Répertoire électoral unique : un premier bilan largement positif
C’est l’heure du premier bilan pour le REU (répertoire électoral unique), un an après son entrée en vigueur et sept mois après les élections européennes, premier scrutin organisé avec ce nouvel outil. « Les objectifs visés par la réforme ont pu être atteints », se félicite le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, dans un courrier adressé au président de l’AMF, François Baroin, le 7 janvier, assorti d’un bilan d’une dizaine de pages (téléchargeable ci-dessous). Alain Espinasse, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale au ministère de l’Intérieur, a détaillé les grandes lignes de ce bilan devant le comité directeur de l'AMF, le 16 janvier.
Près d’un million de radiations
La réussite de cet immense chantier – il s’agissait de rebâtir entièrement une base de données de 48 millions d’électeurs dont les fondements dataient de 1947 – a mobilisé de nombreux acteurs aux premiers rangs desquels le ministère de l’Intérieur, l’Insee, l’AMF et le CNFPT. Et, naturellement, les communes elles-mêmes, qui ont dû se livrer à un important travail de mise à jour et de formation. Leur rôle est particulièrement salué par le ministère.
Première étape : l’initialisation du répertoire, en 2018, c’est-à-dire la centralisation de toutes les listes électorales communales et consulaires et leur fiabilisation – on se rappelle en effet que l’un des premiers objectifs de la réforme était de mettre fin aux doubles inscriptions. Les communes ont parfaitement joué le jeu puisque, à la date fixée du 6 avril 2018, 99,95 % des listes ont été fournies à l’Insee. À partir de là, l’Insee a pu identifier chaque électeur en croisant ces listes avec le Répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), et pointer les problèmes (inscriptions multiples, décès, privation de droit de vote…). Les communes ont ensuite eu trois mois, à l’automne 2018, pour valider les listes proposées par l’Insee. Les dernières opérations ont consisté, début 2019, à intégrer les mouvements survenus en 2018 et à traiter la question des listes consulaires. En effet, la loi du 1er août 2016 interdit d’être inscrit à la fois sur une liste communale et une liste consulaire. Il a donc été demandé aux électeurs français établis à l'étranger de choisir, avant le 31 mars 2019. Ceux qui ne l’ont pas fait (après quatre rappels par amils et courriers) ont été radiés d’office des listes communales.
Ce gigantesque travail de nettoyage des listes a porté ses fruits, puisque c’est presque un million d’électeurs qui a été supprimé des listes électorales fin 2018 (988 810 très exactement). La grande majorité de ces radiations (voir graphique ci-dessous), soit 88 %, sont le fait d’une double inscription – soit dans deux communes, soit sur une liste communale et consulaire.
© Maire info
On ne peut qu’être frappé par le nombre de radiations pour décès : presque 105 500 personnes étaient inscrites alors qu’elles n’étaient plus de ce monde ! Cela représente 10,7 % du total des personnes radiées. Il faut y ajouter 11 307 personnes privées de droit de vote (décision de justice ou perte de la nationalité). Et un nombre finalement extrêmement faible (2 454 soit 0,005 % du corps électoral) qui n’ont pas pu être identifiées et ont été radiées.
Enfin, au 1er janvier 2019, l’Insee a intégré d’office près d’un million de jeunes majeurs (986 087) et radié près de 325 000 personnes décédées en 2018, plus 431 personnes privées de droit de vote cette même année.
Alignement d’état civil
Le rapprochement entre les listes électorales et le RNIPP a également permis un travail utile : l’alignement de l’état civil des électeurs entre ces deux bases. Des différences orthographiques ou typographiques sur les noms ou les prénoms pouvaient en effet exister. Ces erreurs n’étaient pas minces, puisque les redressements ont concerné 30 % des électeurs. La plupart du temps, il s’agissait toutefois de différences « faibles » (erreurs d’accent ou de traits d’union par exemple). Seulement 1 % des électeurs ont été concernés par des différences dites « fortes » – divergence d’un nom.
Les difficultés rencontrées
Une réforme d’une telle ampleur a naturellement nécessité un important effort de formation, tant au niveau des services communaux que dans les préfectures. Ces formations se sont déroulées en 2018, avec, note le ministère de l’Intérieur, « un dispositif d’accompagnement conséquent soutenu par l’AMF et le CNFPT ». Ce dernier a assuré plus de 300 sessions de formation ; de plus, l’Insee a mis en place un système de formation en ligne sur l’utilisation du nouveau portail Elire. Le ministère note néanmoins que malgré cette mobilisation, « tous les agents municipaux concernés n’ont pas pu être sensibilisés ». Un bémol aussi du côté des préfectures, qui ont été « insuffisamment formées à l’outil Elire », ce qui les a parfois rendues inaptes à répondre aux nombreuses demandes des communes. Ces manquements ont été en partie résorbés depuis les élections européennes.
Des difficultés techniques sont également apparues pendant le processus : par exemple la saturation des serveurs à certains moments cruciaux, comme la date limite pour s’inscrire sur les listes électorales à l’occasion des élections européennes ; ou encore des problèmes avec certains éditeurs de logiciel. Par ailleurs, la période de réunion des commissions de contrôle, dans les communes, s’est avérée « trop courte » et toutes n’ont pas pu se réunir.
Une petite révolution
Malgré ces quelques difficultés, la réforme du REU a été réussie et elle représente bien une petite révolution non seulement dans la gestion des listes mais, surtout, pour les électeurs eux-mêmes, avec une quantité de nouvelles possibilités qui en découlent directement : d’abord, l’inscription possible au plus près du scrutin. Cette possibilité a servi à quelque 740 000 électeurs dans les trois premiers mois de l’année dernière. La réforme permet également de pouvoir - enfin – s’inscrire sur la liste électorale en ligne. La mise en place de l’outil ISE (interrogation de la situation électorale, le site internet permettant à tout citoyen de vérifier son inscription, ou celle d’un tiers, sur la liste électorale) est également une conséquence directe de la réforme du REU. Même s’il est encore trop peu connu, cet outil extrêmement pratique va forcément voir son usage entrer dans les mœurs. Enfin, la dernière nouveauté issue de la réforme, et qui va faire gagner beaucoup de temps tant aux candidats qu’aux services des communes : depuis le 1er janvier, il est possible de générer des attestations d’inscription sur la liste électorale d’une commune directement en ligne, sans passer par la mairie.
Reste maintenant à gérer l’après-réforme, notamment en améliorant, justement, l’appropriation de tous ces outils par les électeurs. Plusieurs campagnes de communication vont être menées dans ce sens par le ministère. Des « propositions » vont également être faites, d’ici le mois de février, pour « perfectionner l’accompagnement des communes » et proposer de « potentielles évolutions » du système. Un bilan plus approfondi sera en effet établi après une mission inter-inspections (ministère de l’Intérieur, ministère de l’Economie et des finances, ministère des Affaires étrangères).
Les élections municipales qui approchent seront un nouveau juge de paix pour ce système. Car si, au moment des européennes, la question essentielle était celle de l’inscription des électeurs, les municipales vont voir presque un million de candidats se présenter. Les responsables de listes vont avoir, très vite, l’occasion de se familiariser avec les nouveaux outils issus du répertoire électoral unique.
Franck Lemarc
Télécharger le courrier de Christophe Castaner et le bilan du ministère de l'Intérieur.
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