Projet de loi sur le respect des principes de la République : les contrats d'engagement républicain font débat
Le projet de loi confortant le respect des principes de la République est débattu en séance publique à l’Assemblée nationale depuis le 1er février, et le sera encore pendant une semaine. Assez peu d’amendements ont été adoptés en plus d’une semaine de débats – une quarantaine à ce jour. L’article 1er du texte, qui étend l’obligation de neutralité aux entreprises délégataires d’un service public, a notamment été amendé : l’obligation de neutralité avait été étendue, en commission spéciale, aux services de transport librement organisés ; les députés, en séance, ont ajouté « les bailleurs sociaux » privés ou publics.
Autre amendement intéressant directement les communes : l’obligation de neutralité et le respect du principe de laïcité, qui s’imposent aux maires et aux adjoints lorsqu’ils exercent une mission de service public, est étendue à « tout membre du conseil municipal » lorsqu’il agit « par délégation des attributions dont le maire est chargé au nom de l’État ou comme officier de l’état civil ».
Contrats d’engagement républicain
Les députés ont examiné pendant trois séances le seul article 6 du projet de loi, relatif aux contrats d’engagement républicain. Malgré la longueur – et la vigueur – des débats, l’article a été adopté sans grande modification.
L’article 6 dispose que toute association ou fondation « s’engage par un contrat d’engagement républicain à respecter les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de respect de la dignité de la personne humaine, l’ordre public, les exigences minimales de la vie en société et les symboles fondamentaux de la République ». Si l’association ou la fondation poursuit des activités qui ne sont pas compatibles avec ce contrat d’engagement, l’autorité administrative peut lui refuser une subvention ou lui retirer une subvention préalablement accordée.
Depuis la fin de la semaine dernière, le contenu du contrat d’engagement républicain a filtré dans la presse. Il s’agit d’un bref document d’une page, contenant sept engagements, allant du respect de la liberté de conscience des membres de l’association au respect de l’égalité femmes-hommes, en passant par « le rejet du racisme et de l’antisémitisme », le fait de ne pas recourir à la violence ni causer de trouble à l’ordre public, ou encore de respecter le drapeau tricolore et l’hymne national.
Un élément saute aux yeux à la lecture de ces engagements : le mot « laïcité » n’y figure pas. Ce point a été très longuement débattu d’abord en commission spéciale, puis à nouveau en séance. À l’instar de nombreux députés – qui ont tenté, sans succès, d’amender le texte pour faire apparaître la laïcité dans les contrats d’engagement républicain – l’AMF a dit « vivement regretter », dans un communiqué publié hier, que « le principe de laïcité ne figure pas expressément dans le contrat d’engagement républicain ». Fait d’autant plus étonnant, estime l’AMF, que le projet de loi est « principalement destiné à conforter la laïcité ».
Débat sur la laïcité
Ce point a donné lieu à plusieurs heures de débat dans l’hémicycle. Le gouvernement et la majorité ont rejeté tous les amendements visant à introduire le respect de la laïcité dans les contrats d’engagement. Avec un argument principal : certaines associations, y compris de portée nationale, sont d’origine confessionnelle, le fait d’introduire la laïcité dans les contrats d’engagement pourrait conduire à les priver des subventions. « Voulons-nous prendre la responsabilité de mettre fin aux subventions accordées à la Croix-Rouge, à la Cimade, aux scouts, au Secours catholique ? », a demandé la ministre Marlène Schiappa aux députés. « Si l’on va au bout de votre logique (…), on exclura toutes les associations ayant une référence confessionnelle du champ des associations pouvant recevoir des subventions », a également plaidé François de Rugy, président de la commission spéciale.
Les députés favorables à l’introduction de la laïcité ont rétorqué que le problème n’était nullement l’origine des associations, confessionnelle ou pas, mais leur « action ». Jean-Luc Mélenchon, par exemple, a expliqué que « ce qui compte, ce ne sont pas les motivations de ceux qui agissent : un chrétien, un juif ou un musulman peuvent, en plein accord et au nom de leurs propres valeurs, agir au service des autres. (…) Il y a problème, en revanche, quand l’activité subventionnée prend un caractère religieux, car l’argent public ne peut être dépensé que pour des actions publiques. » Ces arguments n’ont pas convaincu la majorité.
Au-delà de ce point précis, de longs débats ont eu lieu sur l’existence même de cet article 6, plusieurs députés de toutes tendances de l’opposition plaidant pour sa suppression, arguant qu’il va poser plus de problèmes qu’il ne va en résoudre. Le contenu des contrats d’engagement républicain, bien que ne figurant pas dans la loi, a été discuté et critiqué pour son « flou » : c’est le cas par exemple, de l’engagement à ne pas se livrer à « du prosélytisme abusif », des députés s’interrogeant sur la portée de cet adjectif. Débats également sur le contrôle du respect de ces engagements. « S’est-on demandé si les bureaux des associations, au sein des préfectures, seraient capables de contrôler des dizaines de milliers d’associations ? Savez-vous que beaucoup d’associations n’envoient même pas leurs comptes, sans que personne leur dise rien ? », a ainsi demandé Charles de Courson (Liberté et territoires, Marne).
Le gouvernement et la majorité ont, a contrario, beaucoup argumenté pour défendre l’article 6, arguant notamment qu’il permettra « aux élus locaux de se retourner contre des associations si elles cachent des activités antirépublicaines » ; mais aussi « aux habitants de la commune et aux membres de l’opposition municipale d’interpeller (un maire) et de lui demander la restitution des subventions » lorsqu’une association « contrevient au contrat d’engagement républicain » (François de Rugy).
Soutien de l’AMF
Dans son communiqué publié hier, l’AMF a par ailleurs répété son soutien global à ce projet de loi dans ses dispositions concernant les collectivités locales. L’association dit « pleinement partager l’esprit du texte » en ce qui concerne le passage à un régime d’autorisation pour l’instruction à domicile, et « approuver » les mesures destinées à lutter contre les mariages forcés. Elle souligne néanmoins que sans la mobilisation des procureurs – qui bien souvent ne donnent pas suite aux inquiétudes des maires dans ce type de situation – « le volontarisme de la loi restera sans effet. »
Enfin, l’AMF soutient « l’interdiction de propagande électorale et de tenues d’opérations de vote dans des locaux cultuels ». Elle propose même d’aller plus loin en introduisant dans la loi « des peines d’inéligibilité pour les candidats ou les élus » qui ne respecteraient pas cette interdiction.
Franck Lemarc
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