Les repas, principale cause des contaminations au covid-19
Il y a en réalité deux études en une : la première permet de mieux cerner les circonstances des contaminations, pendant la période du couvre-feu (17 au 30 octobre). La seconde compare un certain nombre de situations (profession, nombre d’enfants, moyens de transport utilisés, etc.) et l’augmentation ou la diminution du risque de contamination qu’elles impliquent. L’étude est purement statistique : elle donne des chiffres bruts, sans analyser « les déterminants » de ces chiffres.
Méthode
L’Institut Pasteur appelle lui-même à « la prudence » à l’égard des résultats, notamment parce qu’il s’agit de réponses à des questionnaires (laissant donc place à une certaine subjectivité), et que l’étude ne porte que sur les réponses des personnes ayant accepté de répondre. « Cette population ne peut être considérée comme représentative de la population des personnes infectées ». Néanmoins, l’Institut souligne à plusieurs reprises que les données collectées sont « cohérentes » avec la littérature scientifique internationale depuis le début des travaux sur l’épidémie.
370 000 demandes de participation à l’étude ont été envoyées à des personnes repérée par la Cnam comme ayant été atteintes du covid-19. Environ 30 000 questionnaires ont été retournés, qui ont servi de base à l’étude.
Sources de contamination
44 % des personnes disent connaître la personne source qui les a infectées. Parmi elles, l’infection vient dans un tiers du foyer – dans ce cas, l’infection provient dans les deux tiers des cas du conjoint et dans 25 % des cas d’un enfant.
Pour les 65 % que représentent les infections contractées hors foyer, les sources sont principalement le cercle familial (33 %), professionnel (37 %) ou amical (22 %). L’étude permet d’affiner ces données : dans le cadre familial, ce sont bien les repas qui constituent la première source de contamination (45 %), suivis des « événements festifs » (presque 12 %). Ce qui fait dire au professeur Arnaud Fontanet, qui a dirigé ces travaux, que « les repas jouent un rôle central dans les contaminations », et qu’il sera donc « très important de minimiser ce risque à l’occasion des rassemblements qui accompagneront les fêtes de fin d’année. »
En milieu professionnel, les bureaux partagés et les lieux de restauration sont la principale source de contamination.
Dans le milieu « amical » enfin, ce sont encore les repas qui sont pointés du doigt, puisqu’ils sont à la source de 53 % des contaminations.
L’étude montre également le très faible risque de contamination en extérieur : dans le cas des contaminations hors-foyer par exemple, celles-ci ont eu lieu en milieu clos dans 89 % des cas, pour la sphère privée, et même 96 % des cas, dans la sphère professionnelle.
Facteurs associés
La deuxième étude (qui couvre la période du couvre-feu et du confinement) est plus complexe à analyser. Les auteurs de l’étude ont pu identifier des facteurs de « sur-risques » et de « sous-risques », pour plusieurs critères : géographiques, professionnels, familiaux, etc., en comparant le pourcentage de personnes contaminées dans une catégorie au pourcentage que cette catégorie représente dans les panels de population générale d’Ipsos. Si le premier est supérieur au second, il y a sur-risque : par exemple, les « 69 ans et plus » représentent 11,4 % de la population, mais 3,8 % des contaminés. Ils sont donc en sous-risque de contamination (ce qui n’a rien à voir avec le degré de la gravité de la maladie une fois contractée).
Sans entrer dans les détails complexes des calculs mathématiques utilisés, ces sont les résultats qui sont intéressants. Certains sont sans surprise ou déjà identifiés : le risque de contamination est plus important dans les agglomérations denses que dans les communes rurales, ainsi que chez les personnes en surpoids. Les foyers et Ehpad sont des lieux de contamination bien plus importants que les logements individuels.
D’un point de vue professionnel, l’étude permet d’identifier les professions les plus exposées : il s’agit des professions de la santé, des ouvriers d’industrie et de la logistique, des cadres administratifs du secteur privé, et surtout des chauffeurs. À l’inverse, les professions où un « sous-risque » est avéré sont les enseignants et instituteurs, les employés de la fonction publique, les étudiants et les agriculteurs. Si pour certains, les explications sautent aux yeux (les agriculteurs sont souvent plus isolés et travaillent souvent seuls), dans d’autres cas, il restera à « en comprendre les déterminants », souligne l’institut Pasteur – par exemple pour les chauffeurs. « Le risque moindre associé aux métiers de l’enseignement suggère que les enseignants et instituteurs arrivent à se protéger efficacement contre les risques d’infection dans leur environnement professionnel. »
Sans surprise encore, les personnes qui télétravaillent sont bien moins exposées que celles qui travaillent en présentiel.
Parmi les données peut-être intuitives, mais désormais statistiquement établies, l’étude révèle que le co-voiturage est clairement un facteur de sur-risque de contamination, tout comme la fréquentation des bars, restaurants et salles de sport. En revanche, la fréquentation des commerces ne fait apparaître aucun sur-risque, au contraire.
Le sur-risque augmente aussi mécaniquement en fonction du nombre de personnes par foyer, il augmente lorsque les personnes ont un enfant à la crèche, chez une assistante maternelle, ou scolarisé, quel que soit le niveau – sauf à l’université, ce qui est logique dans la mesure où les universités sont fermées, à la différence des écoles.
Il est à noter que dès la publication de cette étude, elle a été violemment remise en cause par les professionnels de l’hôtellerie restauration, les quatre principales organisations professionnelles du secteur jugeant, dans un communiqué, cette étude « sans fondement » et télécommandée par le gouvernement pour « justifier la fermeture des restaurants et des bars ». Une accusation que rien, cependant, dans les faits, ne permet à ce jour de corroborer.
Franck Lemarc
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