Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 23 décembre 2020
Coronavirus

Le gouvernement a-t-il vraiment voulu rendre la vaccination obligatoire ?

Le gouvernement a présenté lundi, en Conseil des ministres, un projet de loi « instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires ». Avant de faire marche arrière, hier, au vu des interrogations suscitées par ce texte. Retour sur ce qui ressemble à un cafouillage politique. 

Tout semblait devoir aller très vite : le texte a été présenté lundi en Conseil des ministres, mis en ligne le soir même sur le site de l’Assemblée nationale avec déclaration de la procédure accélérée, un rapporteur étant même déjà nommé pour son examen par la Commission des lois. Mais hier soir, sur LCI, le ministre de la Santé, Olivier Véran faisait marche arrière toute : « Le gouvernement ne proposera pas ce texte devant le Parlement avant plusieurs mois. Le débat est clos. »  Que s’est-il passé ?

« Cadre pérenne » 

L’objectif du gouvernement, en élaborant ce texte qui devait être porté par le Premier ministre lui-même devant le Parlement, était clair : éviter qu’en cas de nouvelle crise sanitaire, des textes d’exception doivent être votés « dans la précipitation », comme cela a été le cas en mars dernier. Si les règles décidées au cours de l’épidémie ont « fait leur preuve », expliquait le gouvernement dans le compte-rendu du Conseil des ministres, il convient à présent « d’instituer un cadre pérenne, mieux articulé avec les autres règles, dotant les pouvoirs publics des moyens adaptés pour répondre à l’ensemble des situations sanitaires exceptionnelles en garantissant tout à la fois le respect des droits et libertés et le contrôle permanent du Parlement. » 
Le texte proposé reprend donc « pour l’essentiel »  les règles édictées pendant l’état d’urgence sanitaire. Comme il est expliqué dans l’exposé des motifs du texte, il s’agit en quelque sorte d’unifier les « trois régimes d’urgence aujourd’hui imparfaitement articulés » : menaces sanitaires graves, état d’urgence sanitaire et sortie de l’état d’urgence. L’une des principales innovations de ce texte est de créer un nouveau régime, préalable à celui d’état d’urgence sanitaire : l’état de « crise sanitaire ». Celui-ci pourrait « être déclenché avant comme après l’état d’urgence sanitaire, soit pour juguler une crise naissante qui n’a pas encore l’ampleur d’une catastrophe sanitaire, soit pour mettre un terme durable aux effets d’une catastrophe qui n’aura pu être empêchée ». 

Le sujet qui fâche

En dehors de cela, il y a peu de mesures nouvelles par rapport à ce à quoi les citoyens sont maintenant habitués depuis une dizaine de mois : il inscrit « dans le dur », comme l’a expliqué Olivier Véran, la possibilité pour le Premier ministre, en cas de crise sanitaire future, de réglementer la circulation des personnes, les rassemblements ou l’ouverture des établissements recevant du public. 
À la lecture du compte-rendu du Conseil des ministres, rien ne laissait attendre la polémique qui est née le lendemain. Le texte indique, en passant, que « certains déplacements ou activités pourront être conditionnés à la réalisation d’un dépistage », ce qui est déjà le cas aujourd’hui, par exemple pour se rendre en Corse. 
Sauf que le texte, lui, dit autre chose : ce n’est pas seulement de « la réalisation d’un dépistage »  qu’il s’agit, mais, possiblement, de « l’administration d’un vaccin ». Voici ce qui est écrit à l’article 2, section 2, alinéa 6 du projet de loi : « Le Premier ministre peut subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transports ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif. » 
C’est bien ce paragraphe qui a déclenché une tempête de protestations notamment chez un certain nombre de députés de l’opposition, qui y ont vu une trahison de l’engagement formel du président de la République selon lequel le vaccin ne serait pas rendu obligatoire. Et il est, en l’espèce, indéniable que « subordonner »  l’accès aux transports ou « l’exercice de certaines activités »  à l’administration d’un vaccin ouvrirait la porte, au moins, à la notion d’obligation. 

« Mauvaise polémique » ?

S’agit-il d’un mauvais procès fait au gouvernement – ou, comme l’a dit hier soir Olivier Véran, « d’une mauvaise polémique née d’un tweet de la responsable du Front national » ? En partie. Car pour comprendre les intentions du gouvernement, il faut aller lire l’étude d’impact très complète qui accompagne le texte, où il est écrit, très clairement, que cette disposition « n’a pas vocation à être utilisée dans le cadre de la crise sanitaire actuelle pour instaurer une obligation de vaccination contre le covid-19 », « conformément à la ligne affirmée par le président de la République (…) le 24 novembre ». Il s’agit donc d’une disposition préventive, pour le futur, dans le cadre « d’une menace épidémique plus sérieuse encore »  et qui, dans l’esprit des rédacteurs du texte, « pourrait permettre une meilleure conciliation entre l’objectif de protection de la santé et les droits et libertés individuels en se substituant à une mesure de confinement général de la population ». Dont acte : non, le gouvernement n’a, apparemment, pas envisagé de revenir sur sa promesse de ne pas rendre le vaccin contre le covid-19 obligatoire.
Reste que rien de tout cela ne figure dans le texte lui-même, ce qui apparaît comme une maladresse dans le contexte actuel de méfiance grandissante de la population face au vaccin et de montée des théories complotistes. 
C’est probablement ce qui a conduit le gouvernement à reculer très vite en remettant l’examen de ce texte à « plusieurs mois »  – ce qui peut signifier, vu l’embouteillage législatif au Parlement et l’approche de la fin du quinquennat, un enterrement en bonne et due forme. 

Franck Lemarc

Télécharger le projet de loi et l’étude d’impact.

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