La situation à l'hôpital sera « tendue » jusqu'à la mi-mars, selon le Conseil scientifique
Par Franck Lemarc
La vague Omicron est « très différente des précédentes ». Cette conviction du Conseil scientifique est affichée dès le titre de ce nouvel avis, qui liste trois raisons justifiant cette « différence » : la transmissibilité accrue du variant ; sa moindre gravité ; et l’existence d’une couverture vaccinale très élevée.
Encore des menaces sur l’hôpital
Le variant Omicron s’est répandu à une vitesse inédite. Rappelons qu’il a été séquencé pour la première fois au début du mois de novembre, en Afrique du Sud. Deux mois et demi plus tard, il représente, selon le site CovidTracker, 96,2 % des cas en France.
Le Conseil scientifique estime qu’entre 9 et 14 millions de personnes ont été infectées par le variant Omicron depuis son arrivée en France : 4,5 millions de cas ont été officiellement détectés, mais on sait qu’un grand nombre de cas, asymptomatiques, restent sous les radars. Il faut comparer ce chiffre avec celui de la première vague (mars-avril 2020), où seulement 3 millions de personnes avaient été infectées, alors qu’il n’existait, au début du moins, quasiment pas de mesures barrières. Aujourd’hui, avec l’habitude des mesures barrières nées de 2 ans d’épidémie, Omicron a touché entre trois et six fois plus de personnes, ce qui le rend « exceptionnellement » contagieux, notent les scientifiques.
Si le nombre de cas journaliers commence à reculer dans les régions où le variant est arrivé le plus tôt, les scientifiques signalent qu’une remontée nette du nombre de cas est signalée depuis deux jours (460 000 cas le 18 janvier), en particulier chez les moins de 15 ans et les 30-44 ans. Le Conseil estime qu’il s’agit d’un effet « rentrée des classes » : le virus circule intensément à l’école et les élèves le transmettent ensuite à leurs parents.
S’il est reconnu que le variant Omicron provoque moins de formes graves que le variant Delta, le très grand nombre d’infections conduit, statistiquement, à un nombre d’hospitalisations qui reste très élevé : il y a, à ce jour, quelque 28 000 patients hospitalisés pour covid-19 (précisément 27 931), ce qui n’est pas loin du pic d’hospitalisation connu au pire des précédentes vagues (30 000). En revanche, la situation est moins dramatique que lors de celles-ci en termes d’occupation des lits de réanimation, avec un chiffre qui reste en-dessous des 4 000 (contre plus de 6 000 au pire de la première vague).
Le système hospitalier va donc rester « en tension très forte » jusqu’à « la mi-mars », estiment les scientifiques, qui pointent la dichotomie entre le ressenti de la population (« l’impression d’avoir évité le pire » ) et la situation réelle dans les hôpitaux, peu différente de celle connue lors des précédentes vagues. Et ils soulignent un problème grave : si les services de réanimation seront sans doute moins saturés, les lits d’hospitalisation classique le sont et le seront davantage, avec pour conséquence « une déprogrammation des malades médicaux (cancers, maladies chroniques) plus marquée ».
Les conséquences, à long terme, de ces périodes successives de déprogrammation massive des soins ne sont pas encore connues, mais il y a hélas fort à parier qu’elles s’ajouteront, à terme, au bilan déjà dramatique du covid-19.
Alerte sur le covid long
Autre question soulevée par les scientifiques : celle de la proportion de « covid longs » chez les patients atteints par le variant Omicron. Les précédentes variations du virus provoquaient des symptômes encore visibles au bout de cinq semaines chez 20 % des patients, et au bout de trois mois chez 10 % d’entre eux. Si cette proportion restait la même avec Omicron, les conséquences pourraient être significatives sur le système de santé : 10 % de 14 millions de personnes infectées représentent en effet 1,4 million de malades pouvant, à titre d’hypothèse, être touchés par un covid long.
« Il conviendra, préviennent les scientifiques, de veiller à ce que les moyens humains et financiers soient alloués à la prise en charge nécessairement prolongée dans le temps de ces patients, notamment pour les métiers de la rééducation et de la santé mentale indissociables du parcours de soin ».
Tests : le système a « tenu bon »
Une partie de l’avis du Conseil scientifique est consacrée à la stratégie de dépistage. Si les scientifiques reconnaissent l’utilité (et l’efficacité) des autotests, ils notent cependant que ceux-ci « entraînent une perte d’information pour le suivi des cas (plus de possibilité d’enregistrement des cas sur Sidep si les personnes positives en autotest ne se font pas confirmer avec un test antigénique ou PCR) ».
La très forte contagiosité d’Omicron a conduit, poursuivent les scientifiques, à « une forme de saturation à la fois des acteurs du diagnostic (laboratoires et pharmacie), mais aussi du système assurant le suivi des cas (délai de rendu allongé à plus de 36 h, saturation de Sidep ». Le système a toutefois « tenu bon ».
Le Conseil recommande de conserver le système actuel (PCR, antigénique et autotests), avant de se poser la question « d’une utilisation plus marquée des autotests » à partir du mois de mars, lorsque le niveau de contagion sera revenu à des niveaux plus faibles.
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