Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 2 septembre 2019
Élus locaux

L'été des maires endeuillé par le drame de Signes

Pour tous les maires de France, ce mois d’août aura été marqué par la terrible nouvelle de la mort de Jean-Mathieu Michel, maire de Signes, dans le Var - qui a suscité une profonde émotion bien au-delà de la communauté des élus. 
C’est le lundi 5 août que Jean-Mathieu Michel a trouvé la mort, percuté par la camionnette de deux contrevenants qui étaient en train de déverser des déchets sur un chemin communal. L’élu de 76 ans, à la tête de sa commune depuis 1983, était venu personnellement signifier aux deux hommes que ce dépôt était illégal. C’est en repartant que la camionnette a heurté - apparemment accidentellement - le maire, le blessant mortellement. 
« Quelles que soient les circonstances de ce drame, rien ne peut justifier que le maire d’une commune perde la vie alors qu’il constate une infraction, en application des pouvoirs de police que lui donne la loi. C’est inacceptable », a réagi l’AMF au lendemain du drame. Pendant les jours qui ont suivi l’accident, un peu de lumière a, pour une fois, été jetée sur la problématique des violences - physiques et verbales - auxquelles sont confrontés les maires dans l’exercice de leurs fonctions : menaces, insultes, graffitis injurieux, lettres anonymes, posts haineux sur les réseaux sociaux, agressions physiques parfois… pendant tout le mois d’août, les témoignages se sont multipliés et l'exécutif, président de la République en tête, a lui-même pris position pour dénoncer ces violences et appeler à trouver des solutions. Lors des obsèques de Jean-Mathieu Michel, la ministre des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a lu un message d’Emmanuel Macron dans lequel il disait s’engager « personnellement »  à ce que « face aux incivilités et à la désagrégation chez certains du sens de l'Etat et de la Nation, la réponse soit toujours ferme, exemplaire et sans complaisance ».
Dans une interview au Journal du dimanche, le 11 août, François Baroin, président de l’AMF, a vivement réagi à ce drame, estimant que « les élus sont en danger »  et que les violences, de façon « incontestable », se multiplient et se banalisent. « Un maire, c’est un policier dans certaines circonstances, mais sans gilet pare-balles. (...) Il faut du courage, à la fois physique et moral. Cela fait des années que l’AMF porte ces sujets. Il faut maintenant donner un véritable coup d’arrêt et assurer une meilleure protection des maires, une amélioration de leurs conditions d’exercice ». 

Une consultation lancée par le Sénat
Première initiative concrète à la suite de ce drame : le Sénat a lancé, dès le 12 août, une consultation « sur les menaces et les agressions auxquelles sont confrontés les maires », afin de « mieux prendre la mesure de ce phénomène qui (...) n’a pas, jusqu’à maintenant, fait l’objet d’enquêtes approfondies. »   Cette enquête en ligne, qui est ouverte jusqu’au 15 septembre, a déjà fait l’objet de presque 2300 contributions d’élus. L’AMF encourage le plus grand nombre de maires possible à participer à cette enquête. 
L’association, sur un terrain plus spécifique, a également demandé que la loi évolue sur la question des dépôts sauvages de déchets - à la source de l’accident. Elle souhaite, expliquait-elle le 6 août, « la création dans le Code pénal d’un délit de trafic de déchets et l’amélioration des pouvoirs de sanction des maires, dont la responsabilité et celle de la commune peuvent être engagées s’ils ne font pas cesser les désordres résultant d’un dépôt sauvage ». 

Gouvernement: les premières réponses
De son côté, le gouvernement a livré la semaine dernière ses premières pistes de réflexion par la voix de Sébastien Lecornu, le ministre qui va porter en cette rentrée le projet de loi Engagement et proximité, dont le but est précisément d’améliorer les conditions d’exercice du mandat des maires. Sur Europe 1, jeudi dernier, le ministre a notamment annoncé qu’il souhaite que l’État prenne en charge le « soutien psychologique »  aux maires victimes d’agression, estimant qu’il n’y a « pas de raison qu’on fasse moins pour un maire que pour un policier, un gendarme ou un pompier ». Il a également évoqué les nouvelles possibilités d’amendes administratives qui seraient conférées aux maires par le projet de loi à venir. En l’état actuel du texte, notons toutefois que les infractions liées aux dépôts sauvages de déchets ne sont pas mentionnées dans ce domaine. 
Enfin, oralement, le ministre chargé des Collectivités territoriales a évoqué le 30 août une autre piste. Lors d’une rencontre avec des élus victimes de violences physiques ou verbales, en Haute-Garonne, Sébastien Lecornu a dit vouloir explorer l’idée de la « mutualisation des polices municipales ». On retrouve là l’idée émise dans le rapport Fauvergue-Thourot publié il y a un an (lire Maire info du 12 septembre 2018) qui prônait « l’intercommunalisation des polices municipales ». La proposition avait été fraîchement accueillie par les associations d’élus, en particulier l’AMF qui s’était immédiatement dite opposée à « tout transfert automatique de la police municipale à l’intercommunalité ». L’association se disait en revanche ouverte à des « mutualisations des effectifs et du matériel »  sur la base du volontariat.
Il reste donc à savoir ce à quoi le gouvernement réfléchit réellement en la matière, et si les « pistes »  envisagées par Sébastien Lecornu se retrouveront dans le projet de loi Engagement et proximité. La réponse viendra très vite, puisque le gouvernement a annoncé qu’une « lettre rectificative »  au projet de loi serait présentée en Conseil des ministres le 11 septembre. Mais les premiers éléments de cette lettre pourraient être connus dès cette semaine.

Franck Lemarc

Accéder à la consultation en ligne du Sénat.

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