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Édition du mercredi 2 octobre 2024
Départements

Le Sénat dresse un bilan plutôt favorable de l'expérimentation sur la recentralisation du RSA

Depuis 2022, trois départements expérimentent la recentralisation du RSA, c'est-à-dire le transfert de cette compétence à l'État. La commission des finances du Sénat vient de publier un rapport d'information sur cette expérimentation, à mi-parcours.

Par Franck Lemarc

Les départements  sont dans une situation financière délicate, qui se dégrade encore depuis la crise de l’immobilier. Alors que les dépenses des départements, notamment sociales, explosent, les recettes liées à la perception des DMTO (droits de mutation à titre onéreux) s’effondre, atonie du marché de l’immobilier oblige. 

Dans ce contexte, une expérimentation a été lancée pour décharger les départements de ce qui est leur principale dépense : le RSA. 

Conditions strictes

Le financement du RSA souffre d’un problème récurrent : le nombre de bénéficiaire augmente plus vite que les compensations versées par l’État aux départements. Résultat : le reste à charge pour ceux-ci devient de plus en plus important, et ce précisément au moment où les ressources se raréfient. 

Il a donc été décidé, dans la loi de finances pour 2022, d’expérimenter pendant cinq ans un retour de cette compétence dans le giron de l’État : les départements retenus pour l’expérimentation re-transféreraient le RSA à l’État, ainsi que les ressources dont ils bénéficient pour exercer cette compétence. L’expérimentation, décrite à l’article 43 de la loi de finances pour 2022 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000044794532, prévoit sur le plan financier un dispositif assez complexe : lorsqu’un département entre dans l’expérimentation, l’État « suspend »  le versement des sommes versées auparavant au titre de la compensation de la décentralisation du RSA (fractions de TICPE). Si cette reprise ne suffit pas, l’État est en droit de reprendre aux départements concernés une somme supplémentaire prise sur les recettes de la taxe de publicité foncière et des DMTO. 

Ce dernier point a d’ailleurs, notent les sénateurs, fait hésiter un certain nombre de départements à se porter volontaires pour l’expérimentation, n’ayant pas très envie de risquer de se voir privés d’une partie des ressources des DMTO. 

La loi a fixé des conditions strictes pour pouvoir entrer dans l’expérimentation : avoir « un reste à charge au titre du RSA par habitant et une proportion de bénéficiaires du RSA dans leur population significativement plus importants que la moyenne nationale », et avoir « un revenu moyen par habitant significativement plus faible que la moyenne nationale ». 

Au final, seuls trois départements sont entrés dans le dispositif : la Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales, en 2022, et l’Ariège en 2023. Cela ne signifie pas que seulement trois départements entraient dans les critères, mais plutôt, comme le notent les sénateurs, que l’expérimentation n’a pas soulevé « un grand enthousiasme ». 

Quel bilan ?

Pourtant, à mi-parcours, il apparaît aux sénateurs que l’expérimentation est plutôt réussie. Dans les trois départements, les dépenses qu’ils effectuaient au titre du RSA étaient supérieurs à la reprise des ressources effectuées par l’État, ce qui a permis à la Seine-Saint-Denis, en 2023, un « gain net »  de presque 44 millions d’euros (21,6 millions pour les Pyrénées-Orientales et 2,8 millions pour l’Ariège). 

Côté État, le coût de l’opération apparaît aux membres de la commission des finances du Sénat comme « très maîtrisé ». Il s’établit à 35 millions d’euros pour 2022 et 68 millions en 2023.

Les sénateurs notent que la recentralisation a permis, en l’espèce, une forme de partage des conséquences de la crise entre l’État et les départements : dans la mesure où l’État a repris une part des recettes des DMTO, et que celles-ci ont fortement diminué, l’État en assume les conséquences financières : « En d’autres termes, l’État subit désormais une partie de « l’effet ciseau », au profit des départements. » 

Quant à la gestion administrative du RSA ((instruction et attribution de la prestation, lutte contre la fraude, gestion des indus, sanction des manquements des bénéficiaires, etc.), l’État l’a entièrement confiée aux caisses de protection sociale (Caf et MSA). Les rapporteurs du Sénat estiment que cette délégation est « efficace »  et qu’elle « constitue une clarification des rôles bienvenue entre l’État, les départements et la Sécurité sociale ». 

Dégagés d’un certain nombre de tâches et de contraintes qui ont été dévolues à l’État, les départements expérimentateurs ont pu davantage se focaliser sur « l’orientation des bénéficiaires du RSA », avec des résultats tangibles : « Les délais d’orientation ont diminué, permettant une entrée plus fluide dans l’accompagnement, et les réorientations (…) ont également connu une hausse ». 

Par ailleurs, les départements ont pu « réorienter »  les marges de manœuvre financières regagnées vers les politiques de réinsertion. Par exemple, la Seine-Saint-Denis a en partie consacré ces nouvelles marges de manœuvre à la création de nouvelles structures, les Agences locales d’insertion. 

Et maintenant ?

Le bilan est donc manifestement positif. Reste à savoir, expliquent les sénateurs, comment « sortir par le haut »  de l’expérimentation, qui prendra fin en 2026. Rappelons qu’en droit, une expérimentation de ce type ne peut avoir que deux issues (sans compter une possible prolongation) : la généralisation de la mesure expérimentée ou son abandon. Pour les sénateurs, l’option d’une « pérennisation de la recentralisation aux seuls départements expérimentateurs »  serait « impossible ».

Si l’expérimentation devait se solder par un abandon, la situation serait très complexe – et « inédite »  – pour les départements concernés, qui seraient contraints de subir une « re-décentralisation »  de la compétence et de perdre les marges de manœuvre financières nouvelles gagnées depuis 2022-2023. Quid alors des politiques volontaristes engagées grâce à ces marges de manœuvre ? Par ailleurs, notent les sénateurs, « ce scénario pourrait conduire à ce que le droit à compensation des départements en 2026 serait moindre que le droit à compensation de l’État en 2022/2023 », ce qui serait très problématique.

Reste donc l’option de la généralisation, c’est-à-dire de recentraliser le RSA dans tous les départements. Les sénateurs ne semblent pas hostiles à cette solution, s’il est confirmé, en 2026, que les résultats ont été « très concluants ». Toutefois, une telle meesure « conduirait toutefois à un recul de la décentralisation et devrait nécessairement être concertée avec l’ensemble des départements, pour en définir les conditions acceptables par tous », concluent les sénateurs. 

Consulter le rapport.

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