Projet de loi « séparatisme » : de nombreuses mesures concerneront directement les collectivités locales
Le président de la République, Emmanuel Macron, a donné vendredi un certain nombre d’indications sur le contenu de la future loi contre « les séparatismes », qui sera présentée le 9 décembre en Conseil des ministres. Il a annoncé, entre autres, la fin de l'instruction à domicile et l’obligation de neutralité pour les salariés des entreprises délégataires d’une mission de service public.
Agir « sans tabous mais sans facilité ». C’est l’axe qu’a donné le chef de l’État à son gouvernement pour élaborer le projet de loi baptisé « contre les séparatismes » mais qui, très clairement et de façon assumée, est spécifiquement dirigé vers la lutte contre l’islamisme radical. Le président l’a dit dès le début de son discours : « Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste. » Pour Emmanuel Macron, cette « lutte » doit s’organiser autour d’actions immédiates, avec des mesures sur l’école, les services publics, les associations ; et avec des actions de plus long terme vis-à-vis des quartiers populaires : « Nous avons nous-mêmes construit notre propre séparatisme. C’est celui de nos quartiers, c’est la ghettoïsation que notre République, avec initialement les meilleures intentions du monde, a laissé faire. »
Le président de la République a d’abord détaillé les actions mises en œuvre « de manière extrêmement confidentielle » dans une quinzaine de quartiers pour démanteler des réseaux islamistes : « 212 débits de boisson, 15 lieux de cultes, 4 écoles, 13 établissements associatifs et culturels » ont été fermés. Cette méthode d’enquête et d’intervention a donc été étendue à « l’ensemble du territoire » depuis l’hiver dernier, avec des « cellules de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire » dans chaque département.
Obligation de neutralité
Concernant les mesures qui seront intégrées au projet de loi, un premier axe touche aux services publics. Deux éléments sont à retenir. Le premier est que le gouvernement souhaite empêcher des élus qui seraient « sous pression » de prendre des mesures telles que l’instauration de menus confessionnels dans les cantines ou la différenciation des horaires de piscine entre les hommes et les femmes. Afin de « protéger nos élus face à de telles pressions », la loi va permettre au préfet de « suspendre les actes municipaux correspondant à ces situations ». Voire, si la décision n’est pas appliquée, « à se substituer à l’autorité locale ».
Deuxième axe : la neutralité des services publics. Si elle est acquise pour les fonctionnaires ou les agents directement employés par les collectivités ou l’État, a constaté le chef de l’État, il n’en va pas de même dans les entreprises privées titulaires de délégations de service public. Emmanuel Macron a cité les transports collectifs par exemple, mais les délégations de service public touchent bien d’autres domaines – déchets, traitement de l’eau, énergie, etc. L’obligation de neutralité sera « étendue aux salariés des entreprises délégataires », a affirmé le président. Une mesure qui, à l’évidence, sera complexe à appliquer. D’autant que son périmètre n’est pour l’instant pas clair. Emmanuel Macron a cité l’exemple de l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, où plusieurs dizaines de personnes « radicalisées » auraient été repérées. Mais identifier qui, sur une plate-forme qui emploie quelque 80 000 salariés, doit être ou non considéré comme délégataire d’une mission de service public, ne va pas être simple.
Contrôle renforcé pour les associations
Un autre chapitre de la loi sera consacré aux associations. « Piliers de notre pacte républicain », les associations doivent, pour le chef de l’État, faire l’objet d’une attention particulière. Elles doivent « unir la nation et pas la fracturer ». De nouveaux moyens vont être donnés au gouvernement pour dissoudre des associations en Conseil des ministres – elles ne peuvent l’être aujourd’hui que pour un certain nombre de motifs limités. Les faits « d’atteinte à la dignité de la personne » et de « pressions psychologiques » seront par exemple, dans le projet de loi, des motifs permettant la dissolution d’une association.
Par ailleurs, il sera désormais obligatoire pour les associations qui touchent des subventions publiques, qu’elles viennent de l’État ou des collectivités locales, de signer « un contrat de respect des valeurs de la République ». Si le contrat est rompu, les associations devront « rembourser » les subventions perçues. Comment tout cela sera-t-il contrôlé, par qui, avec quels moyens ? Pas d’indication sur ce sujet, pour l’instant. Pour les milliers d’associations sportives ou culturelles qui touchent des subventions des communes ou des intercommunalités, le travail promet d’être considérable.
Fin de l’instruction à la maison
« Troisième pilier » de la stratégie du gouvernement : l’école. Le chef de l’État a décidé de prendre une décision radicale, « une des plus radicales depuis les lois de 1882 », selon lui : l’instruction se fera désormais obligatoirement à l’école. Autrement dit, sauf exceptions liées, par exemple, à des problèmes de santé, l’instruction à la maison va être interdite dès 3 ans. Il y a en effet, selon le gouvernement, quelque 50 000 enfants qui suivent une éducation à domicile – « un chiffre en constante augmentation » – dont un certain nombre sont, en réalité, envoyés dans des écoles religieuses souvent « illégales ».
Cette mesure entrera en vigueur dès la rentrée 2021, a affirmé Emmanuel Macron. Par ailleurs, le contrôle sur les établissements hors contrat va être encore « renforcé ».
« Le concret des vies »
Beaucoup d’autres mesures ont été annoncées dans ce long discours, allant d’un meilleur encadrement des financements venant de l’étranger à la formation des imams ou à la gouvernance des mosquées. Au-delà, le chef de l’État a voulu insister sur le fait que la lutte contre la radicalisation religieuse dépendait aussi de la capacité de la République à redonner de « l’espoir » à tous les jeunes, à les intégrer, à leur permettre d’avoir un emploi, un logement décent, un égal accès aux services publics : « Il faut refaire entrer la République dans le concret des vies. » Le chef de l’État souhaite y parvenir en renforçant les différents dispositifs mis en place au fil de ces dernières années, allant des maisons France service à l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, des cités éducatives aux « vacances apprenantes ». La lutte contre le racisme sera elle aussi musclée, ainsi que les mesures contre le développement de la pauvreté. En particulier, Emmanuel Macron a annoncé « une réforme profonde » du logement social, sans donner, pour l’instant, plus de détails.
On en saura peut-être plus dans la journée, après une rencontre avec la presse organisée sur ce sujet, aujourd’hui, par les ministres en charge de ce dossier, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa.
Franck Lemarc
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