée », le scénario de la Banque des territoires prévoit une trajectoire de réhabilitations qui reviendrait à « un rythme de 80 000 unités par an ».
Construction : une baisse de 25 000 unités par an
Cependant, si les bailleurs sociaux veulent être « en mesure de maintenir une trajectoire ambitieuse de réhabilitations jusqu’en 2030 », cela suppose « un renoncement en termes de construction de logements sociaux familiaux » avec un « ajustement à la baisse », soulignent les auteurs de l’étude qui notent, déjà que « le secteur n’est plus en capacité financière de soutenir [un] plan d’investissement prévoya[nt] 100 000 constructions de nouveaux logements par an sur le long terme ».
Un repli de la production de logements sociaux semble donc inéluctable. « A court terme, le secteur pourrait être en mesure de mettre en chantier entre 70 000 et 80 000 nouveaux logements chaque année [jusqu'en] 2028 », selon eux, mais, à partir de 2030, celui-ci disposerait « de moindres capacités financières pour investir » et « la production de logements sociaux s’établirait alors à hauteur de 66 000 constructions neuves par an en moyenne ». La construction de HLM devrait donc continuer de ralentir pour se stabiliser dans la prochaine décennie.
Résultat, « les hypothèses de constructions de long terme seraient ainsi revues à la baisse d’environ 25 000 unités par an, révision nécessaire pour garantir une situation financière du secteur soutenable sur le long terme ».
7,3 millions de logements sociaux en 2061
Le problème est que le nombre de ménages en attente d'un logement social n'a jamais été aussi élevé, avec plus de 2,4 millions d’entre eux qui étaient dans l’expectative fin 2022 selon l'Union sociale pour l'habitat (USH). Soit 162 000 de plus qu'en 2021 alors que le parc social comprenait au même moment « 5,6 millions de logements », gérés essentiellement par des OPH et des ESH.
Parmi ces foyers, les deux tiers (1,63 million) n’étaient déjà pas logés dans le parc social et les près de 800 000 autres attendaient donc un logement plus adapté à leurs besoins.
Sur ce point et compte tenu de ses prévisions, la Banque des territoires estime que la taille du parc social va continuer de progresser pour « atteindre 7,3 millions de logements en 2061 en France hexagonale ». Ce qui représenterait « une hausse de 33 % par rapport au patrimoine actuel ».
Au-delà du monde HLM, la crise du logement inquiète également le secteur du bâtiment qui prévoit une entrée en récession dès 2023, face à la chute du neuf. « Si rien n'est fait, l'activité du bâtiment reculera d'environ 8 % » à l'horizon 2025. Ce qui pourrait entraîner des défaillances à la chaîne avec « près de 150 000 destructions de postes » , alertait ainsi, il y a quelques jours, la Fédération française du bâtiment.
« Compte tenu de l’aggravation de la situation », cette dernière vient d’ailleurs de créer, cette semaine, une Alliance pour le logement avec d’autres acteurs importants du secteur, tels que l’Union sociale pour l’habitat (USH), la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis), l’Union nationale des notaires employeurs (Unne) ou encore l’Union des architectes (Unsfa). Son objectif : « Défendre la politique du logement ».
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