Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 3 octobre 2024
Budget

Le gouvernement prévoit 60 milliards d'euros d'économies en 2025, et un « lissage » des dépenses des collectivités

Les premiers éléments chiffrés du projet de loi de finances pour 2025 commencent à être diffusés par Bercy, maintenant que le Premier ministre a présenté les grands axes de son projet politique. Le gouvernement s'apprête à présenter un budget qu'on ne peut qualifier autrement que de rigueur. 

Par Franck Lemarc

Au début de l’année, les ministres chargés de l’économie et du budget prévenaient qu’il allait falloir réaliser 10, 15, voire 20 milliards d’économies sur le prochain budget, ce qui était déjà apparu, alors, comme un très sérieux tour de vis sur les finances publiques. On était pourtant, alors, loin du compte, puisque c’est un coup de rabot trois fois supérieur que s’apprête à faire le gouvernement Barnier.  

Dépenses en baisse de 40 milliards d’euros

Le dérapage des comptes publiques sera en effet plus grave que Bercy ne l’escomptait en janvier : selon les dernières estimations, il devrait s’élever cette année à 6,1 % du PIB. Michel Barnier, dans son discours de politique générale, a fixé le cap : réduction de ce déficit à 5 % du PIB dès 2025, et un retour à 3 % en 2029. 

Dès l’année prochaine, il est donc prévu de réaliser une économie de 60 milliards d’euros, selon les informations que l’entourage des ministres Antoine Armand et Laurent Saint-Martin ont commencé à diffuser hier. Pour mesurer à quel point ce chiffre est faramineux, il faut rappeler que le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, avait récemment qualifié le projet de Bruno Le Maire d’économiser 100 milliards sur trois ans de « politiquement, économiquement et socialement intenable ». Désormais, on ne parle plus de 100 milliards sur trois ans, mais de 60 milliards sur une seule année !

Cette économie, selon les projets de Bercy, se fera aux deux tiers sur la dépense et pour un tiers sur des recettes nouvelles. Soit 40 milliards de réduction des dépenses et 20 milliards de nouvelles recettes, qui viendront d’une « contribution »  demandée aux très grandes entreprises et aux ménages « les plus fortunés », qui seuls seront concernés par des impôts nouveaux, de façon exceptionnelle et transitoire, insistent l’entourage des ministres. 

Il faut préciser ici que les « plus fortunés »  ne seront pas, en réalité, les seuls mis à contribution, puisque les retraités, quel que soit leur niveau de revenu, vont tous être touchés par une mesure d’économie : l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation, qui a lieu normalement le 1er janvier, va être décalée de 6 mois pour n’intervenir que le 1er juillet. Ce qui permettra une économie de quelque 8 milliards d’euros au gouvernement. Jusqu’au 1er juillet prochain, les retraités toucheront donc une pension de retraite ne tenant pas compte de l’inflation de l’année 2024, ce qui induira une baisse nette de leur pouvoir d’achat. L’argument brandi par le gouvernement selon lequel les retraités sont « la catégorie sociale la plus riche du pays »  fera certainement grincer des dents, quelques jours à peine après la parution du rapport des Petits frères des pauvres sur la situation dramatique de quelque deux millions de retraités pauvres. 

Bercy n’a donné aucun détail, hier, sur l’effort qui sera demandé aux « grandes entreprises »  ni sur le niveau de revenus faisant entrer dans la catégorie des « plus fortunés », expliquant que les détails seraient donnés au moment de la présentation du projet de loi de finances lui-même. Ce matin cependant, sur France 2, Laurent Saint-Martin a levé un coin du voile sur cette question, annonçant que les ménages qui seraient mis à contribution seront réellement les plus riches, puisque le nouvel impôt devrait toucher « les ménages sans enfant qui touchent des revenus d’à peu près 500 000 euros par an », soit « 0,3 % des ménages ». 

Un effort au-delà des lettres plafond

Côté baisse des dépenses, au-delà de la mesure concernant les retraités, ce sont là encore des grandes lignes qui ont été dévoilées hier sans précisions chiffrées ni cadrage par ministère. Seule certitude : toutes les administrations publiques seront mises à contribution, et le gouvernement a décidé d’aller au-delà des « lettres plafond »  diffusées en août par le gouvernement démissionnaire. Il faut donc s’attendre à des mesures d’économies encore plus brutales dans la plupart des ministères – rappelons que les lettres plafond prévoyaient déjà, par exemple, une diminution de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert ou une saignée sur les crédits d’intervention de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. 

Dans les lettres-plafonds, le gouvernement précédent prévoyait une économie de l’ordre de 15 milliards d’euros. Le nouveau prévoit d’augmenter ce chiffre de 5 milliards d’euros, pour arriver à une économie de 20 milliards sur l’ensemble des ministères. Il est à noter que ces 5 milliards supplémentaires ne figureront pas dans le projet de loi de finances qui sera présenté la semaine prochaine, a expliqué hier l’entourage des ministres, pour des raisons matérielles : le temps a manqué à Bercy pour intégrer ces mesures dans le document. Ces 5 milliards supplémentaires seront donc ajoutés par amendement, pendant le débat parlementaire. 

Un milliard d’euros d’économies sera par ailleurs demandé aux grands opérateurs de l’État. En ajoutant les 8 milliards d’économie générés par la mesure sur les retraites, on arrive à une trentaine de milliards. Il en restera donc 10 pour arriver aux 40 milliards prévus. Ils seraient obtenus par une « maîtrise »  des dépenses de l’Assurance maladie et de celles des collectivités. 

« Lissage »  pour les dépenses des collectivités

En présentant ces premiers éléments hier, l’entourage des ministres s’est montré particulièrement prudent sur les finances locales, ne souhaitant visiblement pas rallumer des conflits avec les associations d’élus et répétant que les collectivités gèrent sérieusement leurs finances. II a toutefois été indiqué qu’un « lissage »  serait demandé, sous forme d’une « modération des dépenses »  des collectivités pour participer à « l’effort national ». Aucun détail n’a été donné, car les ministres veulent réserver la primeur de leurs annonces aux associations d’élus, qui devraient être reçues dans les prochains jours. Selon l’entourage des ministres, il n’y aura pas de mesures « punitives », ce qui semble exclure un mécanisme du type « contrat de Cahors », où les grandes collectivités avaient été sommées de maintenir la progression de leur dépenses en dessous d’un taux fixé par le gouvernement, sous peine de sanctions financières. Mais les collectivités seront bien appelées à participer au fait de « collectivement tenir la cible de déficit ». 

Il va donc falloir attendre la publication du projet de loi de finances pour en savoir plus, voire le débat parlementaire lui-même, puisque certaines mesures ne seront présentées par le gouvernement qu’en cours de débat. Si l’on peut espérer que les dotations aux collectivités ne seront pas amputées, cela ne veut pas dire que celles-ci ne seront pas sévèrement touchées par la cure d’austérité, par le biais de la diminution de nombreuses dépenses d’intervention de l’État. 

Sans compter qu’il y a ce que souhaite le gouvernement, et il y a ce qui ressortira des amendements ajoutés par les parlementaires eux-mêmes, qui pourraient encore alourdir la facture. Hier, par exemple, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a plaidé pour des économies plus importantes encore que ce que prévoit le gouvernement – tablant sur 50 milliards d’économies plus que 40 milliards, afin de réduire la part réservée aux hausses d’impôts. Parmi les mesures proposées : « La baisse du nombre et du coût des opérateurs de l’État », dont le groupe LR questionne « l’utilité ». 

Le débat à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances commencera le lundi 21 octobre. Les débats promettent d’être particulièrement âpres. 

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