Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 18 novembre 2024
Élus locaux

L'exercice du mandat a un impact sensible sur la santé des maires

Publiée le 15 novembre, une enquête menée par Sciences Po et le CNRS, à laquelle près de 5 000 élus ont répondu, révèle notamment la charge mentale importante liée à une fonction jugée chronophage, complexe et stressante par les maires. Même si leur intérêt pour l'exercice du mandat perdure.

Par Xavier Brivet

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[Article initialement paru sur le site Maires de France]

« Les maires estiment, de manière massive (83%), que leur mandat est usant pour la santé » : tel est le principal (et inquiétant) enseignement de l’enquête pilotée par deux sociologues du Centre de sociologie des organisations (Sciences Po et CNRS), avec le soutien de l’AMF, publiée le 15 novembre. Intitulée « Être maire aujourd’hui : engagés, débordés, malmenés : quels effets sur la santé ? », l’enquête « ELUSAN : les élu.es et leur santé »  a été réalisée entre le 17 mai et le 28 juin 2024 (4 928 maires ont répondu).

Un mandat « qui engage fortement » 

Premier enseignement, le mandat de maire engage fortement les élus : si le temps consacré à la fonction de maire connaît d’importantes variations liées à la situation personnelle des élus, comme l’avait montré l’enquête du Cevipof publiée en novembre 2023, « 62% [des répondants à l’enquête de 2024] sont tout à fait d’accord et 33 % plutôt d’accord »  pour estimer que leur mandat « implique des sacrifices personnels importants ». En cause, principalement, « un poids partagé des horaires atypiques »  liés à l’exercice du mandat (activités régulières en soirée ou le samedi matin et, plus occasionnellement, sur l’ensemble du week-end) qui « débordent amplement sur des temps en principe dévolus au repos et à la vie privée »  (familiale, notamment), notent les auteurs de l’enquête, a fortiori quand les élus cumulent leur mandat avec une activité professionnelle.

Une fonction attractive mais exigeante

Deuxième enseignement, l’exercice du mandat est une source d’intérêt et de satisfaction pour la majorité des maires ayant répondu à l’enquête (72,5 % ont le sentiment de faire quelque chose d’utile pour les autres, 66,2 % de faire ou apprendre des choses nouvelles). Mais les mêmes soulignent la pénibilité du mandat liée à la multiplicité des activités à mener de front. Parmi les activités vécues comme pénibles figurent « le montage de dossiers pour demander des subventions, la gestion des conflits dans la commune, les injonctions de la Préfecture, les querelles de voisinage, l’excès de règlementation, les tensions dans l’équipe, la gestion quotidienne du personnel, la déloyauté, les annonces de décès, les litiges avec les administrés, les imprévus perpétuels, les contraintes administratives, les incivilités et infractions ».

Cette pénibilité, bien qu’exprimée de manière hétérogène par les élus selon la strate démographique de leur commune et leur expérience personnelle, « traduit le fait que la fonction de maire est traversée par une tension majeure entre contraintes ou exigences du mandat d’une part, et engagement et mobilisation dans le mandat, d’autre part », soulignent les sociologues.

Un exercice « qui génère fatigue et surmenage » 

Troisième enseignement de l’enquête, dans un domaine assez peu documenté jusqu’à présent : le mandat de maire, chronophage, intensément investi et exigeant, a des incidences sur la santé des élus. Ainsi, « 83 % des maires estiment que leur mandat est usant pour la santé ». Cette usure se traduit par la déclaration de troubles du sommeil, de coups de fatigue ou de moment de lassitude « qui sont des états permanents pour un quart à un tiers des maires »  ayant répondu, particulièrement dans les petites communes, notent les sociologues. Ils constatent que « la fatigue du maire, au sens d’une fatigue physique qui peut émousser ou miner la santé, n’est pas une légende. C’est plutôt un constat partagé massivement par les femmes et hommes qui exercent le mandat ».

Une charge mentale et des « risques psychosociaux » 

Les auteurs de l’enquête estiment que « la charge mentale du mandat apparaît potentiellement plus lourde que la charge physique ». L’exercice du mandat de maire est « typique de conditions de travail comportant des risques psychosociaux », alertent-ils. Ainsi, 64,8% des maires « déclarent vivre des situations où il leur faut souvent penser à trop de choses à la fois et 40,1% où ils sont souvent sous pression ».

Un phénomène d’autant plus inquiétant que cette charge mentale est « peu partagée et reste un tabou car en parler peut compromettre la légitimité du maire ou sa capacité à bien exercer sa mission », notent les sociologues. « Bien souvent, soulignent-ils, les maires sont renvoyés à eux-mêmes pour gérer cette charge mentale, la supporter ou s’en accommoder, parfois jusqu’au trop-plein ». Dans ce contexte, près de 45 % des maires interrogés indiquent avoir pensé à s’arrêter ou à démissionner (contre 52 % « jamais » ). « Plus la taille de la commune diminue, plus la démission est envisagée », constatent les sociologues, soulignant que les maires des petites communes « sont confrontés à des conditions d’exercice dégradées, caractérisées notamment par une faiblesse des moyens techniques et humains, un volume important de sollicitations directes, une exposition plus forte dans l’espace public local ».

Les principaux résultats de l’enquête seront présentés, mardi 19 novembre, lors du forum sur l’évolution du statut de l’élu (10h-11h30) organisé dans le cadre du 106e congrès de l’AMF.

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