Le rejet du PLFSS ne signifie pas l'abandon des hausses de cotisations CNRACL
Par Franck Lemarc
On pouvait espérer qu’au moins, la censure du gouvernement Barnier aurait une conséquence positive : l’abandon de la hausse massive des cotisations employeurs à la CNRACL. Mais plusieurs éléments laissent à penser que les employeurs ne doivent pas se réjouir trop vite.
Une hausse de 4,2 milliards d’euros en 2028
Depuis la fin novembre, les employeurs territoriaux savent précisément ce que prévoyait le gouvernement : le projet de décret relatif aux cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), a été présenté le 28 novembre au Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) et le 3 décembre devant le Comité des finances locales.
Sans surprise, les deux instances consultatives ont rejeté, à l’unanimité des voix des représentants des élus, ce projet de décret. Celui-ci prévoit en effet une hausse de 12 points des cotisations employeurs, étalée sur quatre ans, soit 3 % d’augmentation par an. Cette cotisation, actuellement de 31,65 % passerait donc à 34,65 % en 2025, 37,65 % en 2026, 40,65 % en 2027 et 43,65 % en 2028.
Les conséquences financières seraient majeures pour les employeurs territoriaux : selon les calculs du ministère chargé du budget, la hausse représenterait un milliard d’euros la première année, 2,1 milliards la deuxième, 3,14 milliards la troisième et 4,2 milliards d’euros en 2028.
Cette dépense supplémentaire « met en péril les finances publiques locales », a plaidé l’AMF lors du Cnen du 28 novembre, dénonçant « un effort sans précédent et sans commune mesure », qui pèsera « sur l’emploi territorial, les conditions d’emploi et l’offre de services à la population ». Une fois encore, l’AMF a rappelé le caractère profondément injuste d’une telle mesure en rappelant que les caisses de la CNRACL ont été ponctionnées de 100 milliards d’euros, depuis 50 ans, pour abonder d’autres régimes déficitaires. Les employeurs territoriaux, rappelons-le, appellent à une « remise à plat » globale de l’ensemble du système, ce qui représente pour eux « un préalable à toute mesure paramétrique ».
Pas d’abandon automatique du décret
Reste la question essentielle : le rejet du PLFSS par les députés implique-t-il mécaniquement l’abandon de cette mesure ? Clairement, la réponse est non. En réalité, la hausse des cotisations ne figurait pas en dur dans le PLFSS, mais seulement dans un « rapport » annexé au projet de loi – l’article 14 du PFLSS se bornant à acter l’approbation de ce rapport.
Pour s’en assurer, il suffit de regarder le projet de décret (que Maire info a pu consulter) et en particulier ce que l’on appelle les « visas ». Il s’agit de la mention obligatoire des autres textes (législatifs et réglementaires) sur lesquels s’appuie le décret : « vu la loi du …, vu le décret du… ». Le projet de décret dont il est question ici ne comprend pas la mention « vu la loi de financement de la Sécurité sociale du… », ce qui signifie qu’il ne s’appuie pas sur ce texte, et donc n’en dépend pas.
L’augmentation des cotisations CNRACL est bien une mesure réglementaire, qui peut passer par simple décret du Premier ministre.
Ce décret va-t-il être publié – et quand ? Une chose est sûre : dans la très volumineuse édition du Journal officiel parue ce matin, avec plusieurs heures de retard, et qui contient tous les textes que le gouvernement a voulu publier en urgence avant sa démission, ce décret ne figure pas.
Une fois la démission actée – c’est chose faite à l’heure où nous écrivons –, le gouvernement ne peut plus gérer que les affaires courantes. Il est peu probable que la publication d’un décret aux conséquences financières aussi massives pour les collectivités locales puisse être publié par un gouvernement chargé des affaires courantes. Mais il n’est pas impossible non plus que le décret ait bien été signé, avant la démission, et ne soit publié que dans les prochains jours.
Par la suite, avec ou sans PLFSS, rien n’empêchera le prochain gouvernement, s’il partage les orientations de Michel Barnier, de reprendre le décret tel quel en y apposant la signature du nouveau Premier ministre, s’il souhaite que la mesure s’applique, comme prévu, le 1er janvier.
Il faudra donc, à tout le moins, regarder de très près les éditions du Journal officiel de ces prochains jours.
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