La CSNP relance le débat autour du service universel des télécommunications
Par Lucile Bonnin
Créé historiquement en 1996 pour fournir un raccordement au réseau téléphonique et une offre de service téléphonique à tous, ce service universel a ensuite été étendu à l'accès haut débit à internet, après l'entrée en vigueur de la transposition du nouveau Code européen des communications électroniques en 2021.
Mais, aujourd’hui, que reste-t-il du service universel ? Plus la fin du cuivre approche, plus le vide juridique autour du droit au très haut débit pour tous inquiète. En effet, depuis 2020, le service universel n’est plus assuré par Orange. Laissé à l’abandon avec « un flou sur les responsabilités réelles de chacun », le service universel ne peut plus jouer un rôle déterminant pour garantir un « accès à internet, à un débit adéquat, pour tous, à un prix abordable, avec un niveau de qualité adéquat ».
C’est ce que regrette la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) qui vient de publier un avis sur le sujet, comprenant huit recommandations dans le but de mettre à jour ce principe de service universel des télécommunications.
Garantir « l’universalité de l’accès à internet »
Alors que le gouvernement promet un droit au très haut débit pour tous, le service universel doit être réformé. C’est que propose la CSNP qui rappelle que le service universel est essentiel pour respecter l’égalité d’accès et maintenir une cohésion territoriale.
Cette cohésion territoriale est d’ailleurs largement menacée aujourd’hui. Par exemple, « environ 500 000 locaux restent en situation de zone blanche ou de zone grise, c’est-à-dire sans accès effectif à un internet fixe de qualité suffisante, souvent dans les zones rurales, de montagne ou ultra-marines », rappellent les parlementaires membres de la CSNP. Le constat n’est pas davantage brillant concernant le mobile : « La couverture 4G atteint 99,7% de la population mais seulement 94 % du territoire » laissant ainsi certaines zones rurales et de montagne avec de graves défauts de couverture.
Pour changer la donne, les parlementaires appellent à « définir et garantir des performances minimales en débits montants et descendants (1) ». D’autres pays européens, comme l’Allemagne, l’ont précisé dans le périmètre du service universel par exemple. Les parlementaires argumentent en expliquant qu’une « révision régulière des seuils adaptée aux nouveaux usages permettrait de tenir compte des évolutions technologiques et des besoins sociaux. »
La CSNP recommande également de maintenir un service universel des télécommunications centré sur les technologies filaires et d’introduire les autres technologies dans le périmètre du service universel pour seuls les cas les plus complexes.
En matière de tarification, les parlementaires rappellent que ce service universel doit « garantir l’accessibilité financière à l’ensemble des solutions d’accès à Internet » . Les parlementaires soulignent au passage que le service universel doit aussi prendre en compte la situation des départements d’outre-mer où les services de téléphonie et Internet sont quasiment 30 % plus chers en Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion, comparés à la métropole.
Plan communal de sauvegarde (PCS)
Face à l'intensification des événements climatiques extrêmes en France (inondations, tempêtes, fortes chaleurs, etc.), les parlementaires jugent aussi primordial de « renforcer la notion de résilience dans les obligations du service universel ».
Les membres de la CSNP préconisent ainsi « d’intégrer les réseaux de télécommunications dans les Plans Communaux de sauvegarde (PCS) afin qu’ils soient reconnus comme des infrastructures critiques essentielles au bon fonctionnement des dispositifs d’alerte, de coordination des secours et d’information de la population. »
Depuis juin 2025, l’Arcep a entamé un nouveau cycle de réflexions autour du sujet de la résilience des réseaux mobiles et fixes pour garantir « le bon fonctionnement des réseaux et la capacité des opérateurs à rétablir le service dans les meilleurs délais en cas de panne ». La question du service universel y sera certainement étudiée (lire Maire info du 3 juin 2025).
Le service universel divise
Depuis 2020, la reconstruction du service universel est réclamée par certains tandis que d’autres préfèrent ignorer la question.
Pourtant, refixer le cadre et les objectifs du service universel est aujourd’hui inévitable. Le déploiement de la fibre a entraîné un changement de paradigme avec une démultiplication du nombre d’opérateurs et d’acteurs œuvrant pour la connectivité des territoires. Le sénateur de l’Ain, Patrick Chaize, plaidait déjà en 2023 pour le retour d’un service universel efficace : « Il faut du temps pour convaincre le niveau parisien et même les opérateurs qui préféreraient ne pas avoir de contraintes supplémentaires, mais il faut que chacun prenne ses responsabilités. »
Du côté de l’État, la Cour des comptes rappelait, dans un rapport publié en avril (lire Maire info du 4 avril), que la Direction générale des entreprises (DGE) n’était pas favorable à la mise en place d’obligations de service universel qui pèseraient sur les opérateurs de télécommunications dès lors que « des offres sont disponibles à des prix abordables en comparaison des autres pays européens ». La DGE estime que si aucun opérateur de réseau de fibre optique n’a été désigné opérateur de service universel, cela ne pose pas de difficultés puisqu’ « Orange en fait de facto office, par le biais de ses offres d’abonnement à caractère social. »
Certains parlementaires, à l’instar de Patrick Chaize, tentent ces dernières années d’instaurer un cadre législatif qui contraindrait davantage les opérateurs pour raccorder à la fibre tous les citoyens, à défaut de voir le service universel faire son grand retour.
(1) Le débit Internet se compose de deux types de débits : descendant (« download » ) et ascendant (« upload » ). Le débit descendant correspond à la vitesse à laquelle un appareil connecté va télécharger et recevoir les données. A contrario le débit ascendant est la vitesse à laquelle votre appareil va envoyer des données sur le réseau Internet, par exemple pour envoyer des mails, poster des photos sur les réseaux sociaux ou organiser une visioconférence. (Source : Orange)
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