Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 9 avril 2020
Normes

Le pouvoir de dérogation du préfet à certaines normes sera généralisé à partir de demain

Il y a deux ans jour pour jour, le 9 avril 2018, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, signait une circulaire relative à l’expérimentation d’un « droit de dérogation reconnu aux préfets ». À partir de demain, comme l’indique un décret paru ce matin au Journal officiel, ce droit sera généralisé à l’ensemble du territoire. Les préfets pourront donc partout, dans un certain nombre de domaines impliquant directement les collectivités locales, déroger à certaines règles en vigueur pour « permettre à l’action publique de s’adapter au mieux aux circonstances locales ».

Deux ans et demi d’expérimentation
L’expérimentation (lancée officiellement en décembre 2017) a été menée à l’échelle de deux régions (Bourgogne-Franche-Comté et Pays-de-la-Loire), 17 départements (Côte-d'Or, Creuse, Doubs, Jura, Loire-Atlantique, Lot, Maine-et-Loire, Mayenne, Nièvre, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Sarthe, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Vendée, Yonne et Territoire de Belfort) et trois collectivités d’outre-mer (Mayotte, Saint-Martin et Saint-Barthélemy). Elle a donc été suffisamment concluante pour être étendue et pérennisée. Pendant ces deux ans, « 183 arrêtés dérogatoires ont été pris », soulignait le ministre de l’Intérieur dans un communiqué publié hier : autorisation de l’installation d’une usine de méthanisation dans une zone bleue, allégement de procédures administratives afin de permettre à un maire d’installer des locaux provisoires pour des classes supplémentaires… au bilan, selon Christophe Castaner, « la mesure est appréciée, opérationnelle et utile ». 

Intérêt général et circonstances locales
Elle est désormais généralisée à l’ensemble du territoire – métropole et Outre-mer. Comme lors de l’expérimentation, le pouvoir de dérogation des préfets concerne sept champs : « 1° Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ; 2° Aménagement du territoire et politique de la ville ; 3° Environnement, agriculture et forêts ; 4° Construction, logement et urbanisme ; 5° Emploi et activité économique ; 6° Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; 7° Activités sportives, socio-éducatives et associatives. »  Une dérogation doit répondre à plusieurs critères cumulatifs (« être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales, avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, réduire les délais de procédures ou favoriser l’accès aux aides publiques », etc.). Elle doit être compatible avec « les engagements européens et internationaux de la France »  et ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. 

Cas par cas
Il faut se reporter à la circulaire d’avril 2018 (téléchargeable ci-dessous) pour comprendre la philosophie générale du dispositif. L’essentiel est de retenir que le préfet ne peut prendre que des décisions « au cas par cas » : il ne s’agit pas « d'accorder de manière générale et non individualisée des dérogations », mais de « décider de ne pas appliquer une disposition réglementaire à un cas d'espèce, ce qui la plupart du temps devrait conduire à exonérer un particulier, une entreprise ou une collectivité territoriale d'une obligation administrative ». 
En annexe de la circulaire, on trouve quelques exemples concrets des dérogations qui pourront être prises dans tous les départements. Parmi eux : Déroger au taux de 5% régissant le versement des avances de subventions d'investissement ou déroger à l'obligation de complétude d'un dossier de demande de subventions. Déroger aux seuils d'autorisation de la nomenclature « loi sur l'eau »  pour certains projets de renaturation des cours d'eau. Déroger à la durée d'instruction des permis de construire délivrés par l'État et relevant de sa compétence. Ou encore, dans le cadre d'une demande d'installations de structures éphémères en site classé, adapter les critères aux enjeux locaux de protection.
Dans son communiqué d’hier, le ministre de l’Intérieur replace cette décision dans le contexte de la crise actuelle, en estimant que « dans les prochaines semaines et les prochains mois, le pouvoir de dérogation des préfets pourra être un outil utile pour faciliter la reprise de notre pays ».

F.L.

Télécharger le décret.

Télécharger la circulaire de 2018.

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