La police de la publicité est désormais obligatoirement exercée par les maires et les présidents d'intercommunalité
Par Franck Lemarc
Les multiples demandes des associations d’élus, AMF en tête, pour repousser l’application de la réforme, n’ont pas infléchi le gouvernement : la décentralisation de la police de la publicité est devenue effective le 1er janvier, ce qui signifie que désormais, ce sont les maires et les présidents d’intercommunalité qui exercent cette compétence en lieu et place des préfets.
Pour que la loi s’applique à la date prévue, il restait à publier un décret, qui a été rejeté par trois fois par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes. Mais le gouvernement est passé en force et a publié le decret… le 31 décembre.
Pas de transfert « à la carte »
Rappelons que jusqu’à présent, la compétence de police de la publicité était exercée par les préfets dans les communes non couvertes par un RLP (règlement local de publicité). Lorsqu’il existe un RLP, c’est le maire qui exerce la compétence.
La loi Climat et résilience du 22 août 2021 a changé la donne : son article 17 dispose en effet qu’à compter du 1er janvier 2024, « les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le maire au nom de la commune ». Exit donc le préfet. La loi prévoit ensuite des règles assez compliquées en matière de transfert à l’intercommunalité. Ce transfert, prévoyait la loi, est obligatoire pour les communes de moins de 3 500 habitants. Pour les communes de plus de 3 500 habitants, deux cas sont possibles : si l’EPCI auquel appartient la commune est compétent en matière de PLU ou de règlement local de publicité, le transfert est obligatoire. S’il ne l’est pas, le transfert est impossible.
On le voit, les règles fixées par la loi étaient particulièrement rigides. Il n’existait qu’un seul cas où les maires pouvaient s’opposer au transfert, entre le 1er janvier et 1er juillet de cette année : lorsque l’EPCI est compétent en matière de PLU ou de RLP, dans les communes de plus de 3 500 habitants. Dans tous les autres cas, transfert comme non-transfert étaient obligatoires : dans les EPCI qui n’exercent pas la compétence PLU ou RLP, les maires des communes de moins de 3 500 habitants ne peuvent pas s’opposer au transfert de la compétence police de la publicité au président de l’intercommunalité ; et dans les communes de 3 500 habitants et plus, à l’inverse, les maires devront obligatoirement assurer cette compétence, sans possibilité de transfert. On était très loin, assurément, de « l’intercommunalité à la carte » prônée par l’AMF et du « cousu-main » longtemps mis en avant par le gouvernement.
L’AMF n’a cessé de s’opposer à ces dispositions, jugeant « inacceptable » qu’il n’existe quasiment aucune « possibilité de renonciation ou d’opposition » des maires et des présidents d’intercommunalité. Elle a donc demandé, lors de plusieurs séances du Cnen, le report de l’application de ces dispositions et leur « révision pour permettre aux maires de s’organiser librement ».
Ces dispositions ont finalement été assouplies dans la loi de finances pour 2024, sur proposition de l'AMF : l'article 250 de la loi de finances supprime la phrase « dans les communes de moins de 3 500 habitants, ces prérogatives sont transférées au président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, y compris lorsque cet établissement n'est pas compétent en matière de plan local d'urbanisme ou de règlement local de publicité ». Autrement dit, il n'y a plus de transfert automatique pour les communes de moins de 3 500 habitants, si l'EPCI n'est pas compétent en matière de PLU ou de RLP : si la communauté n'est pas compétente, il n'y a pas de transfert. Ce qui, rappelle l'AMF, n'empêche pas de mutualiser la compétence, au volontariat.
Impact financier
L’AMF a également soulevé la question du coût financier de ces mesures : « La formation des agents à ce dispositif technique, le temps de travail à l’élaboration des règlements locaux de publicité et à leur suivi représentent une charge financière conséquente », ce qui a amené l’association à demander « un accompagnement de l’État », non seulement financier mais aussi technique. Les services de l’État se sont contentés de répondre que « des formations ont été ouvertes ».
Comme c’est bien souvent le cas ces dernières années, il faut préciser que l’État n’a pas sérieusement évalué l’impact financier de ces dispositions. Si l’on regarde dans l’étude d’impact de la loi Climat et résilience, la compensation prévue pour l’application de cet article est ridicule : l’étude se base en effet sur le fait que « 59,04 équivalents temps plein » sont consacrés, dans les préfectures, « aux missions de contrôle et d’instruction publicité ». « La compensation financière à verser aux collectivités territoriales devrait être dans ces conditions calculée sur la base des 59,04 ETP affectés à ces missions » !
Par ailleurs, le décret met en place un « guichet unique » pour le dépôt des déclarations préalables et demandes d'autorisations préalables, quel que soit le transfert de compétence opéré. Ces demandes et leur traitement devront obligatoirement se faire par voie dématérialisée... alors que les services de l'État, quand ils étaient chargés du dispositif, ne se voyaient pas imposer cette obligation ! L'AMF a, là encore, dénoncé « l'impact technique et financier considérable de ce dispositif », par exemple « pour l’évolution des logiciels dédiés, la formation des agents instructeurs et secrétaires de mairie, le coût du traitement des demandes ».
Mobilier urbain
Signalons enfin que le décret paru le 31 décembre corrige « une erreur rédactionnelle » qui a été lourde de conséquences. Une erreur de rédaction d’un décret de 2015 a en effet conduit à interdire que le mobilier urbain supporte de la publicité dans les communes de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants – ce qui n’était pas la volonté du législateur.
De nombreux élus de petites agglomérations demandaient depuis longtemps la correction de cette erreur, qui leur interdisait de fait à recourir à la publicité pour financier leur mobilier urbain. Le décret fait suite à cette demande et corrige l’erreur : la possibilité d’apposer de la publicité sur du mobilier urbain est rétablie dans les communes de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie d’une unité urbaine de plus de 100 000 habitants. Attention : cette modification ne concerne que la publicité « classique » : les publicités numériques restent en revanche interdites sur le mobilier urbain de ces communes.
Pour en savoir plus : lire la fiche de Maires de France consacrée aux modalités du transfert.
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