Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 11 avril 2024
Santé publique

La loi « Bien vieillir » a été promulguée

Outre les diverses mesures concernant les Ehpad, la loi autorise les maires à collecter et partager certaines données des personnes âgées et handicapées. Elle prévoit aussi la création d'un « service public départemental de l'autonomie » et une « cellule de recueil » des signalements de maltraitance.

Par A.W.

Critiquée pour ses « faibles avancées », la loi portant « mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie »  a été promulguée, mardi, au Journal officiel, après un ultime vote du Sénat à la fin mars. 

Qualifié de « texte d'attente »  par les oppositions en lieu et place de la « grande loi »  initialement voulue par le gouvernement, celui-ci comprend une série de mesures visant à lutter contre l'isolement des personnes âgées ou handicapées, prévenir la perte d'autonomie ou encore faciliter les signalements liés à la maltraitance. 

Autonomie : un guichet unique

La loi prévoit, d'abord, l'organisation au moins tous les trois ans d'une conférence nationale de l’autonomie (composée de représentants des conseils départementaux), sur le modèle de la conférence nationale du handicap, « afin de définir des orientations et de débattre des moyens de la politique de prévention de la perte d’autonomie ».

Elle crée aussi un service public départemental de l'autonomie (SPDA) pour les personnes âgées, handicapées et les proches aidants. Ce « guichet unique »  doit faciliter leurs démarches et garantir la continuité de leur parcours et leur maintien à domicile. 

Des conférences territoriales de l’autonomie (chacune présidée par le président du conseil départemental ou le président de la collectivité exerçant les compétences des départements) seront chargées de piloter le dispositif dans les départements et d'allouer les financements nécessaires. Celles-ci peuvent, en outre, créer des commissions compétentes pour « chaque territoire de l'autonomie ».

A cela s'ajoutent, dans chaque département, des équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques – « indépendantes de toute activité commerciale »  – qui accompagneront « individuellement les personnes âgées et les personnes handicapées dans l'évaluation de leurs besoins, dans le choix et la prise en main des aides techniques et dans la définition des aménagements de logement correspondant à leurs besoins ».

La création d’un groupement territorial social et médicosocial doit, par ailleurs, permettre aux établissements de « mettre en œuvre un parcours coordonné des personnes âgées accompagnées ». « À l'exception de ceux gérés par un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou une collectivité territoriale », les établissements ou service médico-social auront ainsi « l'obligation d'adhérer »  à un groupement hospitalier ou à un groupement territorial social et médico-social. Ce qui inquiète l’AMF qui « ne souhaite pas que cela finisse par conduire à des fusions ou des mutualisations comme cela s’est passé pour les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ».

Âge et handicap : les données collectées par les maires

Afin de « favoriser l'intervention »  des services sanitaires, des CCAS ou des CIAS ainsi que des établissements et des services sociaux et médico-sociaux, les maires peuvent désormais recueillir certaines données (l'identité, l'âge et le domicile) des personnes âgées et des personnes en situation de handicap qui « sollicitent une telle intervention », mais aussi accéder aux fichiers des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH), sauf opposition de leur part.

Les services sociaux et sanitaires pourront ainsi accéder aux registres des personnes vulnérables tenus par les mairies dans le but de « lutter contre l’isolement social »  des personnes âgées ou handicapées et mieux les « informer [sur les] dispositifs d'aide et d'accompagnement », par exemple, en cas de crise sanitaire ou de canicule. Cela doit aussi permettre d’organiser « un contact périodique »  avec les personnes répertoriées « lorsque le plan d'alerte et d'urgence est mis en œuvre ».

Le texte prévoit avant la fin 2024, puis « tous les cinq ans », une « loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge »  qui devra déterminer « la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie des personnes âgées, pour une période minimale de cinq ans », celui-ci devant notamment définir « les moyens mis en œuvre par l’État »  pour assurer le bien-vieillir. « Il conviendra, en effet, que cette loi prévoit des financements dédiés et non sur les budgets communaux aujourd’hui très contraints et qui doivent déjà pallier les déficits des Ehpad publics (85% sont déficitaires) », explique l'AMF.

Ehpad : droit de visite, cellule d'alerte et tarification

Plusieurs mesures concernent directement les Ehpad. Le texte prévoit ainsi que les personnes qui y sont prises en charge se voient reconnaître le droit de « recevoir chaque jour tout visiteur de leur choix », sans information préalable de l'établissement, sauf si celui-ci « constitue une menace pour l'ordre public »  ou pour « la santé du résident, pour celle des autres résidents ou pour celle des personnes qui y travaillent ». 

Un « droit absolu »  de recevoir une visite quotidienne est même reconnu aux personnes « en fin de vie ou en soins palliatifs », même en cas de crise sanitaire. 

L’instauration d’une « cellule de recueil et de traitement des alertes »  en cas de maltraitance de personnes âgées ou handicapées vulnérables est également prévue au niveau départemental. Cette mesure fait écho aux révélations du livre Les Fossoyeurs, publié en 2022, dans lequel de nombreuses négligences importantes avaient été révélées au sein des établissements du groupe Orpea, renommé Emeis depuis le mois dernier.

À noter, également, que les agences régionales de santé, après consultation du président de département, pourront instaurer, à titre expérimental entre juin 2024 à juin 2026, « un quota minimal de chambres réservées à l’accueil de nuit »  dans les Ehpad et dans les résidences autonomie. L’objectif est d’accorder « un peu de répit aux proches aidants ou rassurer les personnes âgées vivant seules ».

Les Ehpad publics autonomes devront, par ailleurs, « coopérer dans le cadre des nouveaux groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS) »  et « le forfait soins des établissements pourra être mobilisé pour financer des actions de prévention de la perte d'autonomie »  indique le site vie-publique, réalisée par la Direction de l’information légale et administrative (Dila), qui est rattachée à Matignon. En outre, « les Ehpad habilités à l’aide sociale pourront bénéficier d’une souplesse encadrée dans la fixation de leurs tarifs d'hébergement ».

On peut également rappeler qu'une mesure visant à faire perdre aux maires leur pouvoir de nomination des directeurs d’Ehpad n'a finalement pas été retenue par la comission mixte paritaire. Une disposition à laquelle s'était opposée l'AMF puisque les communes gèrent un très grand nombre d’Ehpad publics et que les maires sont présidents des conseils d’administration des Ehpad communaux.

Si « d’autres mesures intéressent le contrôle des Ehpad »  (déclaration des prises de contrôle des gestionnaires d’établissements à l’autorité de tutelle, qui pourra s’y opposer dans les deux mois ; échanges d’informations facilités entre les agences régionales de santé (ARS), les départements et la répression des fraudes...), le site rappelle que, afin de prévenir et de lutter contre la dénutrition, « les règles relatives à la quantité et à la qualité nutritionnelle des repas proposés en Ehpad seront fixées par un cahier des charges établi par arrêté des ministres chargés des personnes âgées et de l’alimentation ».

Plusieurs autres mesures en faveur des aides à domicile (carte professionnelle sera délivrée d'ici 2025, aides financières de la CNSA créées au profit des départements…) et de l'habitat inclusif sont également inscrites dans la loi.

Consulter le texte.

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