Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 19 septembre 2019
Finances locales

Les députés songent à un contrôle renforcé sur 40 milliards d'euros de dotations aux collectivités

Les députés de la commission des finances de l’Assemblée nationale souhaitent renforcer le contrôle et le pilotage parlementaires sur les 40,6 milliards d’euros de dotations issues des prélèvements sur recettes (PSR) de l’État au profit des collectivités. Ils proposent, dans un rapport relatif à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), d’engager « une réflexion sur l’opportunité de la transformation [de ces] PSR en dépenses budgétaires », comme c’est le cas actuellement pour la Dsil ou la DETR.
Une potentielle évolution qui ne plairait guère aux élus locaux, selon le maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF, Philippe Laurent, qui explique que « les dotations directes protègent moins que les prélèvements sur recettes ».

DGF, FCTVA, DCRTP… concernés
D’autant que la question autour de ces PSR à destination des collectivités n’est pas anodine puisque ceux-ci représentent « 84 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales », comme le rappelle le rapport d’information. Ceux-ci sont composés principalement de la dotation globale de fonctionnement (près de 27 milliards d’euros en 2019), mais aussi du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (5,6 milliards d’euros), de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale (2,3 milliards) ou encore de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (près de 3 milliards).
Créés en 1969 dans le but de compenser le produit de la suppression des impôts locaux, les prélèvements sur les recettes de l’État représentent des dispositifs budgétaires bien particuliers considérés comme des « rétrocessions directes »  aux collectivités. Il ne s’agit ainsi pas de dépenses mais d’une « moindre recette »  de l’État, restant en dehors du champ du budget de l’État qui n’en établit donc pas l’utilisation.

Le ratio d’autonomie financière des collectivités « pas affecté » 
Si les membres de la mission parlementaire (à l’origine de ce rapport qui s’inscrit dans un objectif de transparence budgétaire et de meilleur contrôle des crédits) s’attaquent à ces PSR, c’est qu’ils en ont relevé plusieurs défauts. D’abord, « la ligne de démarcation »  tracée entre ces derniers et les dotations budgétaires destinés aux collectivités (DETR, Dsil, etc.) ne serait pas assez claire. Ensuite, « les PSR ne font pas l’objet d’une justification au premier euro et ne sont pas accompagnés d’objectifs et d’indicateurs de performance », jugent-ils, rendant « l’évaluation et le contrôle budgétaire sur les PSR plus limités que sur les dotations budgétaires ». D’où leur volonté de « clarifier la définition des PSR »  et de « mettre en place des indicateurs pertinents relatifs à l’efficacité de la politique publique menée ».
Pour ces raisons, ils estiment qu’une réflexion – qui n’est « pas une préconisation », précise le député du Val-de-Marne Laurent Saint-Martin, à l’origine du rapport - doit être engagée afin de supprimer ces PSR dans le but de transformer les dotations qui les constituent en dépenses budgétaires. Se fondant sur une décision du Conseil d’État du 21 décembre 2000 considérant que « les concours apportés par l’État aux collectivités territoriales [...] ne sont pas différents des autres dotations », ils affirment que cette évolution permettrait de « renforcer le pilotage et le contrôle budgétaires »  et n’affecterait pas « le ratio d’autonomie financière des collectivités ». 

« Opération de recentralisation » 
Comme le rappelle Philippe Laurent, « la DGF est une dotation libre d’emploi, les collectivités l’utilisent comme elles l’entendent, pour les politiques publiques qu’elles souhaitent. C’est une garantie d’autonomie », ce que ne permettent pas les dotations directes dont l’utilisation est déterminée par avance. « Nous n’y sommes pas favorables »  car c’est une « opération de recentralisation, l’objectif des parlementaires à l’origine de cette proposition est de mettre la main sur le fléchage »  de ces dotations issues des PSR.
Reste que, afin d’apporter des « garanties aux élus locaux », le rapport envisage que ces dépenses pourraient, en « contrepartie », toujours être exclues « de toute mesure de régulation budgétaire ».
Cette proposition n’a pas convaincu, la semaine passée, le député du Gers Jean-René Cazeneuve (LaREM), lors de la réunion de la commission des finances. Celui-ci la juge « complexe »  et elle « priverait en outre les parlementaires de la possibilité de proposer toute modification de la DGF ou du FCTVA en raison de l’article 40 »  de la Constitution, qui limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière en permettant le rejet d’un amendement s’il conduit à diminuer les ressources publiques, à créer ou augmenter une charge publique. 
« Les prélèvements sur recettes sont, comme vous l’avez fait remarquer, un détournement de l’article 40 de la Constitution, a répondu le rapporteur, Laurent Saint-Martin. Nous pouvons nous en féliciter en tant que parlementaires, mais nous pouvons également considérer de manière objective que cela soulève un problème. Si l’article 40 existe, ce n’est probablement pas en vue d’ouvrir, par le biais des prélèvements sur recettes, une possibilité d’augmenter des dépenses par amendement ». 
Toutefois, si le débat doit bien « avoir lieu », Laurent Saint-Martin a rappelé que la majorité souhaitait « d’abord réformer la fiscalité locale ».


A.W.

Consulter le rapport.

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