Le gouvernement autorise la Fête de la musique : les maires perplexes
Comment va s’organiser, dans cette période si particulière, la Fête de la musique, dimanche prochain ? La publication du décret du 14 juin, publié lundi au Journal officiel, a finalement posé plus de questions qu’elle n’en a résolu, et bien des maires s’interrogent aujourd’hui sur l’articulation entre les services de l’État et leurs propres décisions, dans ce cadre.
Contexte particulier
Jusqu’à lundi, les choses étaient assez simples : tous les rassemblements, cortèges, manifestations et autres réunions rassemblant plus de 10 personnes étaient interdits sur l’ensemble du territoire. Il n’y avait donc pas trop de questions à se poser : aucun concert de rue ne pourrait être organisé, cette année, dans le cadre de la Fête de la musique. Les associations d’élus étaient d’ailleurs plutôt réservées, voire favorables à ce que la Fête de la musique soit tout simplement annulée cette année.
Sauf que lundi (lire Maire info d’hier), un décret est venu changer la donne, puisque, tout en maintenant l’interdiction générale de rassemblements de plus dix personnes, le gouvernement a introduit une dérogation : les « cortèges, défilés, rassemblements de personne et (…) manifestations sur la voie publique » sont de nouveaux autorisés, rien n’indiquant, comme Maire info l’expliquait hier, que cette autorisation ne s’appliquerait qu’aux manifestations politiques ou syndicales.
Il est donc désormais acté que les « manifestations » sont à nouveau autorisées, dès lors qu’elles réunissent moins de 5000 personnes et que les gestes barrières (distance d’un mètre et/ou port du masque) sont respectés. Le décret introduit toutefois une modification importante par rapport au droit commun : seul le préfet peut donner l’autorisation de ces manifestations, y compris dans les communes qui ne relèvent pas de la police nationale, où cette tâche revient habituellement au maire.
Pas de concerts spontanés
Hier, le ministre de la Culture, Franck Riester, a reçu en urgence les représentants des associations de maires pour évoquer, dans ce contexte, l’organisation de la Fête de la musique. À la suite de cette réunion, le ministère a publié un communiqué de presse pour détailler ses intentions. La Fête de la musique sera, cette année, « différente, solidaire et numérique », peut-on lire dans le communiqué.
L’information essentielle à retenir est que la Fête ne devra pas donner lieu « à des rassemblements physiques non autorisés ». Des concerts pourront néanmoins avoir lieu, ou bien en intérieur, ou bien en extérieur, mais de façon très encadrée. Les concerts spontanés qui jalonnent les rues, habituellement, le 21 juin, ne pourront en revanche pas être tolérés.
Premier cas : les concerts dans les ERP (établissements recevant du public). Les salles de spectacles, cafés, restaurants, voire chapiteaux sont de nouveau autorisés, sur tout le territoire métropolitain. Ils pourront donc accueillir des concerts « dans le respect des règles sanitaires sous la responsabilité du dirigeant du lieu », précise le communiqué. Comme l’explique ce matin à Maire info Jérémy Pinto, adjoint au maire chargé de la culture au Creusot, et représentant de l’AMF lors de la réunion d’hier au ministère, « les concerts dans les ERP autorisés sont les plus simples à gérer, puisqu’il existe des protocoles, connus, qu’il suffit de respecter ». Rappelons que les salles de spectacle et les chapiteaux doivent notamment laisser un siège sur deux libre, sauf pour les groupes constitués, et que le port du masque est obligatoire ; et que dans les cafés et restaurants, tous les clients doivent disposer d’une place assise, personne ne peut consommer debout, et que les tables doivent être espacées d’un mètre.
Il est probable, dans le cas des bars et des cafés, que la consigne la plus difficile à respecter sera de « veiller à ne créer d’attroupement à proximité ».
Concertation avec les maires
Pour les concerts en plein air, les choses seront moins simples. Le communiqué du ministère est clair : « Les concerts spontanés ne sont pas autorisés », eu égard à l’interdiction générale de rassemblements de plus de dix personnes sur la voie publique. Mais le décret paru lundi permet la tenue de concerts sur la voie publique si ceux-ci ont été déclarés et autorisés en préfecture. Si l’on s’en tient strictement au décret, seul le préfet sera en mesure d’autoriser ou non ces concerts. « Mais, rassure Jérémy Pinto, le ministre nous a assuré hier que le préfet ne donnera pas d’autorisation sans concertation avec le maire ». Il figure en effet dans le communiqué que le préfet pourra délivrer « une autorisation, en lien avec le maire, après déclaration par l’organisateur (…) dès lors que les conditions d’organisation permettent de garantir le respect des contraintes sanitaires ». Le communiqué conclut donc que les maires « qui le souhaiteraient » peuvent donc, « en lien étroit avec le préfet », organiser eux-mêmes « des événements très encadrés sur la voie publique ».
Pour le représentant de l’AMF, cette décision du ministère de permettre, au cas par cas, des concerts en plein air, a constitué « une surprise » – pas forcément bonne. « On nous dit, finalement, que c’est au maire de prendre ses responsabilités », souligne l’élu. Sauf que ceux-ci auront, forcément, le plus grand mal à contrôler que les choses se passent dans les règles, en particulier dans les villes. Cette forme de semi-autorisation laisse craindre que des rassemblements spontanés se produisent tout de même, faute d’un cadre national clair, et que la responsabilité des maires soit engagée en cas de difficulté.
C’est ce qui explique que plusieurs villes, contactées ce matin par Maire info, vont préférer jouer la sécurité et ne permettre aucun concert de rue. C’est la position de la ville du Creusot, dont Jérémy Pinto est maire adjoint : « Nous avons clairement fait le choix de ne rien accompagner sur la voie publique. » Il y a fort à parier que ce choix, appuyé sur le principe de précaution et la volonté de ne prendre aucun risque, sera partagé par de très nombreux maires.
Franck Lemarc
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