Le Sénat propose une profonde réforme du régime des catastrophes naturelles
Le Sénat a adopté le 15 janvier une proposition de loi visant à « réformer le régime des catastrophes naturelles », élaborée par la sénatrice socialiste de la Charente, Nicole Bonnefoy. Ce texte est la traduction législative du rapport de la même sénatrice, rendu en juillet dernier.
Dans ce rapport (lire Maire info du 16 juillet 2019), Nicole Bonnefoy avançait 55 propositions pour réformer le fonds Barnier, améliorer les relations entre assurés et assureurs, renforcer la prévention et aider les élus locaux, « en première ligne face aux catastrophes naturelles ».
La proposition de loi, déposée le 27 novembre, reprend ces différents points. Il y était notamment proposé de supprimer le plafonnement du fonds Barnier (137 millions d’euros depuis la loi de finances pour 2018), mais également de donner de nouvelles souplesses et de nouveaux soutiens aux maires confrontés à des catastrophes naturelles.
Le gouvernement peu enthousiaste
« Il faut rendre le fonds Barnier aux assurés dans sa totalité », a martelé, lors de la discussion en séance publique, Nicole Bonnefoy, dénonçant « les ponctions régulières » de l’État sur sa trésorerie, « véritable dévoiement de la contribution versée par les assurés ». Jean-François Husson, au nom de la commission des finances, a déploré le « véritable parcours du combattant » des assurés sinistrés, mais s’est opposé au déplafonnement du fonds Barnier, proposant de fixer un nouveau plafond à 200 millions d’euros.
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, qui représentait le gouvernement, s’est dit convaincue de la nécessité de réformer le fonds Barnier, de manière à pouvoir faire face à l’inévitable accroissement du nombre de catastrophes naturelles liées au changement climatique. Mais elle a, elle aussi, rejeté l’idée d’un déplafonnement de ce fonds, tout comme d’autres dispositions prévues dans le texte initial : l’allongement du délai de prescription pour la garantie catastrophe naturelle, l’introduction d’un principe de « réparation pérenne et durable », la création d’un nouveau crédit d’impôt.
Deuxième demande
Après discussion, les sénateurs ont finalement approuvé, contre l’avis du gouvernement, la suppression d’un certain nombre de « sous-plafonds » du fonds Barnier. D’autres mesures ont été adoptées malgré l’opposition de la secrétaire d’État : la création d’un crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques ; l’extension de deux à cinq ans du délai de prescription dont disposent les assurés pour réclamer une indemnisation.
Côté communes, plusieurs mesures notables ont été adoptées : la possibilité, pour un maire, de faire « une deuxième demande dans un délai de six mois » si sa demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle a été refusée par l’État, s’il est en mesure de produire des données techniques complémentaires. Par ailleurs, le délai pendant lequel une demande de reconnaissance peut être formulée après une catastrophe naturelle a été repoussé de 12 à 24 mois : Nicole Bonnefoy a convaincu ses collègues du fait que « les conséquences de certains événements climatiques ne sont pas décelables immédiatement après la survenance de celui-ci ».
A aussi été adopté le principe de la création d’une « cellule de soutien » aux élus locaux dans chaque département, visant à « conseiller et accompagner les maires dans leurs démarches de prévention et de gestion des catastrophes naturelles ». Cette cellule serait composée de représentants de l’État, de personnalités qualifiées et d’élus locaux.
Enfin, le texte vise à supprimer ce que beaucoup considèrent comme « une injustice » : la modulation de la franchise, pour les assurés, en fonction de l’existence ou non d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN). « Cette modulation est vécue comme une injustice par les assurés qui ne sont pas responsables de cette situation », a défendu Nicole Bonnefoy – rappelons que ce sont les préfets qui signent les PPRN et que les assurés n’y sont, en effet, pour rien.
Vu la position du gouvernement et de sa majorité, il est probable que ce texte, en l’état, a peu de chances de passer le cap de l’Assemblée nationale. Il a néanmoins le mérite d’avoir relancé la réflexion sur ce sujet. La secrétaire d’État s’est engagée à mener les « réflexions techniques nécessaires » afin « d’enrichir » le texte, pointant « quatre thématiques » sur lesquelles le gouvernement veut avancer : l’amélioration du système des franchises, l’amélioration de la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, le renforcement des outils de prévention et « l’amélioration de la couverture outre-mer » - elle a noté que « seuls 50 % des biens ultramarins sont couverts par une assurance dommages contre 98 % en métropole ».
F.L.
Accéder au texte adopté par le Sénat.
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