Les ouvriers du bâtiment peuvent déjeuner dans des salles municipales ou des restaurants ouverts de façon dérogatoire
C’est un débat qui a émergé début décembre dernier, en Vendée. La responsable de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) locale adressait une lettre ouverte au préfet et aux élus du département pour dénoncer le fait que les ouvriers des chantiers étaient obligés de manger dehors, dans le froid, puisque les restaurants sont fermés. Alors que les maires se montraient prêts à mettre des salles communales à disposition, le préfet avait refusé cette solution, qui n’entrait dans aucun cadre fixé par la réglementation. Dans son courrier au ton très direct, la dirigeante de la Capeb concluait : « Il faut que le BTP travaille, ok. Mais pas dans n’importe quelles conditions. Même nos chiens sont mieux considérés. »
Le problème ne concerne pas forcément les très gros chantiers, qui ont en général des bases de vie en Algeco, mais les plus petits, où ces dernières n’existent pas. Et où, en effet, les ouvriers sont amenés à déjeuner tous les jours au mieux dans leur camion, au pire, sur un banc, quand il y en a.
Les communes autorisées à prêter des salles
Tous les préfets n’avaient cependant pas eu la même attitude, puisqu’au même moment, en Bretagne, certaines communes avaient pu ouvrir des salles municipales pour accueillir les ouvriers du BTP à midi. Mi-décembre, le gouvernement a décidé d’intervenir pour autoriser officiellement cette pratique : dans un communiqué commun, Jacqueline Gourault (Collectivités locales) et Alain Griset (PME) annonçaient la généralisation du dispositif : « Pour les communes qui ont des salles disponibles et qui répondent aux recommandations sanitaires, le chef d’entreprise pourra envoyer au maire – ou au secrétariat de mairie – un courriel indiquant qu’il sollicite la mise à disposition de la salle pour une période définie et qu’il s’engage à respecter des clauses comme la responsabilité de l’employeur ou le respect du protocole sanitaire. Le maire – ou la personne ayant sa délégation – répondra alors en donnant son accord par courriel, en ajoutant éventuellement des conditions supplémentaires propres à l’équipement. La mise à disposition par les collectivités locales doit être réalisée à titre gracieux. »
Cela représentait déjà une avancée, mais pas forcément suffisante, car elle ne résout pas la question du repas lui-même. Beaucoup de travailleurs du bâtiment vivent, le temps d’un chantier, à l’hôtel, et n’ont pas forcément la possibilité de se préparer un repas à emporter pour le midi, sans compter que les salles municipales ne permettent pas forcément de chauffer des plats. Résultat : le repas se réduit fréquemment à un sandwich.
« Restauration collective temporaire »
C’est pour y faire face qu’une deuxième évolution a été décidée, du moins dans certains départements : la Capeb du Maine-et-Loire par exemple, a annoncé le 15 janvier qu’un accord avait été trouvé avec le préfet pour permettre aux restaurants d’ouvrir le midi pour accueillir les ouvriers du BTP (rappelons qu’un dispositif dérogatoire existe déjà pour les chauffeurs routiers, qui peuvent manger dans les restaurants routiers, dispositif qui, lui, est cadré par décret). Il suffit aux chefs d’entreprises de signer une convention de gré à gré avec un restaurateur, et de la transmettre à la Chambre de commerce et d’industrie. Les salariés doivent être munis d’une carte professionnelle en cas de contrôle, et le restaurateur devra, lui, respecter un certain nombre de règles spécifiques, dans la mesure où cette convention le fait temporairement passer dans la catégorie « restauration collective ».
De tels accords ont été conclus dans plusieurs départements (Vendée, Creuse, Haute-Vienne, Loiret…). S’ils représentent une réelle avancée pour les salariés du BTP, ils n’enthousiasment pas toujours, en revanche, les fédérations de restaurateurs, qui estiment l’opération peu rentable – les charges de la réouverture, électricité, chauffage, pouvant être supérieures aux recettes puisqu’il s’agit souvent de servir moins d’une dizaine de couverts.
Une troisième solution consiste en un « mix » des deux premières : des restaurants qui font de la vente à emporter peuvent livrer des repas chauds servis dans les salles communales.
Inquiétudes sur les aides : le gouvernement rassure
Le sujet a été abordé hier, à l’Assemblée nationale, pendant la séance de questions au gouvernement. En effet, comme l’a soulevé Richard Ramos (MoDem, Loiret), alors que tout le monde se mobilise pour trouver des solutions, la Direction générale des entreprises (DGE) a jeté un pavé dans la mare en signalant aux restaurateurs concernés « qu’ils ne toucheraient plus d’aides ». Ce qui, évidemment, vu les faibles recettes générées par ces repas servis aux ouvriers du bâtiment, risque de saboter le dispositif.
La ministre chargée de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, s’est montrée rassurante. Elle a signalé qu’environ un millier d’établissements sont entrés dans le dispositif et ouvrent de façon de dérogatoire afin « d’offrir un repas digne » aux travailleurs concernés. « Les restaurateurs ne seront jamais pénalisés pour le travail qu’ils effectuent en temps de crise », a assuré la ministre : « L’État continuera d’accompagner les restaurants ouverts sous ce régime particulier, car même en accueillant des ouvriers du BTP, ces derniers ne réalisent qu’un nombre réduit de couverts par jour, bien en deçà de leur activité normale. Le gouvernement veillera donc à ce qu’ils bénéficient des mêmes aides que les autres restaurants encore fermés, à savoir la prise en charge à 100 % de l’activité partielle, les exonérations de charges sociales et l’accès au fonds de solidarité. »
Dont acte. Le dispositif étant soutenu par le gouvernement, il pourrait donc s’étendre à d’autres départements d’ici la fin de l’hiver, sur décision du préfet, et toujours sous forme de conventions de gré à gré permettant aux restaurants de se transformer temporairement en lieu de restauration collective.
Franck Lemarc
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