Projet de loi sur le respect des principes de la République : ce que les collectivités doivent en retenir après la première lecture
L’Assemblée nationale avait fait le plein pour ce scrutin : le texte a été adopté par 347 voix contre 151. Chacun est resté sur ses positions : côté opposition, on a parlé « d’un rendez-vous manqué », d’un texte « plein de silences et d’oublis » ; « qui esquive le débat » ; côté majorité, on a salué « un texte de combat », « majeur », « équilibré et courageux ».
Avant son envoi au Sénat, voici les principales dispositions contenues dans ce texte qui concernent les collectivités.
Service public, fonctionnaires, laïcité
Le texte étendrait le principe de laïcité et de neutralité aux délégataires de service public, y compris de droit privé, ainsi qu’aux services de transport librement organisés et aux bailleurs sociaux. Les éventuels sous-traitants d’un délégataire de service public seraient également concernés par ces obligations.
Les fonctionnaires seraient désormais systématiquement « formés au principe de laïcité ».
Toutes les collectivités territoriales devraient avoir à désigner un référent laïcité, chargé « d’apporter tout conseil utile au respect du principe de laïcité ».
Les sanctions pénales seraient durcies pour les actes de violence à l’égard des personnes exerçant une mission de service public. Les collectivités seraient tenues, lorsqu’elles ont connaissance d’un risque d’atteinte à l’intégrité physique d’un fonctionnaire, de « prendre des mesures d’urgence de nature à faire cesser ce risque ».
Tout membre du conseil municipal serait désormais « tenu à l’obligation de neutralité (et) au respect du principe de laïcité » lorsqu’il exerce par délégation des attributions dont le maire est chargé au nom de l’État, par exemple comme officier d’état civil.
Associations
Toute association demandant une subvention devrait maintenant signer un « contrat d’engagement républicain », dans lequel elles s’engageraient à respecter les grands principes de la République, l’ordre public ou encore les symboles de la République. Les collectivités auraient le droit de retirer une subvention à une association qui ne tiendrait pas cet engagement, et à exiger le remboursement des sommes versées.
Droits des femmes
Le texte introduit plusieurs mesures de lutte contre la polygamie, et interdit l’établissement des certificats de virginité (qui seraient, pour les médecins qui les pratiquent, assimilés à un viol ou une agression sexuelle). Les entretiens individuels que les officiers d'état civil doivent avoir avec les époux en cas de suspicion de mariage forcé se feraient sur la base d’un « document unique commun » à toutes les communes.
Instruction en famille
Alors qu’initialement, le gouvernement souhaitait interdire purement et simplement l’instruction en famille, sauf très rares exceptions, et ce dès la rentrée prochaine, il a beaucoup reculé lors de l’examen du texte. L’instruction en famille serait maintenant soumise à un régime d’autorisation, mais les motifs d’autorisation sont assez larges et parfois particulièrement flous, comme « l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif ». Un régime transitoire est prévu jusqu'à la rentrée 2024. Sous réserve d'un contrôle au cours la prochaine année scolaire, les autorisations seraient systématiquement accordées aux familles ayant déjà instruit leurs enfants à domicile avant le vote de la loi. Cette autorisation serait valable pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, le nouveau dispositif entrant réellement en vigueur à la rentrée de septembre 2024.
Les maires seraient systématiquement informés de la délivrance d’une autorisation à instruire en famille. Les enfants instruits en famille seraient rattachés administrativement à un établissement scolaire. Chaque enfant « soumis à l’obligation d’instruction » se verrait attribuer un identifiant national, afin notamment « de renforcer le suivi de l’obligation d’instruction par le maire ».
Pour ce qui concerne les établissements privés, le texte prévoit de renforcer les possibilités de fermeture administrative par les préfets en cas de manquements, ainsi que les sanctions à l’égard de leurs responsables.
Cultes
Le texte ajoute à la loi de 1905 un article disposant notamment que les associations cultuelles ne peuvent « sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions (…) des collectivités territoriales ou de leurs groupements ». Ne sont néanmoins « pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu’ils soient ou non classés monuments historiques ».
Les contrôles seraient renforcés sur les associations cultuelles, notamment pour éviter qu’elles bénéficient de financements étrangers. Idem pour les lieux de culte : le texte codifie de façon plus précise les conditions dans lesquelles les préfets peuvent les faire fermer dans le cas, notamment où des propos y sont tenus « provoquant à la haine ou à la violence ».
Le texte interdit expressément « la tenue de réunions politiques dans un lieu servant habituellement à l’exercice du culte », et d’y « afficher, distribuer ou diffuser de la propagande électorale ». Il est également interdit d’y organiser des opérations de vote pour les élections politiques « françaises ou étrangères ».
Le texte va maintenant être transmis au Sénat, où son examen démarre en séance publique le 30 mars.
Franck Lemarc
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