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Édition du lundi 27 janvier 2025
Immigration

Ce que contient la circulaire Retailleau sur la régularisation des étrangers en situation irrégulière

La circulaire de Bruno Retailleau sur « l'admission exceptionnelle au séjour » des étrangers en situation irrégulière a été officiellement publiée vendredi en fin de journée. Elle abroge la « circulaire Valls » et durcit les critères que celle-ci imposait. 

Par Franck Lemarc

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© Capt. écran France2

En novembre 2012, le ministre de l’Intérieur d’alors, Manuel Valls, publiait une circulaire aux préfets qui fixait les nouvelles règles en matière de régularisation des étrangers en situation irrégulière. Déjà à l’époque, le ministre de l’Intérieur définissait « la lutte contre l’immigration irrégulière »  comme « une priorité du gouvernement », tout en cherchant à prendre en compte de façon « juste » « certaines réalités humaines ». 

Treize ans et une nouvelle loi immigration plus tard, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau abroge cette circulaire et donne de nouvelles instructions aux préfets en matière d’AES (autorisations exceptionnelles de séjour). 

« Caractère exceptionnel » 

Ces deux circulaires, comme tous les documents de ce type, n’ont pas valeur de loi et ne créent en aucun cas un droit opposable à la régularisation. Il s’agit d’instructions données aux préfets, sur la base de l’arsenal législatif existant, mais permettant, autant que faire se peut, d’éviter les interprétations locales. 

Les deux textes livrent une série de motifs au nom desquels il peut être possible de régulariser un étranger en situation irrégulière. Si la circulaire Valls mettait l’accent à la fois sur les motifs familiaux (regroupement familial), étudiants et professionnels, la circulaire Retailleau resserre les critères – d’ailleurs, le volume de chacun de ces textes en dit long, 12 pages pour la circulaire Valls et 3 pour celle de Bruno Retailleau. 

L’actuel ministre de l’Intérieur insiste dès le début de son texte sur le caractère « exceptionnel »  de ces admissions, qui dérogent « aux logiques classiques d’admission au séjour ». Mais la loi votée l’année dernière, qui permet notamment de délivrer des titres pour les personnes exerçant des métiers en tension, a changé les règles. 

La nouvelle doctrine, écrit le ministre, doit s’appuyer sur trois principes : les admissions de ce type doivent rester « exceptionnelles »  ; le niveau d’exigence en termes d’intégration doit être « renforcé »  ; l’AES « ne peut intervenir qu’en l’absence de menace à l’ordre public ». Par ailleurs, lorsqu’une demande est refusée, les préfets sont priés d’édicter immédiatement une OQTF (obligation de quitter le territoire français). 

Privilégier les métiers en tension

Le ministre demande aux préfets de limiter les autorisations exceptionnelles, autant que possible, aux motifs professionnels. Il existe désormais deux voies pour délivrer un titre exceptionnel. D’une part, l’article L435-1 du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), qui permet à un étranger « dont l’admission au séjour répond à de considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels qu’il fait valoir »  d’obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », « travailleur temporaire »  ou « vie privée et familiale ». D’autre part, le nouvel article L435-4 du même Code, créé par la loi immigration de janvier 2024, qui permet de régulariser, pour un an, un étranger en situation irrégulière ayant travaillé au moins 12 mois au cours des deux dernières années dans un métier ou une zone géographique en tension (c’est-à-dire « caractérisé par des difficultés de recrutement » ). 

Entre ces deux procédures, le ministre appelle les préfets à privilégier autant que possible la nouvelle. Rappelons que cet article du Ceseda ne permet pas de délivrer automatiquement un titre de séjour temporaire : la personne doit également convaincre le préfet de « son insertion sociale et familiale, son respect de l'ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu'aux principes de la République ». Bruno Retailleau demande aux préfets une attention particulière sur ces points prévus par la loi. 

Sept ans au lieu de cinq

La nouvelle circulaire durcit les conditions sur d’autres points. Il est désormais exigé « une durée de présence d’au moins sept ans »  sur le territoire français pour juger de l’intégration de la personne, quand la circulaire Valls évoquait cinq ans. Cette disposition, soit dit en passant, inquiète déjà un certain nombre d’employeurs, notamment dans l’hôtellerie-restauration, dont un bon nombre de salariés n’ont pas les sept ans « d’ancienneté »  sur le territoire qui leur permettrait d’obtenir le sésame. 

Il est aussi demandé désormais aux candidats une maîtrise de la langue française bien plus importante qu’auparavant : là où la circulaire Valls demandait « une maîtrise orale au moins élémentaire », celle de Bruno Retailleau privilégie « la justification d'un diplôme français ou bien d'une certification linguistique, délivrée par un organisme dûment agréé ». 

Enfin, la circulaire Retailleau enjoint les préfets à refuser toute régularisation à un étranger déjà frappé par une OQTF, à moins que la personne puisse justifier « d’éléments de fait ou de droit nouveaux ». Des éléments ne doivent être considérés comme « nouveaux »  que s’ils sont postérieurs « à la décision de refus »  qui a précédé la notification de l’OQTF. 

Pour l’application de cette circulaire, il reste néanmoins un point important qui n’a, à ce jour, pas été réglé : quels sont les métiers et les zones géographiques considérés comme « en tension » ? La loi de l’an dernier prévoit que « la liste de ces métiers et zones géographiques est établie et actualisée au moins une fois par an par l'autorité administrative après consultation des organisations syndicales représentatives d'employeurs et de salariés ». Sauf que, avant même d’être actualisée, cette liste n’a jamais été publiée. 

La ministre chargée du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, s’est toutefois engagée à la publier d’ici la fin du mois de février. 

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