Logement social : plusieurs communes carencées privées de leur compétence en matière de permis de construire
Par A.W.
En pleine crise du logement, l’État a décidé de s’attaquer de manière « inédite » aux communes qui ne remplissent pas leurs quotas de logements sociaux. Depuis le 1er janvier, quatre communes de la Métropole de Lyon et trois du Nouveau Rhône ont ainsi été dépossédées de leur compétence urbanisme, l’État ayant repris l'instruction des permis de construire de logements collectifs.
« L’État se rend compte de la catastrophe car il manque beaucoup de logements sociaux par rapport à ce qui était prévu », a expliqué la présidente de l’USH Emmanuelle Cosse, hier sur Franceinfo, assurant que le dernier bilan de construction de logements sociaux est « très mauvais ». Celle-ci pointait d'ailleurs récemment la responsabilité de l'État et déplorait « le désinvestissement de la puissance publique » face à une crise « massive ».
Décision « unilatérale » et « injuste », selon certains maires
La décision de la préfète du Rhône Fabienne Buccio reste une « mesure exceptionnelle » qui s’explique par « des résultats particulièrement insuffisants », a fait savoir la préfecture. « Alors que 100 000 demandes de logement social ont été déposées sur l’ensemble du département l’an dernier, moins d’une demande sur dix aboutit sur le territoire de la Métropole de Lyon, où la tension est plus forte encore d’année en année », a justifié Fabienne Buccio, qui avait déjà annoncé durant l’automne qu’une telle mesure allait être mise en œuvre.
Une réaction « unilatérale », « incompréhensible » et « injuste », a estimé, dans un communiqué, Marylène Millet, maire de Saint-Genis-Laval, qui estime que sa ville – visée par cette mesure – « n’a pas d’autres choix que d’attaquer la décision de la préfecture » devant le tribunal administratif.
La commune met ainsi en avant un taux de logements sociaux (de 19 %) « non négligeable malgré un contexte urbanistique très contraint » et les « efforts manifestes » de la ville pour « rattraper sa production de logements sociaux en carence, depuis de nombreuses années ». Une décision qui ferait, selon elle, « fi des courriers d’alerte et de demande d’aide adressés par la ville à la préfecture […] qui n’ont jamais reçu de réponse ».
N'ayant refusé « aucun permis de construire depuis 2020 grâce à son accompagnement des promoteurs et des bailleurs », la municipalité se demande « clairement comment aujourd'hui la préfecture pourrait faire mieux ».
Objectif triennal « inférieur à 33 % »
Si l’État cible les communes carencées en logement social afin de faire respecter la loi SRU – qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants de disposer de 20 à 25 % de logements sociaux d’ici 2025 – , il ne reprend le traitement des permis de construire qu’aux maires rhodaniens dont les communes présentent un taux de réalisation de leur objectif triennal « inférieur à 33 % » entre 2020 et 2022.
Dans les différents arrêtés préfectoraux de prononciation de carence qui viennent d’être publiés, on peut lire que « les demandes d’autorisation d’urbanisme pour des constructions créatrices de logements, déposées à compter du 1er janvier 2024, qui seront instruites par la préfète du Rhône sont les […] permis de construire pour des projets de deux logements et plus, à l’exception des permis de construire valant division parcellaire ne comprenant que des maisons individuelles » ainsi que les « certificats d’urbanisme opérationnel, sur l’ensemble du territoire de la commune ».
Les demandes d'autorisation devront ainsi être transmises par la commune à la Direction départementale des territoires du Rhône.
Majoration de l’amende jusqu’à 312 %
Au total, ce sont 21 communes déficitaires en logements sociaux qui font l’objet d’une carence dans le département et seront sanctionnées. Pour celles-ci (qui englobent les sept communes privées de la délivrance des permis de construire pour les logements sociaux), on peut lire dans les arrêtés de carence que, pendant trois ans, « le droit de préemption urbain est transféré à l'Etat » et que leurs amendes pour non-respect de la loi SRU seront majorées.
Une majoration qui ira de 59 % jusqu’à 312 % pour la commune de Mions, dont le maire Claude Cohen dit avoir vécu cette décision comme une « claque » . « Cela va priver la ville et les habitants d’une certaine somme », a-t-il expliqué, assurant avoir pourtant « fait le maximum pour construire pendant trois ans ».
L'AMF demande « une adaptation de la loi » au vu des contraintes nouvelles
La question qui se pose désormais est de savoir si cette décision, prise par la préfète du Rhône, sera isolée ou si des communes d’autres départements vont connaître le même sort.
Selon Thierry Repentin, maire de Chambéry et ancien président de la Commission nationale SRU (qui observe ces situations communes par communes), la réponse ne fait pas de doute : « Il y en aura forcément d’autres, ce serait incompréhensible qu’il n’y en ait pas », a-t-il assuré au micro de Franceinfo hier soir. Et de rappeler qu'à l’échelle nationale, « ce sont 327 communes qui faisaient l’objet, fin 2023, d’une procédure de carencement par les différents préfets », la Commission nationale SRU ayant même « demandé que plus de 90 communes supplémentaires soient rattrapées par la patrouille ».
Du côté de l'AMF, on estime ce matin que cette décision de la préfecture du Rhône est « un mauvais signal, au moment où le gouvernement veut engager la décentralisation de la politique du logement, puisqu'elle va dans le sens d'une recentralisation ». L'association rappelle qu'elle « ne remet pas en question la légitimité de la loi SRU, mais demande son adaptation », au vu des contraintes nouvelles apparues depuis, en particulier la raréfaction et le renchérissement du foncier, dus, entre autres, à la multiplication des périmètres de protection et au ZAN. L'AMF constate que « la politique en matière de logement social est un échec de ces deux quinquennats dont il serait injuste de faire porter la responsabilité aux maires » . Elle proposera « un accompagnement cas par cas aux communes concernées, et suivra les modalités de substitution des services de l'État ».
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