Littoral méditerranéen : les politiques d'aménagement aux risques tardent à se mettre en place, selon la Cour des comptes
Par Lucile Bonnin
La Cour des comptes a publié un rapport sur l’aménagement du littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations. Ce dernier est issu d’une enquête menée par les trois chambres régionales des comptes de Corse, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie.
La façade méditerranéenne est la plus densément peuplée du territoire français et compte 3,3 millions d'habitants sur un littoral long de 1 700 km. Elle compte un quart des communes littorales de métropole et ces dernières « concentrent un peu plus de 50 % de la population littorale métropolitaine pour une densité moyenne de 367 habitants/km² ». Selon l’Insee, la population des départements littoraux devrait croître de 13 % en moyenne entre 2013 et 2050 sur le pourtour méditerranéen. Cependant, comme le soulignent les auteurs du rapport, le littoral méditerranéen se trouve en situation de surexposition aux risques liés à la mer et aux inondations.
Une surexposition croissante aux risques
Précipitations violentes et abondantes « qui saturent les cours d’eau et les systèmes d’assainissement des eaux pluviales » ; « crues lentes par débordement des cours d’eau ou des étangs » ; « submersion marine lors de conditions météorologiques extrêmes » ; coulées de boue ; glissements de terrain ; risque de tsunami : la Cour rappelle que ces territoires sont soumis à de nombreux aléas. L’état de catastrophe naturelle au titre des risques inondations et submersions marines est d’ailleurs « régulièrement reconnu sur le littoral ».
Cette sinistralité importante « s’aggrave dans le temps » . Le changement climatique augmente significativement les températures en Méditerranée et les « tempêtes modérées ou exceptionnelles » sont de plus en plus fréquentes. « Il a également pour conséquence une élévation du niveau marin qui amplifie la vulnérabilité physique du littoral méditerranéen et accentue la mobilité du trait de côte, peut-on lire dans le rapport. L’aménagement du littoral doit tenir compte de ces phénomènes et les anticiper. »
Face à cette situation, les réponses ne se sont pas adaptées, selon la Cour des comptes. « Le sentiment d’exposition à la menace des habitants du littoral, comme parfois celui des élus, reste insuffisant. De même, l’évaluation du coût de l’impact de ces périls sur les bâtiments, réseaux, infrastructures, populations et de ses répercussions économiques demeure imprécise. »
Les magistrats regrettent notamment que les collectivités poursuivent constructions et artificialisation des sols alors qu’à l’horizon 2100, plus de 55 300 logements seraient menacés par le recul du trait de côte, selon le Cerema. « Les politiques mises en œuvre jusqu’à présent ont eu pour conséquence de fragiliser les lagunes et les espaces proches des rivages par une artificialisation accrue des sols ».
Des stratégies « pas à la hauteur »
La Cour estime d’abord que la stratégie de l’État est « cloisonnée et encore inachevée » . Concrètement, si l’État a effectivement mis en place des plans de prévention des risques d’inondation et des plans de prévention des risques littoraux, « ceux-ci ne recouvrent cependant pas l’intégralité du littoral méditerranéen » . La Cour des comptes indique aussi que « les risques de submersion et d’érosion côtière pourraient être davantage pris en compte » et regrette que les prescriptions de ces dispositifs soient « ponctuellement remises en cause afin de permettre la réalisation d’opérations d’aménagement locales, au mépris du risque identifié ».
Du côté des collectivités locales, il apparaît que « les régions et la collectivité de Corse, en qualité de chefs de file en matière d’aménagement et développement durable du territoire, intègrent encore très peu la question des risques littoraux dans leurs documents de planification » . Par ailleurs la Cour estime que « si d’autres documents programmatiques ont pu être élaborés en marge de ceux prévus par les textes, leur portée et leur efficacité restent limitées. »
Alors que le bloc communal est en première ligne pour aménager l’espace littoral, les magistrats estiment que « les politiques mises en œuvre jusqu’ici s’avèrent largement en-deçà des enjeux » . De nombreux SCoT par exemple sont dépassés et sont en général « peu porteurs de solutions spécifiques pour le littoral. »
Surtout, « l’éclatement des compétences conférées aux acteurs publics empêche de parvenir encore à une approche globale et intégrée des risques ». « Même volontaires et engagées pour adapter leur littoral face aux risques et à l’effet aggravant du changement climatique, les collectivités territoriales et leurs groupements se heurtent à des difficultés liées à l’architecture et à l’articulation de leurs compétences : incomplétude de la compétence Gemapi dévolue à l’intercommunalité, qui s’ajoute à une dissociation territoriale fréquente de cette compétence et de celle de l’aménagement de l’espace. »
Une politique d’aménagement « à revoir »
À travers ce rapport, c’est une véritable alerte que lancent les juridictions financières à l’État et à l’ensemble des acteurs publics afin « d’adapter les politiques d’aménagement aux risques et menaces liés à la mer et aux inondations » et ce très rapidement.
La Cour a formulé plusieurs recommandations. Elle propose notamment de « compléter la connaissance cartographique de la vulnérabilité physique d’un territoire par une dimension financière projetant les coûts de destruction, d’interruption, de retour à la normale des activités et de reconstruction » . D’autres recommandations qui concernent les communes ont été formulées comme supprimer la possibilité pour les communes-membres des EPCI des zones littorales préalablement identifiées comme menacées de s’opposer au transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de plan local d’urbanisme ou encore « rendre obligatoire l’élaboration d’une stratégie locale de gestion intégrée du trait de côte dans les zones littorales les plus menacées » et « généraliser les projets partenariaux d’aménagement associant les communes littorales et leur arrière-pays ».
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